Quitter les sommets et la neige accumulée cette nuit pour traverser la brume, ne pas même apercevoir les demoiselles coiffées, et retrouver la pluie dans la vallée. A peine une éclaircie en arrivant à Lyon.
Saint-François Longchamp nous a offert tour à tour à peu près tous les ciels possibles et imaginables, avec une certaine avarice pour le don du soleil. La journée d'hier, en particulier, s'est passée presque exclusivement sous la grisaille. Pendant que J-C. et F. osaient affronter les pistes, je n'ai rien fait. Inactivité forcée mais bienvenue. A Lyon, j'aurais trouvé ceci ou cela à laver, à ranger, à préparer. Là-haut, rien. A peine quelques dictées, vite corrigées, et une interrogation de latin le temps que passe un nuage. Puis le canapé, une couverture sur moi, d'un vert à l'acidité que l'on n'oublie pas (et le coussin qui soutenait ma tête était rouge vif! Ô harmonie, quand tu nous tiens!), et le livre épais que je tente de finir depuis longtemps. Très vite, Morphée s'est invité à mes côtés et m'a pris doucement dans ses bras, le matin comme l'après-midi. Bras agréables et doux quand on est bien au chaud derrière la baie vitrée, que l'on n'a rien qui presse et que l'on sait que, dès le retour des deux compagnons, on aura droit à un bon kir et à une fondue savoyarde.
Le soir, c'était la tempête. Nous plaisantions en imaginant ne pas pouvoir rentrer à Lyon et passer ainsi une semaine de vacances coupés de tout, en autarcie, mais nous n'étions pas très loin de la réalité. La neige, dès la fin d'après-midi, n'a cessé de tomber, accompagnée plus tard d'un vent violent qui l'accumulait jusque sur notre balcon. Dans la nuit, j'ai longuement entendu les chasse-neige œuvrer, des heures durant, et ce matin, au réveil, il neigeait encore. Mais vers neuf heures, miracle! Le soleil faisait de timides percées. Les deux sportifs (!) de la maison repassaient leur tenue de cosmonautes et leurs yeux d'insectes et à tout à l'heure.
Pour moi, deux jours à ne rien faire, même avec la meilleure volonté du monde, c'est de l'ordre de l'irréel. Alors, prendre une douche bien chaude, chausser des bottes de caoutchouc que je n'avais pas utilisées depuis des années (comme on est bien dedans!), enfiler la parka et hop, dehors pour une longue marche dans la station. Deux heures, du bas en haut, avec arrêts photos, bien sûr et contemplation du paysage. A voir les petits points qui dévalaient le versant opposé, je me suis mis un instant à les envier: comme elle devait être belle, la vue, depuis ces hauteurs. Mais la plupart d'entre eux se contentaient de glisser, descente puis remontée, puis nouvelle descente et nouvelle remontée, jusqu'à saturation. Et là, je ne les enviais plus. Je sais pourquoi je n'aime pas le ski de descente.
Déjà, la température remontant avec l'avancée de la matinée, la neige fondait rapidement. De grosses plaques tombaient des toits après une sorte de sifflement un peu rauque et les stalactites égouttaient leur consistance. Le presque-soleil avait fait sortir les gens. Saint-François est une station familiale, pas snob et les fashion-victimes y sont assez rares. Bon exercice physique pour moi que cette promenade qui, comme chaque fois, m'avait remis la tête à l'endroit.
En rentrant, j'ai levé le nez vers l'étage de l'appartement où nous logions: les deux autres étaient-ils rentrés avant moi? Un des deux au moins, oui, car, derrière la vitre dépolie de la salle de bains, je voyais très bien, depuis le bas, le dos de Frédéric en train, sans doute, de se savonner. Il faudra faire part de cette découverte au propriétaire et lui conseiller de mettre un rideau à la fenêtre, à moins que, narcisse convaincu, il ne tienne à faire profiter le village entier de son anatomie!
Les récits de voyage ou de vacances sont un peu comme les séances de projections de diapos où l'on est invité ( je doute d'ailleurs que cela se pratique encore): on manifeste un certain intérêt, à défaut d'un intérêt certain, au début, on pose même quelques questions et puis, très vite, la répétitivité des clichés, ou simplement le fait de n'avoir pas été soi-même présent, fait que l'esprit s'échappe et que l'on se surprend à penser à autre chose, à ne plus écouter certaines explications, à rêver d'arriver bien vite au bout de ce qui se transforme peu à peu en calvaire.
Sans doute certains, présents au début de ce billet, ont-ils déjà lâché, lassés et à juste titre de ce qu'ils ont lu et surtout de ce qu'il reste à lire. Alors, concluons puisque l'on ne peut tout dire: j'ai été ravi de mes deux jours d'escapade, même si je n'ai rien fait d'extraordinaire, même s'il n'a pas fait très beau et je crois que mes deux acolytes sont à peu près dans la même disposition d'esprit. Il n'est que d'être bien entouré!
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6 commentaires:
Ah qu'il est doux de ne rien faire quand tout s'agite autour de soi...
j'ai ri à ton rêve de blocage pour cause de tempête. Je l'espère à chaque fois que je vais sur une de mes ïles. Et l'idée de téléphoner au boulot pour m'excuser hypocritement...Hélas, les marins qui nous transportent sont intrépides !
Je pense que Fromfrom et moi ne détesterions pas aller voir tomber la neige à la montagne et rien que pour ça, en compagnie ou non. Car pour le manège du ski, c'est aussi un truc que je ne supporte pas.
J'aime bien le ski de descente ...et surtout les montées en tire-fesses!! ça donne le temps d'adminer de bien beaux paysages....
Et les routes salées, k!
J'ai aussi beaucoup apprécié, Cornus, cette escapade en dehors de la capitale des Gaules.
Dans ces conditions, on aimerait n'importe quel sport, Piergil. Je suis aussi pour la contemplation de la nature....
J'avoue que me retrouver dans un univers neigeux alors que je n'ai d'yeux que pour les boutons et les bourgeons qui s'ouvrent, je ne pourrais pas.
"Inactivité forcée mais bienvenue. A Lyon, j'aurais trouvé ceci ou cela à laver, à ranger, à préparer. Là-haut, rien"
Pauvre handicapé ! Mais tu sais, savoir ne rien faire, ça s'apprend ! Je te donnerai des cours, la prochaine fois qu'on se verra.... ;-)
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