Il est des livres devant lesquels on tremble, dont on se dit qu'il vaudrait mieux ne pas les lire, et puis que l'on dévore un peu comme ces petites baies trop acides dont le goût vous fait grimacer et qui vous sèchent les parois de la bouche.
Annie Ernaux, c'est une femme que j'aime. Pour sa fragilité, pour l'envie que l'on a de la protéger quand on la voit (rarement) à la télévision, une sorte de Modiano au féminin. En 1984, j'avais lu La Place, prix Renaudot cette année-là. J'avais été subjugué, au point de ne plus la lire parce que trop intime, trop pudique aussi, trop proche. En 2005 pourtant, je craquai pour L'Usage de la photo.
Quand je l'ai vu sur les rayons d'Emmaüs, j'ai hésité à acheter Je ne suis pas sortie de ma nuit. Je ne voulais pas le lire tout de suite. Je l'ai lu, en un soir. Elle y raconte les derniers jours de sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer, morte en 86 dans une institution.
Ces phrases, j'aurais pu les écrire : la même souffrance, la même colère, la même culpabilité devant l'inéluctable. Les mêmes gestes aussi devant la démence peu à peu acceptée, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, que vivre et regarder l'autre mourir, peu à peu.
Sa dernière phrase : "Les larmes me viennent, c'est à cause du temps" m'a bouleversé.
( Annie Ernaux, Je ne suis pas sorti de ma nuit. Ed. Gallimard.)
mardi 16 décembre 2014
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4 commentaires:
Je viens de lire son dernier (petit) ouvrage dans les supers marchés, celui de Cergy-Pontoise : assez agréable et heureusement qu'il m'est tombé tout rosti dans la main autrement je ne l'aurais pouint t'acheté et par conséquent pas lu !
Chroum : seulement agréable ?
Oui parce que c'est un opuscule écrit dans le cadre des témoignages sociaux de France organisés par François Bon (je crois...), où tout un chacun peut écrire ce qu'il vit et sera peut-être publié; bien entendu il y toute la sensibilité Annie Ernaux.
Ateliers d'écriture, elle, qui en animait à la Maison des Femmes de Cergy, se retrouve de l'autre coté !
Chroum : je viens d'en trouver deux autres d'elle, dont Passion simple pour lequel on l'avait beaucoup critiquer.
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