Après le repas du soir. Elles attendent qu'une aide-soignante les conduise dans leur chambre, pour passer la chemise de nuit ou enfiler la couche protectrice. L'une s'est endormie, la tête au ras de son assiette, l'autre dodeline, prête à l'effondrement, une troisième s'essaie à quelques pas seule: il faut atteindre le pilier central sécurisant et le serrer longtemps avant de repartir. Celle-ci demande à l'infirmière ses deux cigarettes du soir, les plus valides sont déjà installées devant la télévision. Toujours la même chaîne (et l'après-midi, ce sont des valses de Strauss, éternellement rejouées sur le vieux mange-disques).
L'été dernier, cinq sont mortes. Les nouvelles se font petites et respectent les places ancestrales sur les canapés. La moindre erreur, le moindre manquement provoquent un drame. Elles lèvent parfois les yeux, tristes, et regardent leur avenir assis face à elles. Quelquefois l'une souris, en évoquant quelle histoire, en recréant quel visage ? Elles ne disent pas un mot. A quoi servent les mots maintenant?
Curieusement, c'est à une nurserie que je pense en les voyant, ces femmes redevenues enfants et traitées comme tel. Et le soir, lorsque je serai parti, elles seront toutes allongées dans leurs chambres, seule ou à deux, attendant le premier passage de la garde de nuit.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
4 commentaires:
Ma mère parkinsonienne profitant de ses quelques heures de lucidité quotidienne se débrouilla toute seule pour partir en maison de retraite. Elle m'appela un matin pour m'annoncer non seulement sa résolution mais que tout était prêt et qu'elle s'y installait un mois après. "Et de la fenêtre de mon studio, je vois ma maison natale" me dit-elle. Merci Maman j'ai compris. Six mois après elle s'endormit un soir et oublia de se réveiller. Mais entre temps... Les repas pris n'importe comment, l'abandon devant la télé, pas de familiarité toutefois avec elle, autoritaire en diable elle n'était pas du genre à se laisser infantiliser... Un jour où je lui rendais visite je fonçai au super- marché le plus proche acheter une pompe à bicyclettes, tous les fauteuils roulants étaient dégonflés...
Mais il y avait dans le hall d'entrée un vieux piano à queue hors d'usage mais fort bien astiqué...
Tout cela m'attriste. Je vois mes parents vieillir, vieillir, même si pour l'instant ils se débrouillent merveilleusement bien. Ils sont d'ailleurs à la maison depuis hier. Plus de deux ans qu'ils n'étaient pas venus.
P.P: je vois que tu connais bien aussi le problème. Point commun de nos mères: l'autorité. Différence: cela fait cinq ans que la mienne est "hospitalisée". Mais tout ça n'est pas une question de temps. Je connais aussi les pleus dégonflés!...
Cornus: tu dois être heureux!
Enregistrer un commentaire