Les conseils de classe de fin de deuxième trimestre ont commencé ce soir. J'oublie chaque fois combien il est nerveusement fatigant d'animer cette réunion quand on est professeur principal. J'en reviens toujours exténué et c'est encore le cas ce soir. Pourtant, comme pratiquement chaque fois, tout s'est bien passé.
Mais il y a beaucoup de choses à gérer en même temps. On pourrait croire que le rôle du professeur principal consiste uniquement à veiller à ce que chacun, parents, élèves délégués, collègues, s'exprime successivement et à consigner les avis sur un cahier à cet effet. Ce serait trop simple.
D'abord, beaucoup ont une singulière propension à parler en même temps que les autres. Pour se faire entendre, le premier va rapidement hausser sa voix, ce qui amènera invariablement le second à faire de même. Pendant ce temps, deux commères de collègues ne pourront attendre pour reprendre une conversation précédemment interrompue sur telle recette de cuisine ou telle adresse de club de détente, se fichant royalement de ce qui se passe autour d'elles. La plupart du temps, quand on essaie de les ramener au sujet de la réunion, c'est à dire au bilan du travail de chaque élève, elles le prennent très mal et vous traitent de dirigiste. Mais ce sont les mêmes qui se plaindront, en fin de conseil, que l'on ait dépassé l'heure prévue d'extinction des feux ou qui seront parties avant l'examen du cas du dernier élève parce que "les enfants attendent à la maison". Inutile de préciser, je crois, ce que je pense de ces donzelles!
Ensuite, il y a le prof qui a décidé que seul son avis importait et que, décidément, sa matière était assez importante pour qu'il se permette de dicter ses conclusions à tous les autres. Il s'agit en général d'un professeur d'une matière dite fondamentale, et très souvent d'un enseignant de Mathématiques. A l'inverse, il y a le petit enseignant de bout de banc, celui qui s'excuserait presque d'être là mais qui, tout de même, est ulcéré que l'on ne pense pas à lui donner la parole. Dans ce rôle-là, on trouve principalement les professeurs d'Arts Plastiques ou de Musique. Un peu surprenants aussi, ces gens-là, mêlant allègrement la fausse humilité et la véritable arrogance parfois.
Si la préparation de ce conseil a bien été faite, les élèves savent, après concertation avec le professeur principal, ce qui, dans les remarques de leurs camarades, entre dans le cadre d'un conseil de classe et ce qui n'y entre pas. On ne risque guère donc de débordements ou d'incongruités de ce côté-là. En revanche, côté parents, on n'est jamais à l'abri de grosses surprises: compte rendu des questionnaires qui s'étire à n'en plus finir, parent délégué qui confond son avis avec celui des autres ou le rend prépondérant du seul fait de sa présence, parent qui est là pour défendre son enfant bec te ongles et se moque totalement de la tâche qui lui a incombé du fait de son élection...
On en entend de toutes les couleurs, si l'on peut dire: il faudrait changer la texture du papier hygiénique dans les toilettes des filles, la veille le riz n'était pas assez cuit à la cantine, ne pourrait-on obtenir un arrêt de bus plus proche de la porte du collège (il faut, en effet, faire au moins deux cents mètres pour parvenir devant le portail!)? Lorsque l'on demande combien de parents telle ou telle remarque concerne, on a alors la surprise d'apprendre que c'est une seule famille qui trouve qu'il y a trop de légumes et pas assez de frites! Et on est parfois resté dix minutes à en discuter.
Mais que viennent faire ces digressions dans un conseil de classe? A force de perdre du temps à des futilités, il faut ensuite accélérer dangereusement quand on aborde le cas par cas, chaque élève de la classe après l'autre. Bien heureux encore si un collègue en grande forme ne raconte pas pour chacun une anecdote "unique" qui lui est arrivée avec cet individu à son cours, ou si un parent "freudisant" ne remonte pas à la première tétée mal digérée de son fils pour expliquer ses difficultés en géographie!
