Le lendemain matin, la voiture n’avait toujours
pas réapparu. J’étais dans un état semi-comateux à cause de la mauvaise nuit
que j’avais passée et m’étais préparé un café noir bien tassé et très chaud que
je buvais doucement sur la terrasse. Je ne me sentais pas le courage de bouger
ce jour-là, en tout cas pas de la matinée. Peut-être la forme reviendrait-elle
après le déjeuner, même si, pour l’heure, je n’avais absolument pas faim. Mais
une journée entière au gîte, était-ce ce qu’il me fallait ? Je me connaissais
suffisamment pour savoir que j’allais immanquablement me remettre à cogiter et
je n’en avais pas envie. Ou alors, j’en viendrais très vite à m’ennuyer. On
verrait plus tard.
Une bonne douche assez fraîche me fit le plus
grand bien et c’est un peu requinqué que je revins sur la terrasse pour fumer
ma première cigarette de la journée. Dorée était en haut du chemin et semblait
attendre quelque chose. Elle finit par me voir et, contre toute attente, vint
me rejoindre et s’installa sur le transat à côté du mien.
- M’offririez-vous une cigarette ?
- Bien volontiers mais j’avais cru comprendre
que vous ne fumiez pas !
- C’est vrai, cela m’arrive très rarement.
Mais aujourd’hui, vous me faîtes envie. Et puis je suis un peu fatiguée et j’ai
besoin d’un coup de fouet.
Effectivement, la Hollandaise n’était pas au
mieux de sa forme. Elle avait du mal à sourire et son front se barrait de
plusieurs rides comme si elle était en proie à une intense réflexion. Je devais
avoir la mine un peu perplexe car, immédiatement, elle se crut obligée de s’expliquer.
- Tom est parti hier avec la voiture et il n’est
pas encore rentré. Je suis inquiète.
- Oui, j’ai vu que votre véhicule n’était pas
là. J’espère qu’il n’a pas eu d’accident.
- La police m’aurait sans doute prévenue s’il
lui était arrivé quelque chose de grave. Mais cela me tient tout de même en souci.
Ce n’est pas son genre de disparaître ainsi sans donner de nouvelles.
- Décidément, c’est le moment des disparitions !
Je devais moi-même rencontrer hier soir Valeria et elle n’est pas venue. Aucun
appel téléphonique non plus. J’ai vérifié sur mon portable. Tout cela n’est
sans doute rien mais je comprends que l’on puisse s’inquiéter.
- Je vous invite à venir boire un autre café sur ma terrasse à moi. J’ai laissé
mon cellulaire là-haut, dans la cuisine, et j’ai peur de ne pas l’entendre d’ici.
- D’accord, allons attendre ensemble.
Alors que nous gravissions la rocaille, nous
dérangeâmes un petit serpent qui s’enfuit bien vite entre les plantes grasses. Dorée,
instinctivement, avait fait un pas de côté et s’était blottie contre moi. Elle
avait l’air terrorisée.
- Je déteste ces bestioles !
Je n’osai lui dire que j’en avais tout aussi horreur
qu’elle et tentai de la rassurer.
- De nous trois, c’est certainement lui qui a
eu le plus peur. Vous avez vu la vitesse à laquelle il a filé. Curieux d’ailleurs
comme serpent : il avait le corps jaune et la tête noire. Je n’en avais jamais
vu de semblable. Sans doute une espèce locale…
- Je ne vais plus oser descendre par là. Ou
alors avec un grand bâton. Vous me trouvez ridicule, n’est-ce pas ?
- Loin de moi cette idée : je ne les
aime pas trop non plus.
Sa terrasse était à l‘ombre le matin mais il
faisait déjà chaud et un peu de fraîcheur était la bienvenue.
- Votre café est excellent.
- Moins que ceux que nous servent les
italiens. Je crois que j’aimerais ce pays rien que pour son expresso !
- Ne pas en abuser pourtant. Lors de l’un de
mes voyages à Rome, j’en avais pris plusieurs dans la journée et le dernier m’avait
déclenché une sorte de tachycardie. C’était sur une terrasse devant le
Panthéon, là où l’on sert les meilleurs.
Dorée s’était visiblement détendue et se mit
à me parler de tout ce qui lui plaisait en Italie. Nous ne vîmes pas le temps
passer, à évoquer nos voyages et nos tocades. Sur de nombreux points, nos avis
se rejoignaient. Parfois même, nous commencions la même phrase et nous éclations
de rire, comme deux mômes. Bien agréable matinée, et surtout inattendue.
6 commentaires:
Ah Tom et Valeria auraient-ils fugué ensemble !
Cornus : ça se pourrait bien, mais pour mieux réapparaître...
Bien sûr j'ai pensé comme Cornus.
"Tenir en souci", je ne connaissais pas.
Karagar : c'est sans doute une tournure locale, je ne sais pas.
Une tournure que je connais aussi. Je ne l'utilise pas et mon père juste pour plaisanter.
Cornus : moi non plus, je ne l'utilise pas. Je ne sais pas pourquoi elle est ressortie ici.
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