Samedi, un petit monsieur légèrement grassouillet, les cheveux courts et grisonnants, se tenait devant la porte d'un bâtiment annexe du Musée du chapeau à Chazelle-sur-Lyon alors que nous sortions de visiter la partie principale de ce musée. Je crus que l'heure des visites était passée et qu'il s'apprêtait à fermer. Il me rassura bien vite et se proposa même pour nous guider dans les quatre salles consacrées à la thématique de l'animal et du chapeau (matières ou formes).
Quand je passai devant lui pour pénétrer dans la première pièce, j'eus soudain l'impression d'avoir déjà vu ce visage ailleurs, il y a très longtemps. mais où? C'était la première fois que je mettais les pieds à Chazelle, la première aussi au musée du chapeau. Un autre coup d'œil discret dans sa direction pendant qu'il commençait sa présentation me confirma mon impression. Lui aussi, d'ailleurs, semblait réfléchir tout en me regardant. La situation risquant de devenir délicate (était-ce un ancien amant, un parent d'élève, un ami de Pierre?), je me jetai à l'eau et posai la question. J'avais vu juste, mais notre rencontre remontait à beaucoup plus longtemps que cela.
Jean-Pierre avait été l'amant d'Yvon, mon ami d'enfance, au début des années soixante-dix. Il était alors comédien de théâtre avec un autre de ses amis et nous avions passé quelques soirées chez eux dans leur appartement du Vieux Lyon. Je me souviens que ce garçon m'agaçait prodigieusement, moi qui étais nettement moins sensible à tout ce qui brille qu'Yvon, et que je trouvais ses enthousiasmes et sa fougue un peu artificiels et forcés. Mais n'est-ce ainsi que l'on devait être lorsque l'on faisait du théâtre dans ces années-là (et à cet âge-là)? Leur relation amoureuse ne dura que peu de temps et nous les perdîmes ensuite de vue. Puis Yvon mourut et j'oubliai quasi totalement ces deux personnages en quête de talent.
L'homme de soixante ans que j'avais samedi en face de moi n'était plus le même. Même si traînait sur son bureau de l'entrée un livre de Thomas Bernhard, il me parut totalement humain et libéré de tout maniérisme, de toute posture faussement intellectuelle. Quand il me reconnut, il me tutoya immédiatement et m'embrassa chaleureusement, comme si nous avions été les meilleurs amis du monde. J'eus droit aussi à la même embrassade quand nous quittâmes les lieux. Entre temps, il me raconta qu'il n'avait jamais réellement percé dans le milieu du théâtre et qu'il avait même fini par perdre son statut d'intermittent du spectacle. Son honnêteté me toucha. Après tout, il pouvait bien me raconter n'importe quoi, je n'allais pas vérifier.
Étrangement, cette rencontre vient en même temps ou presque que d'autres petits riens, anodins ou pas, qui ne cessent en ce moment de me replonger dans un passé plus ou moins lointain que je ne tiens pas à réveiller, non qu'il soit particulièrement pénible, mais parce que je ne veux plus me retourner. Je ne lui ai pas demandé son téléphone.
lundi 4 octobre 2010
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3 commentaires:
Tu sais, j'ai réalisé que même lorsque l'on retrouve un ancien copain, il est quasi impossible de renouer vraiment, c'est aussi pour cela que j'ai abandonné toute recherche sur les sites d'anciens élèves. Comme toi je ne me retourne pas souvent.
La personne à laquelle tu fais allusion ne me dis rien (je ne me souviens que de deux personnes assez jeunes - plus jeunes que moi). Mais on ne nous avais pas proposé de visite complémentaire dans une exposition temporaire.
En tout cas, la personne que tu décris semble respirer l'honnêteté et une certaine générosité qui semble bien coller avec ce que j'avais perçu du lieu et des guides en 2007.
Par ailleurs, je comprends que tu ne cherches pas forcément à le recontacter. Rien ne serait pire que de feindre vouloir reprendre contact alors que rien ne le réclame.
Mais je conserve un petit rétroviseur, Valérie, ne serait-ce que pour garder la distance!
Je ne crois pas qu'il soit employé par le musée, Cornus. Peut-être une simple vacation.
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