Dieu que je n'aimais pas les cours d'anglais pendant ma scolarité. Mais j'aimais celui qui me l'enseignait : un homme sévère qui fumait en classe et dont, je crois, j'ai déjà parlé. Il était handicapé d'une main, la droite dans mon souvenir, qu'il avait toujours cachée sous un gant noir. Nous devions plier chacune de nos copies dans le sens de la hauteur pour qu'il puisse les coincer entre le pouce et les autres doigts de cette main handicapée. Lorsqu'il nous les rendait, il distribuait les meilleurs aux bons élèves. Le reste était jeté à terre où nous devions les récupérer.
Il a commencé à m'apprécier le jour où j'ai refusé d'éteindre l'allumette avec laquelle il venait d'allumer sa cigarette, allumette qu'il tendait par dessus son bureau à ceux qui occupaient le premier rang. D'habitude, c'était le fils du médecin des mines qui se précipitait, servile jusqu'au bout des ongles. Moi, je n'ai pas voulu, malgré son regard terrible. Il avait priser ma rébellion.
J'ai commencé à l'aimer le jour où il nous a parlé de ce tableau de Van Gogh, dans une des parenthèses qu'ouvraient régulièrement nos vieux profs et où j'ai tout appris de ce qui me tient encore à cœur. Ce jour-là, fait exceptionnel, il nous parla aussi de lui, de son enfance de fils de métallo dans la banlieue de Saint-Étienne. Dans ce lycée de grands bourgeois, j'avais trouvé un complice.
Je l'ai revu beaucoup plus tard, dans sa maison de campagne, près de la colonie où mes frères et sœurs passaient les vacances. Il avait eu l'air content de ma visite. Et jamais,ce jour-là, il ne fit allusion à mes exploits dans la langue de Shakespeare ! Plus tard encore, j'ai vu le tableau, à Amsterdam, je crois. C'était comme si le vieux monsieur, mort depuis longtemps, était tout près de moi.
5 commentaires:
intéressant, tableau compris, mais... est-ce que ceci excuse cela???
Je savais ton intérêt pour l'anglais et tu avais évoqué ce prof, mais sans les détails de cette fois. La question est de savoir si tes copies faisaient partie de celles qui se retrouvaient à terre ou si tu avais un niveau suffisant pour échapper à cette humiliation ?
Karagar : pas d'excuse, je n'en cherche pas.
Cornus : vu mon niveau, je me penchais souvent.
A la même époque, il peignit Les mangeurs de pommes de terre...
Tableau qui a du probablement aussi séduire ton prof d'anglais...
Chroum : grand tableau aussi, que j'ai vu et prisé !
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