dimanche 5 octobre 2014

Fiction (14)



Derrière les étagères qui croulaient sous les livres se cachait un escalier, droit et étroit, qui montait dans l’obscurité jusqu’à l’étage supérieur, chez les hollandais. Tout en haut, j’apercevais une porte qui devait donner, si je me repérais bien, dans un couloir ou dans une pièce derrière la cuisine. Une simple porte pour séparer nos deux appartements !

Voilà pourquoi, parfois, lorsque je m’attardais un peu dans le salon, je percevais si bien le son de leurs voix. Plusieurs fois, j’avais surpris des rires ou des fragments de conversation, sans en comprendre rien pourtant puisque la porte filtrait trop les bruits et que, de toute façon, je ne parle pas hollandais.

Dans le vide-poches de ma voiture, j’ai toujours avec moi, en voyage ou à Lyon, une petite lampe frontale. Mes amis se moquent parfois de cette manie mais elle m’a rendu service bien souvent. Après avoir enlevé la chaise qui la bloquait, j’ouvris la porte d’entrée et traversai la terrasse pour aller chercher cette lampe. La lune était pleine ce soir-là et éclairait le pavement d’une lumière grise mais suffisant pour m’avertir d’une éventuelle présence. 

Puis, une fois barricadé à nouveau, j’entrepris l’ascension de l’escalier que je venais de découvrir. Précautionneusement, pas à pas, je montai une à une les marches jusqu’à la porte. Heureusement pour moi, le bois ne grinça pas. Au sommet, je braquai la lampe sur la serrure que j’examinai attentivement : la porte était fermée par un verrou de mon côté. Sans doute, afin de préserver l’intimité de deux gîtes, y en avait-il un semblable de l’autre côté.

Étrangement, la tension qui m’avait vrillé les nerfs toute la soirée tomba instantanément. Je faillis même éclater de rire en redescendant jusqu’à mon étage. Que m’étais-je donc mis en tête ? Sans doute était-ce moi qui, avant de partir pour Sienne, m’étais, sans m’en souvenir, assis sur le couvre-lit. Et j’avais très bien pu confondre les pots d’hortensias où j’avais caché la clé. 

Comment avais-je pu soupçonner ce charmant couple de bataves  - car l’idée m’en avait traversé l’esprit au cours de la soirée - d’intentions malveillantes à mon endroit ?  Devant moi, la chaise contre la porte d’entrée me parut soudain ridicule et je la replaçai contre la table, au milieu du salon. La pleine lune a toujours sur moi des effets négatifs, insomnies ou cauchemars, et ma grande nervosité n’en était qu’un effet secondaire. Et c’est le cœur plus léger que je partis me coucher. Je dormis très bien cette nuit-là. Et le lendemain matin, j’étais toujours vivant.


5 commentaires:

Cornus a dit…

Un escalier dérobé. Alors, ça j'adore. Mais à vrai dire, je ne m'attendais pas du tout à ça.

plumequivole a dit…

Et moi je m'interroge toujours sur ces fichus Hollandais !

karagar a dit…

Moi comme Plume!

Calyste a dit…

Cornus : ravi de te surprendre ! C'est le but, non ?

Plume et Karagar: imaginez-vous que, pour l'instant, moi aussi.

Cornus a dit…

Oui, c'est le but. Et les Hollandais, ils sont pas francs du collier, ça non.