Une chose que je ne regretterai pas quand je ne serai plus chargé d'enseignement, c'est bien la lecture des romans pour la jeunesse! Pour un valable (La Rivière à l'envers, par exemple, de Jean-Claude Mourlevat, ou La Rencontre, de Allan W. Eckert), combien d'insipides, de mal écrits, de racoleurs, de sans autre intérêt que l'illustration facile d'un aspect du programme de français ou d'histoire. Le marché est juteux. On publie donc n'importe quoi. Aux enseignants de faire le tri en passant des heures à soupirer en tournant les pages.
Nous étions à la recherche d'un roman historique sur le Moyen-Age pour des élèves de cinquième, si possible écrit en français à l'origine, pour éviter les traductions, et si possible dans le texte original et non dans une de ces adaptations imbéciles qui ne sont, à mes yeux, que des escroqueries de la part de ceux qui les écrivent, puisqu'il se servent du génie par exemple d'un Chrétien de Troyes pour empocher des revenus bien mal acquis.
Le premier que j'ai lu, ce week-end, s'intitule La Croix des Pauvres et porte sur l'épisode précis de la croisade de 1096, connue sous le nom de Croisade des Gueux et qui se termina à Civitot, en Asie Mineure, par un terrible massacre des croisés par les turcs. L'auteur, Pierre Davy, est sans doute un homme sérieux et documenté mais que son livre est ennuyeux à lire! Pas un instant on ne voit derrière les personnages un être de chair et de sang, autre chose qu'une illustration d'un archétype. Raconter cette longue pérégrination à travers l'Europe en 160 pages relève de la gageure! C'est fait!
Mais qu'y a-t-il d'essentiel dans ce livre? Les personnages? Je viens de dire que non puisqu'ils n'ont aucune épaisseur. Les aventures de cette foule en haillons? Chaque épisode est beaucoup trop vite traité pour que l'on ait le temps de s'y intéresser. Alors quoi? L'aspect historique? Consulter un manuel spécialisé risque fort d'être plus productif. Le récit est suivi d'un dossier pédagogique à l'attention des professeurs que je n'ai pas lu, par lassitude et ne sachant que trop bien quelles platitudes on y trouve en général.
Je l'ai déjà dit: j'en ai assez que l'accès à la culture passe aujourd'hui obligatoirement par des questions financières ou de guerres entre les éditeurs et que tout, ou presque, ce qui paraît soit d'un niveau intellectuel aussi lamentable. Je prône depuis des années l'étude des textes classiques. Il semble que, peu à peu, l'idée fasse son chemin dans les directives ministérielles. Mais bouger le mammouth, savez-vous, ce n'est pas toujours aisé!
Finalement, nous allons sans doute opter pour Le secret de la Cathédrale, de Béatrice Nicodème , qui, s'il n'est pas un chef-d'œuvre, est bien écrit, se lit sans déplaisir et risque "d'accrocher" les élèves. Faute de grives....
(J'ai comme une petite gène en notant le tag "Littérature" en bas de ce billet, mais bon...)
mardi 19 octobre 2010
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9 commentaires:
Pas content notre Calyste, mais je crois bien comprendre ce que tu veux dire. D'ailleurs ce genre de choses ne se limite pas à la littérature. Des tas d'éditeurs pondent des livres dans le domaine de la botanique (par exemple) dont les 3/4 au moins n'ont aucun intérêt. On traduit des tas de choses de l'anglais (parfois en changeant le titre visant à induire le lecteur en erreur), on fait passer pour neufs des bouquins qui sont dépassés depuis 50 ans, on édite des tas de bouquins sur les usages médicinaux des plantes alors qu'ils se recopient entre eux sans apporter des choses nouvelles. Et pendant ce temps là, ceux qui tentent de faire des choses nouvelles et sérieuses ont un mal fou pour avoir les moyens de leurs justes ambitions.
Mais en littérature aussi, on republie des romans déjà parus sous un autre titre, dans le polar en particulier! Et Pierre s'est toujours plaint des thèses qui se copiaient les unes les autres.
Calyste! Que lisions nous à leur âge, Moi 5ème, 4ème ,j'avais lu le Grand Meaulnes, je connaissais par coeur des tirades de Cyrano et de l'Aiglon, péché mortel je lisais Molière et Racine (même si je comprenais pas tout) Les Misérables et Notre-Dame de Paris (en digest mais quand même) et Alexandre Dumas et même Pierre Benoit (ah les heures passées à lire l'Atlantide et Koenigsmark) et puis ce bon vieux Lagarde cet Michard que certains profs des collèges devraient feuilleter un peu!
Bah! Calyste! combat d'arrière garde! O tempora! O mores!
Je suppose qu'on vous soumet une sorte de "play list" en début d'année et que vous n'avez pas possibilité d'introduire des livres de votre choix ?
Comme ce fut mon boulot de "corriger" des romans pour la jeunesse pendant 3 ans, j'en ai tâté du nivellement par le bas ! Pareil en breton qu'en français. À croire qu'on prend les gamins pour des demeurés. Mais heureusement, dans les filières bilingues, comme le ministère s'en fout complètement, les profs peuvent choisir les oeuvres qu'ils veulent. Et souvent ils choisissent des oeuvres "pas pour la jeunesse". On s'en tire pas mal, donc.
Je débarque ici en provenance d'ailleurs (de chez Valérie de la "Iote") et je m'étonne que ta documentaliste ne t'aie pas aiguillé vers quelque chose de plus sympa, en effet ! Sur ce thème ça ne manque pas, la prochaine fois demande-moi :-) Tu pouvais allégrement taper dans l'oeuvre de J-C. Noguès ou Brisou-Pellen, gage d'une certaine qualité.
Allez, pour te réconcilier avec la LJ, si ton chemin croise celui du Garçon bientôt oublié (J-N. Schiarini) n'hésite pas. Plutôt pour 3è. Surprenant. Original.
Serions-nous tout deux rétrogrades, cher baron. Pour ma part, j'ai toujours beaucoup prisé Lagarde et Michard.
Si, Karregwenn, on a une certaine liberté de choix. Mais encore faudrait-il qu'il y ait un choix!
FD: d'accord pour Noguès mais pas du tout pour Brisou-Pellen. Tous les deux sont venus, invités, au collège il y a quelques années. Noguès est un honnête homme, tout passionné par son art et d'une grande douceur. Brisou, elle, semble avoir un tiroir-caisse comme seule motivation. Merci pour le dernier titre, je ne connais pas.
Il est naturel que les thèses se "copient" les unes les autres dans la partie analyse biblio s'entend. Mais de là à ne faire que plagier, je n'ai pas trop vu. En revanche, j'ai vu des thèses récentes qui enfoncaient des portes ouvertes ou qui n'apportaient absolument de rien de nouveau (du genre des thèses ratées où tout ce qu'on a expérimenté n'a rien donné, ce qui doit être terrible même si montrer qu'il n'y a pas de résultat est déjà un résultat).
Pfffou, de toute façon, quand on y réfléchit bien, est-ce vraiment l'école qui va pouvoir aiguiller les élèves dans la bonne direction en matière de lecture ?
Profs déchirés entre le cruel dilemme d’ INCITER A LIRE et de ne pas faire lire n’importe quoi... Bien souvent ils choisissent la première option au détriment de la seconde. J’ai lu cette semaine dans un blog qu’en 1981 (ça ne date pas d’hier) une prof de français avait conseillé à ses élèves la lecture d’un best-seller de l’année : « La nuit des enfants-rois ». J’ai eu les yeux qui en sont sortis des orbites. Je l’avais lu en 1987, une immonde daube racoleuse et mal écrite...
Mais Lancelot, il n'y a pas de bonne direction en matière de lecture: il y a les bons livres et les autres, hélas beaucoup plus nombreux!
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