vendredi 26 avril 2013

Le poste à galène

Je rencontre souvent, dans l'immense parking souterrain où je gare ma voiture, un homme d'une petite cinquantaine d'années en train de bricoler devant son box ouvert. Il répare des vélos anciens dont il semble faire une collection. Il ne pouvait pas ne pas arriver qu'au delà du simple bonjour de politesse, nous n'engagions un jour une discussion plus fournie.

C'est un passionné de cyclisme, prêt à passer des heures pour récurer une pièce encrassée ou redresser un mécanisme abîmé. Mais, l'autre jour, ce qui a retenu davantage mon attention, ce n'est pas ce qu'il me disait (je ne connais rien aux vélos) mais ce que je voyais sur une étagère de son box: un vieux poste radio en bois, carré, massif, un modèle des années quarantaine sans doute, à galène. Lorsqu'il était enfant, me dit cet homme, il écoutait la radio sur ce poste, dans la maison familiale en l'île de Jersey.

La voisine de ma grand-mère, prénommée Victoire, en possédait également un lorsque j'étais élevé par mon aïeule , et je me souviens encore de la fascination qu'il exerçait sur moi chaque fois que j'avais la chance d'apparaître à un moment où il fonctionnait. Il m'arrivait même de demander à Victoire de l'allumer, non que je m'intéresse à cet âge-là aux informations ni à la musique qu'il diffusait mais parce que son gros œil bleu m'attirait comme s'il était doté d'un pouvoir magique. Je le fixais attentivement pendant de longues minutes, essayant d'entrer dans cette pupille énorme, de voir ce qu'il y avait derrière, quel monstre bleuté qui ne me faisait pas peur, bien au contraire. Parfois, j'avais l'impression d'y parvenir et me retrouver emporté dans l’œil d'un cyclone comme la Dorothée du Magicien d'Oz.

Quand l'instrument était muet et froid, je m'installais tout de même devant et lisais soigneusement les noms des villes inscrits sur la plaque de verre qui barrait l'écran: je ne savais pas où se situaient ces stations mais leurs noms me faisaient rêver. L'un d'entre eux, en particulier, était mon préféré: Sottens. Pourquoi celui-ci ? Parce qu'il avait une sonorité qui me plaisait, à la fois douce, mystérieuse et aux multiples possibilités de prononciation. Je sais aujourd'hui que Sottens est un ville du canton de Vaud, en Suisse. Mais lorsque je l'ai revu, l'autre soir, j'ai encore éprouvé cette même sensation de bien-être et de sérénité.

(C'est ton dernier billet, Plume, qui m'a remémoré ce souvenir. Merci à toi!)

6 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Moi, c'était Bratislava qui me faisait rêver sur le poste à lampes. L'oeil du mien, de chez mon grand-père, était plutôt vert-jaune et il écartait sa pupille en éventail selon qu'on était bien ou non sur la longueur exacte de l'onde radiophonique recherchée !

CHROUM-BADABAN a dit…

C'était cyclopéen en diable !

Calyste a dit…

Daniel: oui, tu as raison, j'avais oublié Bratislava, qui me faisait bien rêver aussi! Je ne sais pas pourquoi (finale en -a ?), j'imaginais une ville-femme, avec de l'eau qui coule.

plumequivole a dit…

Ah Sottens je l'avais oublié !

André a dit…

Mon poste à galène caché sous le lit fonctionnait sans électricité. Un cristal, la galène, sur lequel j'orientais une aiguille et, dans mes écouteurs un seul poste: Sottens, parce que j'habite au bord du Léman. C'était dans les années quarante.

Calyste a dit…

Plume: comment peut-on l'oublier? :-)

André: sais-tu (savez-vous?) que j'ai passé mes vacances, pendant trente ans de ma vie, sur les bords du lac Léman, sur l'autre rive, dans le Chablais ?