jeudi 25 août 2022

La Forêt de Gastine (tronquée)

Prière

Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras ;
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?
Forêt, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'été ne rompra la lumière.
Plus l'amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette
Tout deviendra muet, Echo sera sans voix ;
Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;
Tu perdras le silence, et haletants d'effroi
Ni satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.

Pierre de Ronsard

3 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Celle-ci, je la connais par coeur, depuis mon plus jeune âge !

Cornus a dit…

Joli, j'ai un doute sur le fait que je connaissais ou pas.

Calyste a dit…

Chroum : moi, je l'ai eu sue mais je ne la sais plus, sauf par bribes.

Cornus : difficile d'y échapper dans sa scolarité.