Il y a actuellement un certain nombre de sujets de conversation qui commencent sérieusement à me courir sur le haricot. L'un d'entre eux, très en pointe en ce moment est la violence à l'école. Tout à coup, on se rend compte que quelque chose ne va pas dans le royaume de Danemark et qu'il faut, d'urgence bien sûr, trouver des solutions.
Aussitôt dit, aussitôt fait, on réunit des Assises, on regroupe quelques censés "spécialistes" autour d'une table ronde pour ne vexer personne, on débat pendant quelques jours et on publie ses conclusions. Et cette fois encore, la montagne a accouché d'une souris: face à la montée de la violence dans les établissements scolaires, la solution préconisée est de mieux former les enseignants à ce genre de situations. Bravo: bel effort de réflexion, cela valait sans doute le coup (et le coût) de se réunir en grandes pompes. Je suggère une application ultra-rapide de cette conclusion: pourquoi ne pas nous offrir une armure ou des gilets pare-balles renouvelables chaque année au frais de l'Éducation Nationale? Je suggère aussi des couleurs différentes pour les différents cycles d'enseignement ou, si l'on préfère, pour les différents grades d'enseignants: or, bien sûr, pour les agrégés qui ne sont plus à l'abri de se prendre une gifle, rouge sang pour les capésiens, vert pour les professeurs des écoles.
Pour redevenir sérieux, je ne comprends pas que l'annonce faite aujourd'hui des conclusions de cette commission ne fasse pas hurler de rire la France entière. Ainsi une meilleure formation des enseignants à la gestion des conflits suffirait à endiguer le mal? Mais de qui se moque-t-on? Je crois d'abord qu'il faudrait s'entendre sur ce que l'on appelle la violence à l'école. Est-ce celle, hypermédiatisée par des journalistes que Jean- Luc Mélenchon n'a pas tout à fait tort de traiter comme il les traite, qui explose régulièrement mais heureusement rarement de ci de là suite à l'intrusion de bandes extérieures aux établissements et se solde parfois par la mort d'un lycéen? Ce n'est pas à cette violence-là que les enseignants ont à faire journellement. La répression de ces actes criminels est du ressort de la police, pas de l'école.
L'autre violence, celle de tous les jours, plus insidieuse mais omniprésente, me semble beaucoup plus dangereuse à long terme: jeux dangereux, coups violents, insultes en direct ou via internet constituent bien trop souvent l'ordinaire des établissements aujourd'hui. Et que l'on ne me réponde pas que ce phénomène est circonscrit à quelques zones dites sensibles et épargne la plupart des lycées et collèges: c'est faux. Je travaille dans un établissement privé qui recrute dans un milieu encore relativement favorisé, dans la banlieue de Lyon la plus taxée par l'ISF, et je vois, de jour en jour, d'année en année, la situation se dégrader entre les élèves et même entre élèves et enseignants. Les filles se traitent de sales putes et ne s'en formalisent pas plus que cela, on croirait même parfois que c'est un signe d'amitié. On a de plus en plus de mal à ne pas se faire envahir pendant les cours par les casquettes vissées sur les têtes et les portables allumés. Une de mes collègues s'est fait insulter par des élèves du collège sur Face Book et lorsqu'elle a voulu porter plainte, on lui a rétorqué, au commissariat, que sa plainte n'était pas recevable et que ce genre d'affaires devait se régler en interne à l'établissement. Je pourrais accumuler les exemples de mépris, de violence, de rébellion insultante.
Et l'on nous dit qu'il faudrait que nous soyons mieux préparés à gérer ce genre de conflits! Mais pourquoi la gestion de ces problèmes reviendrait-elle à l'école? Elle a déjà un lourd bagage à porter, l'école, en ce moment: c'est à elle que revient la charge de la formation à la sécurité routière, à la vie sexuelle, à la prévention des conduites à risque et bien sûr, quand il reste du temps, aux fondamentaux de sa discipline. Un enseignant, tout à l'heure à la radio, disait que, sur une heure de français, s'il parvenait à sauvegarder un petit quart d'heure pour mettre en application le métier pour lequel il a été formé, il était ravi de l'aubaine.
