jeudi 29 avril 2010

Deux demandes

A Autun, dans la cathédrale Saint-Lazare, Frédéric m'a fait remarquer un livre (d'or?) sur les pages duquel les visiteurs avaient inscrit pour la plupart leur émerveillement et leur joie d'avoir découvert ce joyau de l'art clunisien. En visitant soi-même, on peut d'ailleurs comprendre cet émerveillement qui saisit celui qui entre en ces lieux.

Pourtant, c'était autre chose qu'il voulait me faire remarquer. D'autres passants avaient noirci ces pages de prières adressées à Dieu par le biais de l'écriture. Deux d'entre ces prières avaient particulièrement attiré son attention. La première émanait d'une femme qui demandait à Dieu de lui accorder la repousse rapide de ses cheveux. La deuxième d'une autre femme qui souhaitait l'intervention divine pour l'aider à conquérir définitivement son amant en le poussant à se séparer de sa femme.

Ses deux demandes (peut-on encore parler de prières ici?) nous ont d'abord fait sourire: décidément Dieu était bon à tout, et bien entendu responsable si la prière n'était pas, à court ou moyen terme, suivie d'effets. Fallait-il y lire les traces d'une religiosité mercantile ou bien simplement primaire et naïve? Pour ma part, je ne jugerai de rien, même si, à y réfléchir, l'une et l'autre demandes sont plus émouvantes qu'il n'y parait car révélatrices d'une solitude ou d'une douleur immense face à la maladie ou à la déréliction.

Mais il se trouve aussi que, mon autoradio étant branché sur une antenne locale lyonnaise, j'ai parfois l'occasion, certains soirs, d'y entendre les demandes de pauvres gens téléphonant à une sorte de voyant donnant quelques consultations par téléphone. A écouter attentivement, on se rend compte très vite du fatras de bêtise ou de prétention que les réponses comportent et du danger que cela représente pour ceux qui considèrent ces "prédictions" comme paroles d'évangile. Alors, à tout prendre, je préfère l'image de la femme venant furtivement, à une heure où elle a toutes les chances d'être seule, inscrire son rêve le plus pressant dans les pages de ce livre qui, s'il ne possède pas la magie qu'elle croit lui appartenir, n'a pas non plus la cruauté de ces vendeurs de bonheur factice prêts à tout pour plumer le pigeon.

6 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

Les paroles d'évangile seraient donc moins dangereuses ? Je n'en suis pas sûr. C'est à peu près le même boniment, fait pour rassurer, mais qui ne pèse pas plus lourd.

JaHoVil a dit…

Incroyable comme les femmes sont impertinentes ! Est-ce que Dieu se laisse "tenter" par elles ?
Bah ! qui ne demande rien n'a rien... encore que...
On a tous besoin de se faire rassurer. Mais là, ce sont des sujets d'un concret qui défrise l'indécence.

Bises, J.

Cornus a dit…

Je ne cherche pas à lire ces "livres d'or", mais je suis déjà tombé sur des choses du genre parce que de mon côté, il m'arrive d'aller m'y plaindre par rapport à des choses qui m'auraient particulièrement heurtées en visitant l'édifice (écrits intolérants) ou aussi d'aller féliciter pour une restauration ou une mise en valeur particulièrement réussie.

Comme je ne suis pas croyant (et encore moins client des gourous de toutes espèces (je suis même un ennemi de ces derniers)), je suis à la fois amusé ou désolé par ces prières ou suppliques.

D'un autre côté et ce n'est pas le moindre de mes paradoxes (que j'assume par ailleurs), j'avais été très ému par ce qu'avait écrit Fromfrom à la cathédrale du Puy à la fin de l'année : une sorte de prière vis-à-vis de sa mère qui devait être opérée prochainement. Mais elle, elle est vraiment croyante.

Océania a dit…

Je crois que si Dieu existe, il est à niveau de toutes les demandes naïves ou intéressées, spirituelles ou matérielles. Et les demander dans l'espoir d'un signe soulage quelque peu, psychologiquement, la souffrance.

Lancelot a dit…

EUH ! Mes doigts frétillaient en lisant ta note, car tu avais abordé là un sujet dont je raffole tout particulièrement. Mais la lecture des commentaires a calmé tout ça. Je me tais, donc.

Ou plutôt, j'ai encore raté une occasion de me taire. mMis, bah, tu me connais, depuis le temps...

Bisous

Calyste a dit…

J'ai ma propre opinion et mes propres croyances, mais je me garderai bien de juger celles des autres, quelles qu'elles soient, et de leur imposer les miennes. Voir Voltaire: "Je ne suis pas d'accord avec....".