vendredi 23 août 2013

Touraine, troisième jour (lundi)

Après un démarrage assez léger, nous avons, dès lundi, accéléré le rythme, et ce jusqu'à la fin du séjour. Il faut dire que le gîte, très agréable, nous procurait calme (les voisins de l'autre maison étant finalement assez tranquilles malgré deux enfants pour lesquels il n'a fallu intervenir qu'une seule fois) et repos nocturne.

J'ai maintenant des doutes sur la chronologie de nos visites: la découverte de l'abbaye de Fontevraud date-t-elle du dimanche ou du lundi ? Mais après tout, peu importe. Ce site n'est pas très loin de Chinon et mérite vraiment le détour, comme disait autrefois le Guide vert. Je crois même que, de tous, c'est le moment que j'ai préféré pendant notre séjour. Tout, ici, est intéressant, aussi bien historique qu'architecture.

En 1101, Robert d'Arbrissel, un breton, fonde une communauté qui a la particularité de recevoir aussi bien des hommes que des femmes. Même pas un siècle plus tard, l'abbaye devient nécropole royale et c'est là que sont enterrés Henri II Plantagenêt, Richard Cœur de Lion et Aliénor d'Aquitaine. A la révolution, les moines se dispersent, le mobilier est vendu et les dernières moniales ainsi que leur abbesse sont chassées en 1792. Les locaux seront ensuite (1804) transformés en maison de détention et, pendant la deuxième guerre mondiale, des centaines de résistants y seront emprisonnés. Les derniers détenus de la centrale la quitteront en 1985, bien que la vie pénitentiaire ait officiellement cessé depuis 1963. Après restauration, l'abbaye sera, en 2000, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco.


Pourquoi ai-je porté un tel intérêt à cette visite ? Parce qu'elle offre le privilège rare de la diversité, même si ce qui subsiste aujourd'hui ne constitue qu'une petite partie de l'ensemble initial. En fait, l'abbaye était, à l'origine, constituée de quatre prieurés, trois réservés aux moniales et un aux hommes, construit en dehors de la clôture mais à proximité immédiate. L'ordre fontevriste connut rapidement un vif succès et essaima dans de nombreux prieurés en Europe. Aujourd'hui, certains bâtiments ont disparu mais l'essentiel de la beauté des lieux a été préservé.

L'église abbatiale fut construite entre 1105 et 1165. Mélange de styles angevin et poitevin (karagar pourra sans doute éclairer ma lanterne ? ), elle est composée d'un chœur aux lignes sobres qui contraste avec la nef aux centaines de chapiteaux sculptés. Par cette opposition, elle m'a rappelé l'église de Brou, près de Bourg-en-Bresse, que j'ai visitée l'an dernier. Ces murs abritent quatre magnifiques gisants de la dynastie Plantagenêt : Henri II et son épouse, la célèbre Aliénor d'Aquitaine, Richard Cœur de Lion, son fils, et l'épouse de Jean sans Terre, son fils cadet: Isabelle d'Angoulême.

Dans le cloître, la salle capitulaire abrite de belles peintures murales du XVI° siècle représentant la Passion du Christ. Dans la salle du Trésor, de curieux vestiges d'une sculpture monumentale du Jugement dernier et un très émouvant jeu de cartes dessiné par un des détenus. Quant aux anciennes cuisines, de style byzantin, elles m'ont fortement rappelé un pigeonnier qui aurait eu des dimensions impressionnantes.

A noter encore, dans les anciens parloirs, une très intéressante exposition retraçant le passage de Jean Genet dans cette prison et l'immense Pôle énergétique, au pied de la colline, qui utilise plusieurs ressources comme le bois, le photovoltaïque, la récupération des eaux de pluie et la valorisation des déchets et dont, grâce à une baie vitrée, on peut voir le fonctionnement.


Aujourd'hui, l'abbaye se consacre à de nombreuses activités artistiques : arts visuels, cinéma, musique, spectacles divers, arts graphiques..., qui en font un lieu éminemment vivant.







(Ce billet ayant été écrit en deux fois, j'ai eu le temps de me renseigner hier soir auprès de mes camarades de voyage : la visite de Fontevraud a bien eu lieu  le dimanche et non le lundi.)

6 commentaires:

Cornus a dit…

Cette évocation me permet de répondre à la question que tu nous avais adressée par voie épistolaire. Nous connaissons effectivement l'abbaye de Fontevraud. Je l'ai visitée trois fois, ce qui démontre, s'il en était encore besoin, l'intérêt que je lui porte. D'ailleurs, lors de la dernière visite en 2007, j'en avais fait un compte rendu : http://cornusrexpopuli.canalblog.com/archives/2007/09/23/6301784.html
Je partage donc ton enthousiasme. Personnellement, ce qui m'avait épaté à chaque fois, c'était la qualité des explications des guides, une qualité que l'on rencontre que rarement ailleurs. J'espère qu'il en est toujours ainsi, car cela me semble précieux.

P. P. Lemoqeur a dit…

C'est le style plantagenêt qu'on trouve de la cathédrale de Poitiers à celle d'Angers, caractérisé soit par une nef unique ou par une nef et des collatéraux à peu près de la même largeur pour une hauteur somme toute modérée, ce qui en fait un style dit "halle". C'est très beau, souvent très clair et curieusement comme à Poitiers ornée de fresques dont les têtes des personnages sont elles, sculptée... Pierre de Chauvigny, tendre, blanche et un peu fragile, ou tuffeau de la Loire, plus jaune, parfois même jusqu'à l'ocre... bref de la merveille en barre..

karagar a dit…

Fontevraud (était-ce à cause de la température glaciale, de cette pierre blanche que je déteste?) m'a laissé froid ce qui est rarissime pour un édifice d'origine médiévale. Les édifices classiques nombreux y sont assurément pour beaucoup.
Pour l'église abbatiale, on a évidemment deux partis un peu contradictoires :nef unique à coupoles (qui n'est pas liée à une région particulière) et un choeur en abside à déambulatoire. L'architecture est très "internationale" même si dans le décor (contreforts en demi colonnes, modillons sculptés, pointes de diamants) on emprunte au répertoire dit "poitevin". En tout cas, rien à voir avec le style Plantagenêt, qui est un terme utilisé pour décrire la forme particulière du premier art gothique en Anjou. C'est un anachronisme bien sûr car l'église dont nous parlons est romane, même si ce dit style emprunte, en partie, à des traditions romanes locales.

Calyste a dit…

Cornus: nous avons utilisé l'audioguide qui était lui aussi d'une qualité exceptionnelle, sauf la dernière "station", un peu plus "publicitaire".

PP: c'est bien ainsi que je l'ai découverte: une merveille.

Karagar: merci pour tes précisions, même si j'ai du mal à m'imaginer que tant de beauté t'ait laissé froid.

P. P. Lemoqeur a dit…

Bien malin qui peut définir avec précision la solution de continuité entre le roman et le style platagenet...

Calyste a dit…

PP: la balle est dans le camp de karagar. Moi, je suis ignorant là-dessus.