lundi 17 août 2009

Urgences

Ce soir, je me suis mis devant la télévision. Il fallait pour cela une occasion bien particulière, deux même pour être exact. La première, ce sont les Championnats du monde d'athlétisme qui se déroulent en ce moment à Berlin: j'ai rarement manqué ces rendez-vous de fin d'été et, à Bons, j'ai passé de nombreux après-midi calé dans le canapé vert à suivre les différents compétitions, et ce bien avant de faire du sport moi-même. Outre le plaisir des yeux, à suivre la performance d'un perchiste, d'un sauteur ou d'un coureur, je trouvais à ce spectacle une sorte d'aspect mystique, aspect que j'ai totalement retrouvé lorsque je me suis mis à courir moi-même.

L'autre occasion, c'était le retour depuis quelques semaines de la série américaine Urgences. Le dimanche soir, j'ai suivi pendant des années les deux ou trois épisodes successifs qui faisaient alterner le quotidien d'un service d'urgences dans un hôpital américain de Chicago et les déboires ou les bonheurs de son personnel, médecins, infirmières ou aides-soignantes. J'en étais arrivé même à ne plus répondre au téléphone à ceux, bien peu nombreux, qui ne savaient pas que pendant cette tranche horaire, je n'y étais pour personne. C'était devenu bien vite un sujet de plaisanterie à table, entre collègues.

Ce soir, les "anciens" revenaient dans un épisode de cette dernière saison. Ils étaient tous là ou presque, Carol Hathaway, Doug Ross, John carter, Abby Lockart, Greg Pratt. Il en manquaient pourtant quelques-uns, comme Marc Greeen, Michaël Gallant, Susan Lewis, Kerry Weaver ou Elisabeth Corday. Tous ces noms n'évoquent rien, bien sûr, pour tous ceux qui n'ont jamais suivi cette série. Le simple fait que je puisse de mémoire en citer autant prouve combien j'ai été accro pendant de nombreuses années.

Pourquoi cette série et pas une autre (car il faut que je précise que je ne suis pas un téléspectateur de séries, pas même un téléspectateur tout court)? Il y a bien sûr au départ le charme irrésistible de George Clooney, il y a surtout cette étrange fascination que j'ai toujours eu (et que j'ai encore) pour l'univers médical. J'ai déjà dit, et je le redis, que pour moi, il y a trois grands métiers au monde: les toubibs, les profs et les cuisiniers.

Pierre n'était pas chaud au début pour s'installer devant Urgences puis, peu à peu, il a aimé lui aussi. Lorsqu'il est tombé malade et qu'il a de plus en plus souvent été absent de la maison, j'ai continué à regarder les aventures de ces gens de Chicago parce que leur univers, au début, m'était plus familier que celui que je découvrais dans la réalité au fur et à mesure des séjours de Pierre dans tel ou tel établissement hospitalier. Cela me rassurait, me faisait paraître moins étranger ce monde dans lequel je pénétrais pour de nombreux mois.

Ensuite, je n'ai plus eu besoin de fiction: j'en étais entouré. Seule la chambre de Pierre à la clinique était réelle pour moi. Lorsque je le quittais, lorsque je refermais la porte, je me retrouvais dans une sorte de monde cotonneux et étrange qui n'était pas réel à mes yeux et n'avait de rôle que celui de remplir l'intervalle jusqu'à la prochaine visite. Je me suis peu à peu éloigné de la télévision et d'Urgences aussi.

Ce soir, j'ai bien retrouvé ce qui me plaisait dans cette série: le mélange d'horreur et de sentiment, un grand coup de stress suivi d'un grand bol de romantisme. J'ai regardé cela comme on regarde un livre qu'on a lu il y a très longtemps et que l'on retrouve par hasard dans sa bibliothèque: on est heureux de le toucher, de le feuilleter, de se remémorer quelques passages particulièrement aimés, de se rappeler de soi à l'époque de la lecture mais sans éprouver l'envie de le relire, car on n'est plus le même qu'alors.

samedi 15 août 2009

La Maurienne

Saint-François Longchamp est une station de ski de Savoie nichée sur la route du col de la Madeleine, au début de la vallée de la Maurienne. Je n'y serais sans doute jamais allé si Frédéric et Jean-Claude, à qui un de leurs amis avait prêté un appartement, ne m'avaient invité à partager leur semaine de vacances au vert.

C'est une station encore à taille humaine, sans doute plus belle en hiver qu'en été, mais c'est le cas de tous ces domaines skiables. L'appartement, bien que de superficie assez réduite, était tout à fait agréable, au moins pour un court séjour. Un de ses principaux atouts, c'est un grand balcon qui le longe sur deux côtés. Ainsi avions-nous les sommets face à nous en ouvrant les yeux le matin, du moins les matins où la brume le permettait.



En effet, le temps était plutôt frisquet à notre arrivée mais j'ai l'habitude de ces nuits fraîches depuis que je vais dans la Creuse en juillet. Après la découverte (pour moi) de l'appartement, courses dans le village, les seules que nous y ayons faites car, au vu des prix, nous avons ensuite opté pour le supermarché de la vallée.





Le samedi, réveillés assez tôt, nous sommes montés en voiture jusqu'au col de la Madeleine, qui domine d'un côté la Maurienne et de l'autre la Tarentaise, puis redescendu en direction de cette dernière jusqu'au petit village de Celliers. Après-midi dans la vallée pour admirer le porche de l'église de La Chambre, la Collégiale St-Marcel, un magnifique portail en albâtre sculpté du XIII° siècle. Ensuite, arrêt pour le plaisir au centre du village , afin de ne pas manquer les soldes aux Galeries Parisiennes, un magasin de vêtements comme sans doute il n'en reste plus guère en France.


Le dimanche matin nous a vu arpenter les rues de la capitale locale, St Jean de Maurienne, où nous n'avons pas pu visiter le musée de l'Opinel (le célèbre couteau savoyard) parce que fermé, mais où la Cathédrale nous a ouvert grand ses portes. Étrange monument de diverses époques, construit avec la pierre du coin, donc un peu triste et gris, mais plein d'intérêt dans le détail.




L'après-midi fut plus campagnarde, ou montagnarde si l'on veut. De l'autre côté de la vallée, nous voyions depuis notre arrivée un village à flanc de coteau. Nous n'en connaissions que le nom: Montgellafrey. Frédéric ne pouvait plus vivre sans avoir assouvi sa curiosité: qu'est-ce qui se cachait derrière ce nom? Il est bien connu que si, du rivage, on aperçoit une île, on ressent immédiatement l'envie d'y aller voir. C'est donc ce que nous avons fait en empruntant une route bien étroite et tortueuse. Mais nous sommes d'abord montés jusqu'au sommet de ce versant pour découvrir le lac de la Grande Léchère, qui nous a un peu déçus par sa piètre superficie.




Montgellafrey est un petit village, mi restauré, mi abandonné pour quelques maisons. Son intérêt principal est son église,St-Théodule, qui fait partie du circuit touristique des Circuits du Baroque. Mais, bien sûr, en arrivant, nous avons trouvé porte close: impossible donc d'admirer toutes les œuvres dorées qu'elle contient. Un concert improvisé de pipeau nous a consolés, ou nous aurait consolés si la dame qui en jouait dans son jardin avait pu au moins une fois sortir plus de deux notes de suite de son instrument!

Le lundi fut consacré au repos avec une seule petite tentative de visite: une autre église intéressante, celle de Ste-Marie de Cuines, N-D de l'Assomption, XII° siècle, dont je n'ai pu que photographier l'abside en cul-de-four.

Beaucoup d'églises donc, (mes compagnons ne s'en sont pas plaints) mais aussi de bons repas, des petits déjeuners où je n'avais qu'à mettre les pieds sous la table, des siestes réparatrices et de longues parties de Dames Chinoises dont j'ai réussi à transmettre le virus aux deux autres. Pour être tout à fait honnête, ils ont même fini par me battre à ce jeu, et je ne faisais pas exprès de les laisser gagner, on peut me croire.

Et puis, le mardi, ce sera l'italie...

vendredi 14 août 2009

Retour

Chaleur torride pour mon retour à Lyon. J'en avais presque perdu l'habitude en montagne. Même l'atmosphère de la plaine du Po, lors de notre petite escapade en Italie, ne m'a pas paru si pesante.

Huit jours de rupture totale. Je n'ai pas vu une seule fois un ordinateur et je n'ai pas écrit un seul mot, même sur papier. Cela m'a manqué? Non, pas vraiment. Je n'y ai que peu pensé. Pour une fois (et qui n'est plus la première), j'étais là où j'étais quand j'y étais. Ce sont mes photos, nombreuses, très nombreuses, qui m'aideront à revenir sur ce séjour en Maurienne et à Milan.

Ce soir, je vais commencer à les poster sur Flickr. L'écrit viendra après, une fois un peu mûri. Tout de suite, ou presque.

jeudi 6 août 2009

Botchan

Botchan, en japonais, signifie "petit maître". C'est aussi le titre d'un roman de Sôseki paru en 1906 qui créa ce personnage dont la quatrième de couverture prétend qu'il est aussi célèbre au Japon que Cosette en France ou Tom Sawyer aux États-Unis.

Ce livre se lit sans déplaisir et sans efforts. Il n'a pourtant, à mon avis, aucune aspérité à laquelle se raccrocher, comme lors d'une escalade en montagne: histoire racontée de façon très classique (les déboires d'un jeune homme devenu enseignant un peu par hasard et nommé loin de la capitale où il a passé le début de sa vie), personnages décrits de façon pittoresque et affublés de surnoms cocasses mais peu crédibles, à la limite de la caricature, dénouement prévisible à distance. J'ai déjà lu Choses dont je me souviens, écrit beaucoup plus sombre de cet auteur. J'ai également en stock le plus célèbre de ses ouvrages: Je suis un chat que je "hume" depuis plusieurs mois et qui, maintenant, devra attendre encore un peu.
Je n'ai corné aucune page de ce livre car aucune répercussion profonde en moi. Pas d'extrait donc.
Il faut maintenant que je trie les livres que je vais emporter avec moi. Moment toujours un peu difficile et choix qui peut être remis en cause demain matin, plusieurs fois.

Sagesse

Encore une que j'aime bien, de l'abbé Pierre:

La sagesse, ce n'est pas de ne pas faire de bêtises. C'est recevoir le goût de savourer. Parce que c'est bon d'aimer.

Momentini

- Soirée d'hier avec François-Jean. Arrivé en retard chez lui, moi qui suis toujours à l'heure. Comme une fatalité. M'a reçu tout en poils, torse nu. Heureux de le retrouver. Comme une fatalité aussi. Fourmillement de la parole, entre rires et sérieux. Avons décidé de nous revoir, car la conversation n'est pas terminée!

- En sortant de chez lui, j'entends: "Tiens, mon ami!". C'était le jeune étudiant d'histoire qui tient une caisse à Casino le samedi. Accompagné d'une bande de copains. Ils venaient de manger et surtout boire et avaient bien l'intention de poursuivre. Il est resté un moment avec moi, surpris que je connaisse les "poppers" qu'ils baladaient avec eux et dont il m'a proposé. C'était du vrai, l'interdiction en France ayant été levée. Quand ses amis ont disparu au bout de la rue, il a fallu qu'il les rejoigne. Nous nous étions tutoyés, peu s'en est fallu que la bise vienne. Samedi, je ne serai pas là, mais le suivant.

- Reçu aujourd'hui une carte de J., de Bretagne. