Ils sont partis. Depuis deux soirs, les volets restent ouverts, les pièces sont plongées dans l'obscurité. Seules quelques épingles à linge en bois font encore illusion sur leur cordelette qui barre la fenêtre de la cuisine. L'intérieur semble vide, je ne retrouve pas mes repères.
La vieille dame est-elle morte? Depuis le temps qu'elle traînait. Alzheimer? Dégénérescence du cerveau? Je n'entendrai plus son fils le matin, aux beaux jours, lorsque les fenêtres sont grandes ouvertes, lui souhaiter le bon jour, d'une voix forte pour qu'elle entende. "Bonjour! Comment tu vas? As-tu bien dormi?". Des mots qui me faisaient venir Ferré, les mots des pauvres gens. Et lui? Un vieux monsieur déjà, toujours bien mis, toujours élégant, fumant le cigare le soir sur le trottoir, pour ne pas la déranger, pour souffler un peu, pour se donner l'illusion de la liberté. C'est lui, le premier, qui m'avait adressé la parole, un jour de vote. Il tenait le bureau où je devais me rendre. Depuis, nous nous saluions toujours, dans la rue ou par la fenêtre sur cour.
Ils vont me manquer. Comme on s'habitue aux étrangers! Comme, très vite, ils en viennent à faire partie de notre vie, sans le savoir, comme sans doute nous faisons partie de la vie d'autres que nous n'avons même pas remarqués! Les suivants viendront, plus jeunes, plus beaux peut-être ou plus agréables à regarder, mais me manqueront longtemps ces quelques paroles des matins de printemps: "Bonjour! Comment tu vas? As-tu bien dormi?". Un peu comme si c'était à moi qu'elles étaient adressées.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
4 commentaires:
L'être humain est un animal social. Même si on fait comme s'ils n'existaient pas, on développe des liens avec les gens qui vivent tout près de nous. C'est la raison pour laquelle on est si perturbé par des querelles avec des voisins. Ce qui est étrange, c'est cette volonté de vivre en parallèle, sans se croiser vraiment.
J'ai passé mon enfance et une partie de ma jeunesse dans un village où tout le monde ou presque se connaissait. J'aime la part d'anonymat que la ville permet mais je suis aussi curieux des autres, au bon sens du mot, et mes voisins me sont rarement indifférents. Bienvenue ici, Kevin Zaak.
Sont partis, mais on est là!...
Bonjour, tu vas bi... oh! mais y'a déjà du monde!!...
Tous les matins, s't'plait, Piergil!
Enregistrer un commentaire