jeudi 14 avril 2016

Retrouvailles (2)

Je me suis réveillé tôt ce matin. Pas besoin de réveil, comme chaque fois que j'ai quelque chose à faire. Et je suis parti à pied pour Saint-Jean, parce qu'il faisait beau, parce que j'avais besoin de cet intermède, de ce sas pour me remémorer certains souvenirs communs.

Nicole, bien sûr, qui m'avait déjà invité il y a plus d'un an, mais que je n'avais pu revoir, ma mère venant de mourir. Au téléphone, elle m'avait rappelé ce que je lui avais dit un jour : "Toi, tu es au bord du mariage." Comme au bord d'une falaise ? Je ne m'en souvenais pas. Elle, elle m'avait dit : "Tu vivras toujours dans la tension". Et ça, je m'en souvenais. Notre dernière rencontre : il y a 35 ans, pour son mariage.

Claudine, aussi. Perdue de vue depuis quarante ans. Elle avait abandonné ses études. Je la connaissais moins bien, même si elle m'avait invité chez ses parents, dans un appartement des Gratte-ciel à Villeurbanne, où l'ascenseur arrivait directement dans le salon. Une fille petite, un peu boulotte , qui n'avait pas la langue dans sa poche.

Frédérique, enfin, élancée et très timide qui vivait elle aussi dans sa famille. Elle avait réussi le Capes dès la première fois, malgré son manque d'assurance. En fin d'année, je lui avais prédit : "Toi, je pense que tu vas atterrir à Béthune." (C'était pour moi, à l'époque, le fin fond de la France). L'année suivante, je l'avais croisée. Elle avait été nommée à ... Béthune. Je m'en voulais presque, comme si j'en étais responsable.

Un petit marché devant la manécanterie de Saint-Jean. Beaucoup de touristes déjà dans les rues du vieux Lyon. Et quelques traboules encore ouvertes. Rue du Bœuf, un petit square. Nicole est là, nous attendant sur un banc. Elle me reconnaît, je la reconnais. Puis arrive Claudine et enfin Frédérique qui a réservé à la Tour rose. Claudine est toujours boulotte, Frédérique toujours élancée. Ses cheveux sont gris maintenant, mais toujours abondants et frisés, ce qui, bêtement, me rassure un peu.

Pendant le repas, nous parlons de nos anciens copains, de nos anciens profs, ceux qui nous ont marqués et dont, à quatre, nous retrouvons tous les noms. Nicole et Claudine parlent famille, ennuis et joies du quotidien, Frédérique et moi, restés célibataires, de photos, d'écriture, de sa grande maison peu confortable mais isolée, en Isère, et de ses nouvelles études d'archéologie : le Moyen-Âge la passionne, elle écrit un mémoire sur une abbaye des Pyrénées Orientales et a retrouvé les "coutumiers" du lieu.

Petit tour à pied dans le vieux Lyon puis à Bellecour, où Claudine nous quitte pour reprendre son train. Puis Nicole regagne sa voiture garée sur la Saône. Frédérique a une vieille flûte à faire réparer, je l'accompagne jusqu'au magasin. Puis nous nous asseyons sur les marches de l'ancien palais de justice et la conversation se bouscule : Rome, Sienne, Fernandez, musique, Japon, quoi encore... ? Je la quitte près de la bibliothèque de la Part-Dieu. Il est six heures.

En rentrant chez moi, je souriais. Ça avait été une bonne journée. Et puis, avec plus d'assurance, plus d'humanité, plus de rondeur (physique et surtout dans les jugements), le gamin provocateur que j'étais à l'époque était parfois réapparu aux détours d'une phrase incisive mais pas méchante. Moi qui le croyais mort depuis longtemps.

7 commentaires:

Jean-Pierre a dit…

Finalement ces retrouvailles se sont passées au mieux ! comme quoi sans trop d'attente on a parfois d'heureuses surprises. Content pour toi.

Calyste a dit…

Jean-Pierre : c'est vrai, c'est quand on n'attend le moins qu'on n'est pas déçu. Peut-être les reverrai-je sans attendre plus de trente ans. Enfin, j'espère !

Cornus a dit…

Tu as bien abordé la chose je pense. Et ne prendre que le positif.
En revanche, pour Béthune, ça va mal se terminer ! Encore que, c'est dans le Pas-de-Calais...

Calyste a dit…

Cornus : j'avais dit ça au hasard, je ne connais pas.

Cornus a dit…

Moi non plus je ne connaissais pas. Je trouve que la grand' place est assez sympa.

Calyste a dit…

Cornus : celle où sévissait le fameux bourreau ?

Cornus a dit…

Alors, ça je ne sais pas. Tout dépend de quel bourreau tu parles. Personnellement, je parle de ce que je montrais là : http://cornusrexpopuli.canalblog.com/archives/2008/03/13/8314971.html