Les adultes, lorsque j'étais enfant, ne s'embarrassaient pas trop de gants pour nous faire tenir tranquilles. Et tant pis si l'on en ressortait légèrement traumatisé. Pourtant, je ne pense pas l'avoir été beaucoup sur le long terme. A l'époque, bien sûr, c'était un peu différent et je me souviens encore de tous ces personnages malfaisants censés nous apprendre à vivre.
D'abord ceux rencontrés dans les livres et dont on n'avait besoin de personne pour avoir peur : ainsi, la fée Carabosse, celle qui condamna la Belle à dormir cent ans dans son bois. Je l'imaginais bien, sèche, maigre, avec une voix de crapaud et des doigts longs et effilés dont j'avais peur qu'elle me les enfonce dans le dos pendant que je dormais.
Et puis ceux, mythiques, dont on nous parlait volontiers afin de nous effrayer. En tête, le Père Fouettard, l'équivalent négatif du Père Noël. Celui-ci, apparemment, se contentait de donner des fessées. Il ne m'impressionna pas longtemps, pas plus que ne me charma son compère porteur de hotte et tiré par des rennes.
Mais les pires, étaient les vrais, ceux que l'on n'imaginait pas à travers les dessins qui les représentaient mais qui déambulaient dans les rues, faits de chair et d'os, ceux dont on ne pouvait même pas refuser l'existence.
Trois, particulièrement, m'ont fait faire de mauvais rêves :
- une vieille dame qui ne s'est sans doute jamais doutée de l'effet qu'elle faisait aux gamins qui n'osaient pas s'en approcher lorsqu'elle s'asseyait un moment sur le pas de sa porte pour prendre un peu l'air. Toute de noir vêtue, de la tête aux pieds, avec un grand chapeau de paille sur la tête qui nous empêchait d'apercevoir ses yeux que l'on imaginait mauvais. Elle s'appelait Marie R. Je ne lui ai jamais adressé un seul mot, pas plus que mes frère et sœur qui partageaient la même terreur.
- le deuxième n'apparaissait qu'à certains moments de l'année : il achetait les peaux de lapins que mon père, après les avoir retournées, faisait pendre à un clou pour qu'elle sèchent. Il avait une sorte de guimbarde dans laquelle s'entassaient ses acquisitions et poussait en arrivant une sorte de cri difficilement compréhensible que je finis par décrypter : pater (prononcer patère) peaux de lapins. PP a parlé de ce même type de personnage dans son blog mais lui ne semble pas en avoir eu peur.
- les pires, mais je les ai déjà évoqués, c'étaient les Frères bleus, une congrégation éducative qui nous fichait une peur de la même couleur, bien que nous n'en ayons jamais vu un seul. Ils tenaient un internat avec des méthodes particulièrement rigoureuses où l'on nous menaçait de nous conduire à la moindre incartade.
Et puis, il y avait ceux dont on faisait semblant d'avoir peur, juste pour leur faire plaisir, pour entrer dans ce qui n'était finalement qu'un jeu. On les reconnaissait facilement, ceux-là, parce qu'un soupçon de sourire ne parvenait pas à se dissimuler dans leurs yeux. Ainsi celui qui, si nous n'étions pas sages, nous menaçait de nous "coudre la jambe à la cuisse". Un brave homme qui, jamais, ne nous aurait fait aucun mal et que je soupçonne même d'avoir pris un malin plaisir à nos sorties de route.
Plus rien aujourd'hui de tous ceux dont je viens de parler : le charme maléfique est rompu depuis longtemps. Remplacés avantageusement par des peurs d'adulte ? Allons bon ! Qui en connaît ? Mais ceci est une autre histoire.
vendredi 22 novembre 2013
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4 commentaires:
Je ne pense pas avoir eu de vraie peur vis-à-vis de certaines personnes, réelles ou imaginaires, tout au plus une certaine crainte.
Parmi les ceux pour lesquels on faisait semblant d'avoir peur avec mes cousins, c'était le "boucher", le tueur de cochon qui voulait nous tailler les oreilles en pointe.
Cornus :on m'a souvent répété cette expression, à moi aussi.
Ah, les oreilles en pointes !
Il faisait longtemps que je n'avais entendu cette expression !
Moi aussi, Peaux-d'Lapin-Peaux me terrorisait parce qu'il était un géant (un grand géant, disait-on!) et qu'il ne se rasait pas, et que ses poils dépassaient même du nez et des oreilles... et qu'il puait autant que les peaux à peine sèches qu'il récoltait...
J'avais toujours l'impression qu'il payait, non pas les peaux qu'il prenait, parce qu'on se demandait ce qu'il pouvait bien en faire, mais qu'il monnayait le droit d'exister...
Le droit de terreur sur les enfants...
Chroum : oui, c'est une expression que l'on n'emploie plus beaucoup aujourd'hui.
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