Je me rends compte, jour après jour, qu'écrire, c'est un peu comme courir. Je n'ai pas encore lu le livre d'Haruki Murakami, Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, mais je compte bien le faire un jour.
J'ai commencé l'un et l'autre, ce blog et la course à pied, dans un état d'urgence absolue. C'était ça ou je disparaissais. Je n'ai pris aucune précaution, ni pour l'un ni pour l'autre. Des kilomètres de course sans entraînement, pour le plaisir puis pour la douleur, pour assommer la souffrance psychique, pour la dévier de son cours, tenter de dormir. Des centaines de billets, parfois trois ou quatre par soir, pour vider l'abcès, pour confier, pour recevoir, pour clarifier aussi, chez moi, pour tenter de rationaliser l'impensable, l'inacceptable.
Après cette période folle, le temps est venu de reconstruire. Cela n'aurait pas été possible sans la phase antérieure. La course est devenue plus méthodique, l'entraînement plus raisonné, l'effort plus progressif. Je voulais arriver à quelque chose, sans certitude d'y parvenir. J'ai été comblé par cette journée de 2008 où j'ai passé la ligne d'arrivée du premier semi marathon de ma vie. Je dis encore aujourd'hui que c'est sans doute une des plus grandes joies de ma vie. Maintenant, le dos m'empêche de retrouver ces sensations extraordinaires que l'on éprouve quand, les premières minutes de souffrance passées, on sent son corps qui roule parfaitement, comme une machine intelligente, comme le prodige qu'il doit être.
Pour l'écriture aussi, je me suis calmé. Il arrive que certains soirs, de plus en plus nombreux, ce soit le soin de mes photos qui m'occupe d'abord. Comme ce soir, par exemple. J'ai de la difficulté à me mettre à écrire, maintenant que ce n'est plus une nécessité aussi vitale pour moi. Je me dis: allez, juste un petit mot, comme on se dit: une petite demi-heure de course et basta. Et ça ne se passe pas comme ça. Je suis un boulimique des mots autant que de la foulée. Le plaisir monte, invariablement, au fur et à mesure que le bout charnu de deux doigts de mes mains pianote sur les touches noires de mon clavier.
A la fin du billet, comme à la fin de l'effort physique de la course, je suis en accord avec moi. Non pas épuisé, mais détendu, purifié, débarrassé. Le fardeau est tombé, le plaisir est resté. Mes nuits sont devenues meilleures. Je me suis éloigné de l'œil du cyclone et j'aime encore la vie. Comme un fou. La maison a l'air de tenir.
dimanche 21 mars 2010
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8 commentaires:
...et on aime y revenir...
Mes sensations par rapport à l'écriture ne sont absolument pas les mêmes. Mais nos passés, et nos caractères, sont aussi différents.
Bonne journée, je t'embrasse
Écrire et marcher, pour moi ! Et bien d'autres choses encore, mais il est vrai que ces deux-là vont souvent de pair. Quand je marche j'écris souvent des bribes dans ma tête, bribes qui se retrouvent parfois sur le blog, mais souvent ailleurs. Quelquefois rien de rien, pas d'envie, ou une envie stérile. Et puis il y a les photos. Qui me poussent à sortir quand la flemme est trop forte.
Mais toujours, pendant une randonnée comme devant le clavier, cette impression que tu décris : le plaisir monte, et en retirant les godasses comme en tapant le point final, un grand soupir de vrai bien-être, la détente, l'allègement.
Joli parallèle entre ces deux activités, passe-temps ou addictions...
La fin est toujours le meilleur moment : car parfois on se dit qu'on n'arriverait pas à réécrire la même chose - ce qui prouve que l'écriture est une question purement temporelle ou temporaire;
On sue quand même moins sur un clavier que dans un "marcel" !
Il faudra en reparler un jour ou l'autre, de vive voix, Lancelot.
Je voulais aussi parler de la photo, K., mais j'ai eu peur d'alourdir le billet, de partir trop loin. Même motivation pour sortir, en cas de flemme.
Je confirme, Dominique, mais parfois, qu'est-ce que je peux me faire suer devant mon bureau: devant des rédactions d'élèves, par exemple...
Aïe, courir, j'y suis allergique. Une activité physique, de plein air, oui, du sport, non. Mais je conçois néanmoins très bien ce que tu dis.
Et parfois, j'ai en plus la flemme de m'occuper de mes photos.
Arrêtez, je vais finir par culpabiliser de ne rien faire ! ;-)
Tu décris bien dans ton dernier paragraphe un sentiment que j'ai éprouvé à l'issue de la rédaction de certains de mes textes de blog, sans doute plus autrefois qu'aujourd'hui. Sans aller jusqu'aux extrèmités cornusiennes, je n'ai pas un rapport au sport très serein et je ne crois pas avoir ressenti jamais ce plaisir que tu évoques à propos de la course.
Grand plaisir, oui, mais qui vient après un certain nombre d'heures de pratique. Au début, c'est plutôt de la souffrance. Mais je suppose que c'est la même chose pour tous les sports.
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