mardi 30 avril 2013

Portraits

Un carton de photographies rempli de mes mimines hier: souvenirs de moments heureux, naissances, mariages, communions, voyages, datant de chaque décennie jusqu'à nous, beaucoup en noir et blanc, avec le bord dentelé, certaines en couleurs que l'orange du temps est venu peu à peu affadir. Des sourires, des costumes du dimanche, des robes d'été, un chien qui gambade, un arbre en fleurs à l'ombre duquel on prend l'apéritif...

En les empilant pour les sauver, j'en regardais quelques-unes et j'ai eu cette impression que tout cela était plus triste que les cimetières où la plupart de ceux qui fixaient l'objectif sont enterrés aujourd'hui. Comment se fait-il que je n'aime pas les photographies de famille ? Chaque fois que j'essaie de me forcer et d'en prendre pour les "grandes occasions", elles sont ratées, ou floues ou mal cadrées. Le premier appareil que j'avais acheté, c'était dans l'idée de faire des portraits en noir et blanc. Je n'en ai jamais pris aucun.

Lorsque, seul à Lyon, je louais une petite chambre anonyme dans une cité universitaire, j'avais accroché à l'un des murs tout ce que j'avais pu emporter de chez mes parents, y compris des clichés d'aïeux que je n'avais jamais connus. Une femme de ménage, en les décollant et en les jetant sur mon lit, m'avait fait comprendre qu'en cité universitaire, à l'époque, on ne devait pas sortir de l'anonymat. Profondément ulcéré à l'époque, je lui donne raison aujourd'hui: il y a bien longtemps que toutes ces têtes un peu figées dans un sourire de circonstance ont été englouties dans un des tiroirs de ma commode. Il n'y a plus aucune photos visibles chez moi, à l'exception de quelques actrices de cinéma italiennes magnétisées sur la porte de mon réfrigérateur.

Les gens m'intéressent, me troublent, me séduisent parce qu'ils sont vivants. Les morts, je n'ai pas besoin de les avoir sous les yeux à chacun de mes mouvements. Je me les reconstruis, à l'intérieur, même si, souvent, la photo finit par être "arrangée".

5 commentaires:

Cornus a dit…

Je ne suis pas non plus très doué pour prendre des photos de famille ou des portraits et quand j'ai commencé à prendre des photos, c'était loin d'être ma motivation première. Plus d'une fois, je me suis dit que je n'étais pas un photographe comme les autres puisque je me sentais souvent bien seul en ne photographiant pas comme tout le monde la famille et les amis, préférant tirer le portrait des plantes. Néanmoins, je me suis quand même mis à faire des photos de famille et d'amis, mais je ne suis pas spécialement doué (pas plus que le reste, je suis un photographe bien moyen).
En revanche, j'aime bien regarder de temps en temps des vieilles photos de la famille. A l'inverse de toi, j'y vois beaucoup de vie et de la joie, que je les ai connus ou non.

plumequivole a dit…

Comme Cornus, j'ai longtemps préféré photographier la nature plutôt que les gens. Pourtant j'adore fouiner dans les vieux albums jaunis. Va comprendre !
Et qu'on se le dise, je déteste qu'on me prenne en photo, je déteste ! (surtout à la minute présente où je viens de me voir sur toute une série de clichés, horreur et catastrophe !

Anonyme a dit…

Des portraits d'actrices italiennes magnétisées sur la porte du frigo... Leur charme magnétique ne suffit-il pas à les faire tenir? :-)

Calyste a dit…

Cornus et la Plume: en fait, les seuls portraits qui m'intéressent sont ceux d'anonymes, qui me fascinent parce que je leur invente une histoire. Ce que je ne peux pas faire avec les membres de ma famille.

Laurent Pierre: Leur charme magnétique me tient, moi!

karagar a dit…

Jamais ne me viendrait à l'idée de photographier des anonymes. Ce n'est déjà pas réflexif pour les proches...N'aime pas assez les gens sans doute...