Ce tableau de René Magritte, La Reproduction interdite (1937), que je n'ai jamais vu qu'en reproduction, m'a toujours fasciné. L'idée de peindre un personnage de dos n'est pourtant pas nouvelle, même en 1937 : une peinture romaine antique découverte à Stabies et exposée au Musée National Archéologique de Naples (une merveille) présentait déjà de cette façon la déesse Flore.
Mais là, il s'agit d'un personnage statique qui se contemple dans un miroir et ne voit pas ce qu'il devrait voir : le miroir lui renvoie l'image de son dos. Il ne se voit pas de face comme il serait logique.
Je pense que ce tableau me replonge dans ce que me disait ma grand-mère, à savoir qu'il ne fallait pas se regarder dans un miroir car on risquait d'y voir apparaître le diable (encore aujourd'hui, je ne peux pas être assis ou manger face à un miroir et, chose plus étonnant, ma sœur, qui n'a pas été élevée par la grand-mère, a la même phobie.).
Il est également à l'origine d'une collection de photographies (assez peu fournie vu le thème) que j'avais entreprise sur le thème des personnages de dos. Moi-même, lorsque je photographie des personnes dans la rue, c'est toujours (ou presque) de dos, et pas seulement à cause du célèbre droit à l'image, alors que je n'ai jamais pu prendre des photos de famille sans les rater. Le dos des inconnus est tellement parlant !
Sous le miroir, sur le rebord de ce qui semble être une cheminée, un livre est posé et, à mon avis pas uniquement pour meubler l'espace, sinon un bouquet de fleurs aurait aussi bien fait l'affaire. Mais les fleurs sont, pour ainsi, dire animées (dans le sens latin de "anima" : souffle vital) et, dans ce tableau, tout est mort, figé en tout cas.
Plusieurs idées me traversent l'esprit en voyant ce livre :
- la lecture n'est-elle qu'un leurre, qui fait que nous nous prenons pour quelqu'un d'autre en lisant (la fameuse identification) ?
- est-elle un moyen de se fuir, de ne jamais se regarder en face ?
- au contraire, fuir la lecture pour l'image, particulièrement de soi (voir la mode des selfies), ne mènerait-il pas à ne rien voir, à ne plus avoir d'yeux pour ce qui nous entoure, à n'être finalement personne ?
3 commentaires:
J'ai déjà vu des images de ce tableau, qui ne se trouve pas au musée Magritte de Bruxelles. J'aime beaucoup l'idée.
Ou la lectures un moyen de se concentrer sur l'important et de ne pas laisser son regard erreur et se distraire ...
Cornus : moi aussi, d'une manière générale j'aime beaucoup ce peintre.
Jérôme : la lecture, pour moi, est un souffle essentiel, vital, dont, pourtant, on ne voit pas la buée sur le miroir.
Enregistrer un commentaire