Il me semble que le véritable problème, ce n'est pas l'école, qui fait ce qu'elle peut malgré des critiques incessantes et où de nombreux enseignants s'usent la vie à gérer quotidiennement l'ingérable, c'est bien plutôt la société actuelle qui continue à préconiser un certain enseignement tout en adoptant des valeurs opposées à celles qu'elle voudrait que l'on croit siennes: valeurs de respect, d'écoute, d'entraide, de solidarité. Où sont-elles, ces valeurs, dans la société actuelle? Le malade est bien plus atteint qu'on ne le croit. Il faudrait, plutôt que de chercher des méthodes pour résister au mal, en trouver d'autres qui permettent de l'éradiquer et ne pas nous faire chaque fois le coup de la petite fée Clochette qui règle tout d'un mouvement de sa baguette magique.
vendredi 9 avril 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
9 commentaires:
De l'autre côté de l'océan, les mêmes montagnes accouchent des mêmes souris. Ici aussi, on parle de mieux former les enseignants. Les parents et toutes la société s'en remettent entièrement à l'école, pour tout ce qui concerne l'éducation. C'est comme une sorte de démission.
Sic transit stupiditas mundi...
On point où on en est, il faudrait une école pour les parents. Je vois bien comment ça se passe avec ce que me décrit ma chère et tendre des parents de ses chères têtes blondes.
Sans moi, Cornus!
Le plus drôle c'est que l'automne dernier, sur un autre débat bien québécois, la qualité de la langue j'en arrivais aux mêmes conclusions. Excellent et inspirant blogue en passant, m'y suis perdu longtemps l'autre jour et avec grand plaisir
Magoua, merci. En allant faire un tour sur le tien, j'ai lu que tu citais l'émission de France-Inter, "L'Humeur vagabonde". Excellent choix. Sache que c'est aussi une de mes émissions de radio préférées.
Ces "assises", à défaut de faire rire la France, auront au moins fait rire (jaune) la profession. Tu noteras d'ailleurs que la totalité des intervenants, constituée de doctes universitaires, n'a jamais mis les pieds dans une classe du second degré. Comme d'ailleurs une bonne partie de ceux à qui sera confiée les modules de "gestion des classes difficiles" dans les IUFM. Comme dans beaucoup de situations de conflits, les jeunes prof (et nous aussi d'ailleurs, comme tu le souligne justement) ne devront compter que sur eux (nous)_même pour tenter de faire au moins 15 minutes de cours utile sur 1 heure...
Bah, tu veux que je te le dise, pourquoi l'annonce des conclusions de la "commission" (j'ai envie d'inscrire devant le mot l'adjectif "petite"...) n'a pas fait "hurler de rire" la France entière ? Parce que tout le monde s'en fout, surtout (et c'est un peu ce qui me console, on fait avec ce qu'on peut) les profs eux aussi. J'ai vaguement entendu cette annonce aux infos, ça m'est rentré par une oreille, ça m'est ressorti par l'autre aussi vite. On les connaît par coeur, leurs réunions suivies de décisions ronflantes à la noix. Ca n'émeut plus personne, ni en bien, ni en mal. Du côté des parents et des élèves, ça résonne comme une caisse vide... Du côté des profs, on entend un vieil air de pipeau mal accordé.
Personnellement, voilà bien longtemps que j'ai compris que jusqu'à ma retraite (encore bien lointaine...), c'est sur mes seules capacités d'adaptation et de sympathie que je devrai compter, en louvoyant sans cesse. Le reste, comme dirait l'Autre (que l'on regrette bien depuis deux ans et demi) "ça fait pshiiit"....
Zeus et Lancelot: c'est le "démerdeti séauton" alors. J'avais cru le comprendre. Je vois que c'est bien partout pareil.
Enregistrer un commentaire