samedi 27 décembre 2014

Fiction (26)




Tom n’était pas seul. Une jolie brunette d’une cinquantaine d’années l’accompagnait et, à voir, la tête du hollandais lorsqu’il m’aperçut, je sus immédiatement que j’étais de trop et qu’il ne pensait pas me trouver là. Il me fit, en guise de bonjour, un vague signe de la tête et se détourna aussitôt pour ouvrir la portière arrière. Mais la brunette, elle, s’avança vers moi avec un large sourire et en me tendant la main.

- Je suis Valeria, votre logeuse. Nous devions nous voir avant et je suis désolée de ce contretemps : je n’ai pas eu un instant à moi ces jours-ci et mon portable était en dérangement. J’espère que vous vous plaisez ici ?

A mon tour, je lui tendis la main, finalement assez content de cette diversion à ce qui m’apparaissait comme une situation assez délicate.

-  Je me sens très bien ici, mis à part la rencontre, le premier soir, avec des bestioles peu sympathiques…
- Ah !  les scorpions ! Dès que la maison reste inhabitée quelques temps, ils en profitent pour s’y installer. Mais rassurez-vous, cette espèce-là n’est pas dangereuse.

J’aurais eu mauvaise grâce, face à sa bonne humeur, de lui rétorquer que cela ne sautait pas d’emblée aux yeux lorsqu’on en rencontrait un dans le salon en train de filer sous un meuble. Aussi n’en fis-je rien et lui rendis son sourire.

Pendant ce temps, Tom s’affairait toujours à l’arrière de la voiture, attendant sans doute que je vide les lieux. Mais, alors que j’entamais avec Valeria une conversation polie, Dorée fit un signe à son mari pour l’entraîner un peu plus loin dans le chemin d’accès. D’où je me trouvais, je pus les voir s’expliquer à voix basse avec force gestes des bras. Les italiens ne sont manifestement pas les seuls à appuyer leurs dires de mouvements énergiques.   

Gêné, je proposai à Valeria de lui régler mon solde de location et nous entrâmes dans le salon. 

- Cette maison a été achetée par mes parents alors que j’étais encore une enfant. C’était à l’origine une petite ferme et le propriétaire possédait quelques vignes aux alentours dont il tirait chaque année deux ou trois bouteilles de vin. Aujourd’hui, vous le voyez, la nature a repris ces droits.
- C’est dommage…
- Oh ! Vous savez, le vin n’était pas très bon et puis, à la mort de mon père, ma mère, qui vieillissait, a préféré partir s’installer à Lucca, en prévision de jours plus difficiles. Elle a tous les commerces à sa disposition et la ville possède un hôpital, où d’ailleurs mon père est décédé. Aujourd’hui, nous ne venons que très rarement. C’est moi qui ai eu l’idée de louer pendant la belle saison. J’ai fait faire quelques aménagements mais l’essentiel est resté tel que la maison se présentait quand mes parents y habitaient. J’en ai simplement profité pour vider un peu les bibliothèques de mon appartement. Les livres prennent une telle place.
- Je me suis permis d’en feuilleter quelques-uns.
- Vous avez bien fait, ils sont là pour ça.

Alors que je finissais de payer Valeria, la silhouette de Dorée s’encadra dans la lumière de la porte :

- Vous pouvez venir, j’ai parlé à Tom. Il est d’accord pour mettre notre ami au courant.

Mais au courant de quoi, grands dieux ? Je commençais à être passablement irrité par tous ces mystères. Que voulait dire Dorée ? Que cachait ce couple de hollandais ? Quel rôle jouait Valeria dans cette partie de cache-cache ? 

- Sortons, dit-elle, puisqu’ils le veulent. Vous m’avez l’air d’un homme à qui l’on peut faire confiance.

Dehors, Tom se tenait immobile, l’air emprunté, les bras ballant le long du corps, auprès de Dorée  qui, tout sourire, tenait enlacé un petit enfant noir.






5 commentaires:

karagar a dit…

ah tout ça pour un mioche ! :)

plumequivole a dit…

Qu'ils avaient planqué dans le coffre avec les valises !

Calyste a dit…

Karagar : on sent que tu aimes les enfants ...

Plume : là, tu t'éloignes !

Cornus a dit…

Ah, il lui a fait un enfant dans le dos et que c'est pour ça qu'il est noir :-)

Calyste a dit…

Cornus : la vilaine pensée...