Un beau pavé de plus de 500 pages qui tient parfois plus de la thèse que du reportage historique, comme le présente la quatrième de couverture.
L'ambition de son auteur, Kate Summerscale est, outre de raconter un crime affreux dans son contexte historique, de nous présenter la naissance du métier de détective en Angleterre au XIX° siècle, de nous brosser les forces et les faiblesses de cette société victorienne si secrète et repliée autour du noyau ancestrale de la famille, de nous dépeindre la montée du pouvoir de la presse et de nous mettre en parallèle à cette réalité l'émergence de la littérature policière à travers en particulier Dickens, Conan Doyle et Wilkie Collins.
Vaste programme! Ce livre, intéressant à maints égards, est parfois trop didactique. La volonté quasi maniaque de l'auteur de ne nous épargner aucun des domaines explorés par ses soins devient parfois lassante. Un exemple de cette lourdeur: le long post-scriptum consacré aux photographies d'époque illustrant l'ouvrage. Très bien, bravo, mais on aurait pu s'en passer.
Par contrecoup, la narration de l'affaire est trop souvent et trop longtemps retardée. De quoi s'agit-il? En 1860, un bébé disparaît de son berceau et est retrouvé égorgé dans la fosse d'aisance de la propriété. La famille est une famille bourgeoise de la campagne anglaise dont tous les membres sont potentiellement des coupables satisfaisants. Un détective de Scotland Yard, envoyé spécialement de Londres, pour éclaircir cette énigme, le célèbre Jack Whicher, tentera de prouver la culpabilité de l'une des filles du maître des lieux mais aura du mal à faire admettre que l'on puisse investiguer à l'intérieur même d'une famille cossue et respectable.
Certains passages sont pourtant passionnants, en particulier ceux consacrés à la naissance d'un nouveau genre littéraire, le roman policier:
Cuff (le détective du roman de W. Wilkie Collins, Pierre de lune) est en quête de secrets inconscients autant que de faits délibérément celés. Il sert de repoussoir aux moments forts du roman, il est une machine à réfléchir chargée d'interpréter les palpitations et frémissements des autres personnages. En s'identifiant à lui, les lecteurs se trouvaient en mesure de se protéger des frissons qu'ils recherchaient - l'émotion sans frein de l'histoire, l'excitation physique, le saisissement du danger. La fièvre émotive était transmuée en cette "fièvre détective" qui brûlait chez les personnages et les lecteurs du roman, à savoir une compulsion à résoudre l'énigme. En cela le roman policier domptera le roman à sensations, encageant le désordre émotionnel dans une structure élégante autant que convenue. Il y avait de la déraison, mais elle était maîtrisée par la méthode. C'est le sergent détective Cuff qui faisait de La Pierre de lune un type nouveau de roman.
Kate Summerscale, L'Affaire de Road Hill House (Ch. Bourgois). Trad de Éric Chédaille
lundi 29 mars 2010
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