Un genou écorché (avatar du voyage dans le Jura), je suis allé à Bons. J'ai enfin eu le courage de retourner devant cette maison où, pendant trente ans, j'ai passé mes vacances, été comme hiver. Il me fallait bien cette marque de blessure enfantine pour me diriger vers un passé dont j'ai tourné la page.
Le village n'a pas changé, à part deux immeubles construits près de l'église, les commerces sont les mêmes, le rythme, comme toujours, quasiment helvétique (la frontière est toute proche). Montée par la route à travers les pommiers dont personne maintenant ne ramasse plus les fruits. Le vieux monsieur à la villa aux hortensias s'occupe toujours de son jardin, les haies ont poussé, les chiens aboient au passage de la voiture mais celui qui, autrefois, se jetait sur mes roues ne s'est pas montré. Au sommet, on redescend vers le hameau mais la maison n'apparaît pas encore, cachée par le vieille grange qui, elle non plus, n'a pas changé, avec sa planche manquante à l'une des ouvertures.
L'ancien verger, d'abord, envahi par les herbes, à l'abandon, le cerisier tardif toujours là mais menacé par un remblais, et le toit des anciennes toilettes masqué par le noisetier qui un jour en viendra à bout. Le cœur se serre au souvenir des jours d'été passés. Je reconnais la maison mais dans quel état! Des travaux y ont été entrepris puis abandonnés: on y a percé de nouvelles ouvertures, l'appartement est à l'étage maintenant, là où se trouvaient nos chambres, l'écurie a été transformée pour agrandir la surface habitable. Dans la cour et sur mes anciennes jardinières, des gravas, des pierres, de l'herbe. Je suis heureux de retrouver presque intacts les plantations que j'avais faites au fil des années: le lilas, sur la butte, le prunier du Japon, le forsythia, la pivoine et les rosiers. Ont disparu les iris et les belles de nuit.
Derrière, une terrasse a été ajoutée. C'était un de nos projets, à Pierre et à moi. Nous n'avons pas eu le temps de le réaliser. Les volets que j'avais eu tant de peine à repeindre sont écaillés et ne ferment plus, je n'ai qu'à peine regardé l'intérieur tant l'on m'a dit qu'il avait changé. La porte a été refaite à l'identique mais semble trop neuve. Je croyais avoir plus mal en revoyant tout ça. je me rends compte que non: la page, celle-ci aussi, est tournée. Il ne fallait plus que ce voyage pour fermer définitivement le livre.
Les voisins sont toujours là, Raymond qui semble rajeuni, Marie-Françoise qui a forci mais reste toujours aussi souriante, la vieille Madame L. qui va sur ses cent ans. Tous heureux de me revoir, six ans après ma dernière apparition, ce 1er avril 2006 où j'avais dû emporter tout ce qui avait fait ma vie et où les larmes brouillaient mes yeux lorsque la camionnette avait pris la route. Le temps semble s'être arrêté là-bas. Ils m'ont tous fait promettre de revenir. Je sais maintenant que je le pourrais, mais à quoi bon?
( Les photos que je voulais joindre à ce texte refusent d'apparaître. Un signe ?)
mardi 21 août 2012
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9 commentaires:
Je redoute de vivre un jour une telle expérience (quitter un lieu cher). J'ai ressenti quelque chose d'un peu équivalent à ce ue tu nous dis là par rapport à la ferme de mes grands-parents transformée par mon cousin. Lors du dernier Noël, j'ai comme toi tirer un trait sur l'actuel et le futur qui ne m'appartiennent pas.
Et si les photos revenaient, ce serait bien quand même...
Merci Calyste pour toutes ces notes qui sont devenues rares dans mon univers bloguien.
Cornus: j'espère bien que tu ne vas pas disparaître, comme La Plume, cette lâcheuse!
Tss tss tss, attention je suis cachée derrière la porte, j'entends tout !
Je crois n'être jamais retournée sur aucun de mes anciens lieux. Ça me fait peur.
La plume: c'est à la fois un moment difficile et une excellente catharsis.
Oh, oh! serait-il possible que Dame Plume souffre de troubles mnésiques? Même s'il n'est plus possible d'accéder à son dernier blog, il semble me souvenir qu'il n'y a pas bien longtemps elle nous a entrainé sur les traces d'un de ses anciens nids de Plume....ou aurais-je la mémoire qui flanche?
Je présente mes excuses au Maître des lieux pour cette incursion intempestive et en profite pour lui signifier ici tout l'intérêt que je porte à ces notes.
Jeanne Moreau: encore un bon pseudo! "J'ai la mémoire qui flanche, j'ne me souviens plus très bien..."!
Que d'esprit et d'à propos dans ce commentaire! Encore, encore!
Bravo Jeanne ! Le garage...Je l'avais complètement oublié.
Mais c'est qu'on est surveillé de près !
Non non je reste, du moins je n'ai pas envie de partir pour l'instant.
La Plume: on "était", Plume, on "était". Re Grrrrrrrr!
Cornus: et tu m'en vois ravi!
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