J'ai chez moi une sorte de petit trésor de ridicule. Je ne me suis jamais séparé de ce gros livre acheté en solde il y a très longtemps, tant il m'interpelle. Il s'agit du Répertoire alphabétique de 16700 auteurs (70 000 romans et pièces de théâtre cotés au point de vue moral) rédigé par le jésuite Georges Sagehomme (patronyme qui est en soi tout un programme!). Il est paru dix éditions de cet ouvrage, celle que je possède datant de 1966.
Les œuvres y sont classées par ordre alphabétique d'auteur, sans aucun commentaire si ce n'est une lettre devant chaque titre:
TB : tous lecteurs
B : adultes et généralement à partir de 18 ans
B' : exigent formation morale, intellectuelle et religieuse suffisante
D : appellent de sérieuses réserves
M : oeuvres nocives à rejeter
I : index
Une note précise pour ce qui est des œuvres nocives : Nous sommes bien d'accord que les romans foncièrement nocifs c'est-à-dire susceptibles de faire du mal à ceux qui les lisent, même s'ils se croient protégés par leur culture, leur formation morale et religieuse et leur expérience de la vie, doivent être exclus de nos bibliothèques. Nous les classons "à déconseiller" quelle que soit leur valeur littéraire. Entrent dans cette catégorie :
- les romans contenant des passages érotiques ou obscènes
- ceux qui prônent l'immoralité, ou qui plongent le lecteur dans une atmosphère totalement amorale, morbide ou désespérée (...) C'est le cas, par exemple, de Bonjour tristesse, de F. Sagan.
- ceux qui attaquent nettement le christianisme (...).
Il faut peut-être préciser que L'Index, c'est-à-dire la liste des ouvrages interdits aux fidèles, a été créé par la papauté au XVI° siècle : le premier catalogue date de 1559. La 32° et dernière édition officielle parut en 1948. L'Index fut aboli en 1966, année de parution du livre que je possède.
Alors, au hasard des pages, voici ce que l'on découvre :
- A l'Index:
Hugo : Notre-Dame de Paris
Balzac : Le Lys dans la vallée, Le Père Goriot...
Zola : toute l’œuvre
Dumas fils : La Dame aux camélias
Beauvoir : Le Deuxième sexe, Les Mandarins
- Œuvres nocives à rejeter :
Maupassant : presque toute l’œuvre
Reverzy : Le Passage
Sade : toute l’œuvre
Vallès : L'Enfant
- Appelant de sérieuses réserves:
Beckett : En attendant Godot
Molière : Tartufe, Don Juan...
Dostoïevski : Les Possédés
Il existe également des œuvres signalées pour leur très grande valeur par un astérisque :
Georges Le Fèvre : La Croisière d'or
Sally Salminen : Long printemps
Charles Géniaux : A l'ombre du clocher
Etc, etc. Vous aurez donc compris qu'à l'avenir, j'attends de vous que vous me demandiez le "legatur" (équivalant de l'imprimatur pour la lecture et créé à l'instant même) avant de vous lancer dans des ouvrages qui risqueraient de vous corrompre et de faire de vous des hommes et des femmes à tendance vicieuse voire pire !
samedi 21 février 2015
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5 commentaires:
Ce qu'il y a de bien avec ces genres d'index, c'est leur "enfer", les livres qu'ils faut rejeter et qu'on met en premier sur la liste des courses chez les libraires, tellement on a envie de les lire !
Quand aux ouvrages qui sont lourdement conseillés, on comprend qu'à moins de n'avoir pas le choix (être en prison par exemple) il ne faut surtout pas les lire...
La vertu de la censure est de permettre d'enfreindre les "interdits"
J'ai presque peine à y croire. Mais en même temps, je sais qu'il y a eu entre deux la mise en œuvre de Vatacan II et 1968...
Je note quand même que tous les auteurs "insalubres", on les connaît tous, tandis que les "bons" me sont totalement inconnus. Et j'ignorais que j'avais autant de lectures malsaines dans mon existence.
C'est comme de mettre un cm de beurre sur ta tartine quand le toubib vient de te dire de passer d'urgence à la margarine...c'est tellement bon !
Chroum : il suffit de lire à l'envers !
Cornus : et ce n'est qu'un échantillon.
Plume : ça me rappelle, dans je ne sais plus quel roman, un personnage de religieuse qui, en savourant une glace disait : "Dommage que ce ne soit pas un pécher !"
Plume : Stendhal, L'Abbesse de Castro, il me semble.
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