Eh bien oui, moi je suis directif, je coupe la parole quand elle s'égare, je renvoie problème de cuisson du riz et dissertation sur la douceur du papier toilettes à d'autres instances qui sont faites pour ça, je propose, après lecture (dans l'après-midi) de tous les bulletins une récompense (encouragements, félicitations) ou une sanction (colles, avertissements, conseil de discipline) et si l'on veut contester cette proposition, il vaut mieux avoir des arguments solides. Il m'est arrivé de mettre un de mes collègues particulièrement pénible devant un flagrant délit de contradiction entre ce qu'il était en train de dire et ce qu'il avait écrit deux jours plus tôt sur le bulletin (car il existe des gens, parmi les profs, eh oui, qui changent d'avis comme de chemise et s'alignent sans vergogne sur le dernier qui a parlé ou sur celui qui a parlé le plus fort, quitte à dire en deux minutes tout et son contraire).
Et grâce à ça, grâce à mon dirigisme, chez moi, on finit à l'heure.
mardi 23 mars 2010
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7 commentaires:
Ouh la, il est remonté le Calyste !
Mais je te comprends. L'histoire du PQ, je n'imaginais même pas que ça ait sa place dans un conseil de classe...
Sinon, dis donc, j'ai comme une petite envie de faire ma mauvaise tête. Les "commères de collègues", y aurait pas aussi des fois des "compères" qui discutent élection ou foot (des trucs de mec, quoi, du sérieux) et qui sont contents quand ça se termine vu qu'il y a un super match sur Canal ?
Oui je sais, je suis mesquine, là.
Pas mesquine du tout! Les mecs, dans l'enseignement, on ne peut pas dire que ça pullule et quand il y en a, eh bien, ils sont profs principaux. Là, c'est moi qui suis mesquin, non?...
Plus sérieusement, ça arrive bien sûr, mais pas tant que ça!
J'approuve totalement ! Mais j'avais fini avant toi ;-)
Ah, permets-moi de mettre mon grain de sel, Calyste : 1) Je suis un mec (quoique...) 2) Je suis prof (je ne "pullule" donc pas dans l'EN...) 3) Je ne suis pas PP (trop jeune pour ça....) 4) KarregWenn, je ne discute ni élections ni foot en conseil (les sujets que j'aimerais aborder en aparté n'intéressent personne dans ces réunions-là. Alors...?
La qualité de la cantine ou du papier toilette, OUAAFFF ! J'ai la chance de ne pas connaître ce style de débat. Faut dire qu'entre les appréciations, le choix d'options pré-bac, les avis d'orientation post-bac, et tout le saint frusquin, il n'y a pas de temps pour s'attarder sur ces fondamentaux que sont Lotus, Buitoni et Oncle Ben's. Même les parents d'élèves le comprennent. OUF.
Stef: pffff, même pas vrai.
Lancelot: oui, j'ai aussi enseigné en lycée et je me souviens que l'ambiance des conseils de classe était effectivement autre qu'en collège. Ne crois pourtant pas qu'il n'y a rien à faire! N'oublie pas que les élèves que vous recevez sont déjà "écrémés", alors qu'en collège, c'est porte grande ouverte!
Ce qui m'intéresserait beaucoup, c'est le contenu de ces apartés désirés....
Je pensais que les conseils de classe au collège étaient dirigés par le Principal ou son adjoint. Il me semblait que c'était le cas de mon temps...
Sinon, tu fais bien de faire comme tu fais. Des fois, je me demande si les profs et les instits ne se comportent pas plus mal en réunion que les gamins de leurs classes.? En tout cas, Fromfrom a ce sentiment.
Oui, Cornus, le directeur (quand il est là) préside mais le conseil de classe est animé par le professeur principal (qui connait mieux les élèves de sa classe).
Pour le comportement des adultes, dans l'enseignement comme ailleurs, c'est : "Fais ce que je dis mais ne fais pas ce que je fais!"
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