vendredi 2 juillet 2021

Amours transalpines (6)

Combien de fois ai-je arpenté les routes de l'Ombrie et de la Toscane, les premières avec enthousiasme et passion, les secondes avec souvent plus de circonspection. Autour de Florence, les paysages sont beaux, le vin bon mais combien de fois ne les a-t-on pas vus, ces paysages, sur la moindre carte postale ou même sur des tee-shirts de touristes fiers de leurs shorts et de leurs tongs, qui, rentrés chez eux avec un teint qu'ils croiront bronzé et qui ne sera qu'irrégulièrement brûlé, diront à leurs amis, en montrant la photo d'eux empêchant la Tour de Pise de s'effondrer : "Nous avons FAIT la Toscane."

Pourtant, il y est une ville que j'aime, moins visitée que ses illustres voisines que sont Florence, Sienne ou la trop fière San Gimignano, plus mystérieuse, plus austère, dont la grâce ne se livre pas au premier coup d’œil : Volterra, l'ancienne Velathri étrusque.  Les paysages eux-mêmes s'y font plus sauvages, parfois âpres dans leur aridité, comme encore marqués par les anciennes mines de sel et d'albâtre qui assirent sa richesse. 

Au sommet de sa colline, une fois passés les remparts, je m'étais plu dans les rues sinueuses qui conduisent à la Piazza dei Priori. Tout en bas, nous avions logé, une nuit, avec Laurent. Là, dans une minuscule échoppe, nous avions vu travailler un vieil albâtrier. Un peu plus haut, Frédéric avait acheté une petite pendule au mécanisme serti dans la pierre blanche et légèrement translucide aux subtiles ondulations de miel. A la première visite, avec Pierre, nous avions dîné, assez simplement, dans l'immense salle de réception d'un palazzo délabré dont les fresques au plafond dormaient en rêvant de leur gloire ancienne (était-ce, mais je ne crois pas, le Palazzo Viti où se tourna Sandra, le film de Visconti ?). Avec Évelyne, ce fut au camping que nous passâmes une seule nuit. 

La beauté de la ville médiévale est telle que, jamais au cours de mes divers passages, je ne suis  descendu visiter les ruines des thermes et de l'amphithéâtre romain, pourtant splendides, en contrebas des remparts : le mystère de la ville haute ne s'y fait pas sentir. Bien sûr, le Palazzo dei Priori, le musée étrusque Guarnacci (sans qu'il me laisse ébloui, comme devant le sarcophage des Époux de la Villa Giulia de Rome), le baptistère San Giovanni, la cathédrale Santa Maria Assunta ... Bien sûr. Mais ce qui m'attire à Volterra, c'est autre chose.

J'aime aller frissonner au bord des balze et de leurs effondrements qui menacent quelques maisons et l'église voisine. Ces falaises m'ont toujours fasciné. Là, je pense à la vanité des hommes, aux mystères des Étrusques dont la langue résiste encore aux chercheurs, à l'effondrement des Romains, aux anciennes familles des palazzi endormis, parfois transformés en musées, parfois en simples restaurants. 

Vanitas vanitatum ....

6 commentaires:

Pippo a dit…

Ton évocation me fait penser à mon séjour à Orvieto où je logeais dans un palazzo devenu hôtel bon marché, tenu par une famille qui ne devait pas rouler sur l'or. Des lustres de l'immense salle à manger, des ampoules étaient dévissées par économie. J'étais un des rares pensionnaires.
L'hôtesse fut bien surprise de me voir revenir l'été suivant.
Merci, Calyste.

Calyste a dit…

Pippo : ils sont émouvants, ces vieux palais. J'ai connu à peu près la même chose à Pompéi, il y a maintenant longtemps.

Cornus a dit…

Alors pour ce qui me concerne, je n'aurais rien contre Pise et Florence et je me moque parfois d'aller voir ce que tout le monde va voir, d'autant que je suis plus que persuadé que je ne suis pas comme tout le monde et ne voit pas les mêmes choses que tout le monde. Et j'ai aussi horreur de l'expression "j'ai fait Florence, Pise, l'Italie..." Je ne déteste pas le côté "carte postale" dans la mesure où c'est beau et où on ne s'arrête pas à ça, mais là, c'est le côté photographique aussi qui ressort.

karagar a dit…

intriguant...

Calyste a dit…

Cornus : tu me connais assez pour savoir que, côté photographie, je ne vais pas te contredire.

Calyste a dit…

Karagar : c'est exactement ce que j'ai voulu exprimer. Il y a un mystère Volterra.