samedi 1 avril 2017

Les crapauds

Le crapaud de Plume m'a rappelé des souvenirs. On m'a toujours dit, gamin, que les crapauds étaient des bestioles dégoûtantes et dangereuses si on les touchait. Du coup, comme pour le loup, je me suis mis à les aimer, pas au point de les prendre dans la main cependant. Ces "monstres" solitaires et laids m'attiraient, de loin.

Un soir, en Haute-Savoie, alors que Pierre et moi, nous rentrions d'une soirée chez des amis, j'ai aperçu, au pied du vieux rosier devant la porte, une masse noire dans la pénombre. J'ai cru que c'était un détritus jeté là par un passant et m'apprêtais à l'enlever en tendant la main vers lui quand le "détritus" a émis un cri rauque et puissant qui m'a fait peur parce que je ne m'y attendais pas : c'était un crapaud qui s'était mis au frais. Le lendemain matin, il avait déménagé.

En Creuse aussi, un énorme spécimen avait élu domicile sur le chemin caillouteux qui menait à la forge. Il fallait, chaque fois que nous passions en voiture, descendre quelques mètres avant la maison pour vérifier qu'il n'était pas au milieu du chemin, ce qui était généralement le cas et attendre qu'il veuille bien s'en aller ou le titiller un peu avec le bout d'un bâton pour qu'il regagne le fossé.

Et puis, il y a cette chanson, apprise en camp sous tentes, que j'adorais parce qu'elle me faisait rêver et que j'aime toujours pour sa poésie.



La nuit est limpide, l'étang est sans rides,
Dans le ciel splendide luit le croissant d'or
Orme, chêne, tremble, nul arbre ne tremble
Au loin le bois semble un géant qui dort,
Chien ni loup ne quitte sa niche ou son gîte
Aucun bruit n'agite la terre au repos
Alors dans la vase ouvrant en extase
Leurs yeux de topaze, chantent Les Crapauds.
Ils disent: Nous sommes haïs par les hommes
Nous troublons leurs sommes de nos tristes chants
Pour nous, point de fêtes, Dieu seul sur nos têtes
Sait qu'il nous fît bêtes et non point méchants.
Notre peau terreuse se gonfle et se creuse
D'une bave affreuse, nos flancs sont lavés.
Et l'enfant qui passe, loin de nous s'efface
Et pâle nous chasse à coups de pavés.
Des saisons entières, dans les fondrières
Un trou sous les pierres est notre réduit.
Le serpent s'y roule, près de nous en boule
Quand il pleut en foule, nous sortons la nuit.
Et dans les salades, faisant nos gambades
Pesants camarades, nous allons manger.
Manger sans grimaces, cloportes ou limaces
Ou vers qu'on ramasse dans le potager.
Nous aimons la mare, qu'un reflet chamarre,
Où dort à l'amarre, un canot pourri.
Dans l'eau qu'elle souille, sa chaîne se rouille,
La verte grenouille y cherche un abri.
Là, la source épanche, son écume blanche
Un vieux saule penche, au milieu des joncs.
Et les libellules aux ailes de tulle
Font crever des bulles au nez des goujons.
Quand la lune plaque, comme un vernis laque
Sur la calme flaque des marais blafards.
Alors, symbolique et mélancolique
Notre long cantique sort des nénuphars.
Orme, chêne, tremble, nul arbre ne tremble
Au loin le bois semble un géant qui dort
La nuit est limpide, l'étang est sans rides
Dans le ciel splendide, luit le croissant d'or.

4 commentaires:

plumequivole a dit…

Ah j'ai répondu trop vite à ton comm chez moi.

Très joli texte ma foi !

CHROUM-BADABAN a dit…

Et puis d'un baiser, il se transforme en Prince Charmant.
Moi aussi je respecte ces bestioles !
J'aime l'air sévère et concentré du crapaud...

Cornus a dit…

Pas mal... pas mal...

Calyste a dit…

Plume : à l'époque, je me demandais bien ce que pouvait être un tremble.

Chroum : hélas, souvent, les princes charmants se transforment en crapauds !

Cornus : mieux que ça !