Voilà bien le tableau qui marque pour moi les incertitudes de la mémoire : La Tempête, de Giogione (1500-1510). Lorsque je l'ai vu la première fois, il m'a profondément impressionné, malgré sa simplicité apparente et le côté assez convenu du paysage qui occupe le fond du tableau. Seule m'intriguait la présence de cette femme allaitant son bébé, femme à moitié nue et sans pudeur face au personnage masculin qui l'observe.
Et c'est cette femme qui a gravé ma mémoire : le paysage urbain y a disparu, de même que l'homme appuyé sur son bâton de l'autre côté du ruisseau. Je n'ai gardé dans mon souvenir que la femme, l'enfant, le ciel tourmenté d'avant l'orage, le tout perdue dans une verdure luxuriante. Pourquoi ? Certainement pas par pudibonderie mal placée, ce n'est pas mon genre.
Plutôt parce que le ciel et la femme nue sont des éléments surprenants dans l'art de cette époque (début XVI°). Et puis qui est cette femme ? La question a fait coulé beaucoup d'encre : certains y voient Vénus allaitant Énée, les colonnes brisées annonçant la chute future de Troie. D'autres pensent à Adam et Eve une fois chassés du Paradis terrestre. Les plus intellectuels reconnaissent les quatre éléments (eau, feu, terre et air). Les plus audacieux (et à la fois les moins crédibles) évoquent la fuite en Égypte (mais la Vierge a-t-elle jamais été représentée une seule fois avec un sein nu ?).
Peu importe la réponse, si réponse il y a. Pour moi, dans la représentation faussée que j'en gardais, ce tableau évoque la menace et la solitude. Et curieusement, j'ai sans cesse pensé à lui lorsque j'ai écrit la nouvelle que j'ai proposée ici il y a quelques temps suite à un voyage à Lucca.
2 commentaires:
C'était une devinette ? Parce que tu n'as donné ni l'auteur ni le titre ! Ce n'est pas grave, parce que j'ai retrouvé (je voulais voir l’œuvre en plus grand. Notre mémoire est parfois très sélective. Il m'est aussi arrivé d'oublier certaines parties de certains tableaux que je pensais connaître.
Cornus : merci. Je l'avais tellement en tête que j'ai totalement oublié. Oubli réparé.
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