J'ai évoqué récemment chez PP. un passage de Sénèque qui, pour complaire à son élève Néron, n'hésita pas à charger la mémoire du pauvre empereur Claude. Je viens de remettre la main sur ce texte, dans la traduction qu'en donne R. Waltz:
Apprenez ce qui se passa dans le ciel: j'en laisse la responsabilité à mon informateur. On annonce à Jupiter qu'il vient d'arriver une personne de belle taille, aux cheveux tout blancs ; qu'il a je ne sais quel air menaçant, car il remue la tête sans arrêt ; qu'il traîne le pied droit. On lui a demandé de quel pays il était ; il a répondu je ne sais quoi, avec des sons confus et une voix indistincte. On ne comprend pas le langage qu'il parle : il n'est ni grec ni romain, ni d'aucune nation connue. Alors Jupiter, s'avisant qu'Hercule avait parcouru la terre entière et devait connaître tous les peuples du monde, lui donne l'ordre d'aller examiner à quelle race appartient cet intrus. Hercule, au premier coup d’œil, se sentit tout décontenancé ; il crut qu'il n'avait pas encore affronté tous les monstres. Quand il vit cette face singulière, cette façon bizarre de marcher, cette voix qui n'était celle d'aucune créature terrestre, mais dont les sons rauques et brouillés rappelaient celles des bêtes marines, il crut qu'un treizième travail lui était échu. En regardant avec plus d'attention, il se rendit compte que ce n'était qu'une manière d'homme.
( Sénèque, Apocoloquintose du divin Claude.)
Une autre mauvaise langue en a fort mal parlé, il s'agit de Suétone, dans ses Vies des douze Césars (trad. de H. Ailloud):
A l'âge de cinquante ans il devint maître de l'empire, grâce au hasard le plus extraordinaire. Renvoyé avec les autres par les agresseurs de Caligula qui éloignaient tout le monde sous prétexte que l'empereur voulait être seul, il s'était retiré dans un cabinet. Bientôt après, terrifié par la nouvelle du crime, il se glissa en rampant vers une terrasse voisine et se dissimula dans les plis de la tenture placée devant la porte. Un soldat qui courait de tous côtés, ayant par hasard aperçu ses pieds, fut curieux de savoir qui cela pouvait bien être, le reconnut, le tira de sa cachette et, comme Claude, terrifié, se jetait à ses genoux, le salua comme empereur. Ensuite il le conduisit vers ses camarades indécis et se bornant encore à frémir. Ceux-ci le mirent dans une litière puis, comme ses esclaves s'étaient enfuis, le portèrent à tour de rôle sur leurs épaules jusqu'à leur camp, tout consterné et tremblant, tandis que la foule, sur son passage, le plaignait comme un innocent que l'on traîne au supplice.
( Suétone, Vies des douze Césars.)
samedi 13 juillet 2013
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2 commentaires:
Et oui! Finalement rien ne change. Eternel destin vécu une fois pour toutes et que l'on s'acharne à raconter en espérant se mieux connaitre. Avec cet impératif absurde: connais-toi toi-même.
Didier: n'est-ce pas là le plus difficile ?
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