lundi 8 avril 2013

Apprentis photographes

Ce matin, c'était séance photos au collège pour les cinquièmes. Non, pas les photos de classes: ça se fait en tout début d'année. Un cours à deux profs: celui d'Arts Plastiques et moi. L'idée n'est pas mienne, mais il y a longtemps qu'elle me tentait. Alors, la dernière année, je me suis lancé.

On demande aux élèves de se projeter dans l'avenir, dans dix ou vingt ans, et d'imaginer ce que sera, à ce moment-là, le meilleur (ou le pire souvenir) qu'ils garderont de leur passage dans l'établissement. Quel est le lieu, l'objet qui les aura le plus marqués. Et on part le photographier. Seules les personnes ne peuvent être choisies (droit à l'image oblige). La semaine prochaine, ils rédigeront le texte qui accompagnera leur photo.

Mon cher collègue (qui porte le nom d'un beau comédien français aujourd'hui vieillissant mais n'a de lui, hélas, que le patronyme!) est un fumiste de première. Il n'avait bien sûr rien préparé, mais je m'y attendais et avais dans ma tête mon idée bien en place. Mais avant de l'exposer, je voulais le laisser un peu mijoter dans son embarras.
- Alors, qu'est-ce qu'on fait? (lui)
- Mais comme tu veux, je te suis! (moi)

Le voilà embarqué dans un verbiage aussi prétentieux que vide sur l'art de la photographie. Je laisse faire mais lorsque les élèves, effarés, me regardent avec des yeux implorants et des bouches ouvertes de stupéfaction, ils voient bien à ma tête que ce n'est qu'un sale moment à passer, que tout cela ne veut rien dire non plus pour moi et qu'ils ne sont finalement pas aussi bêtes qu'ils l'ont cru un instant.

Le flot tari (oui, ça finit toujours pas se tarir), j'attaque: je fais les groupes, je les distribue aux différents intervenants (d'autres profs bénévoles) et en avant! Lui aura un de ceux qui vont à l'extérieur (il pleut! ce que je peux être mesquin parfois!) et je ne l'entendrai plus jusqu'à la fin de la séance.

Mon groupe est composé d'élèves plutôt faibles, à l'exception d'un seul. Bizarrement, ils ont tous choisi des lieux fermés, un peu confinés mais rassurants: une salle de classe (sans doute le moins rassurant) , l'étude, le CDI... Je leur prête mon appareil et leur laisse choisir la couleur ou le noir et blanc. Majorité pour le noir et blanc. Je les guide un peu pour le cadrage, leur fait remarquer de petites choses qu'ils ne voient pas (un pied de chaise qui dépasse, trop de luminosité vers la fenêtre, une surface de plafond bien trop importante et sans intérêt...)

Tous comprennent très vite et sont heureux de la séance. Sauf un: le fort en thème, qui ne sait pas comment cadrer, ne pense pas à se servir du zoom, baisse l'appareil au niveau de ses genoux (allez prendre une photo comme ça !) au lieu de le pencher, etc. Une nouvelle fois, je fais la même constatation: l'école ne juge que quelques connaissances, ne prend en compte que quelques compétences et laisse de côté des gamins qui en ont d'autres, riches, auxquelles personne ne s'intéresse.

Les photos ? Il va falloir attendre un peu, le temps qu'ils aient écrit leur texte.

3 commentaires:

Cornus a dit…

Bravo pour tout ça. Et ton collègue, il est rentré trempé j'espère ?

Anonyme a dit…

Tu écris : "Je leur prête mon appareil". Je ne comprends pas ; rien d'autre n'était prévu pour que les élèves puissent faire leurs photos ? Comment ont fait les autres groupes ?

Calyste a dit…

Cornus: pas assez, à mon goût!

Gonzo: c'était plus simple pour regrouper, ensuite, les photos sur un seul ordinateur, celui du CDI. Les autres groupes ont fait de même, avec l'appareil de chaque prof. Content de te lire!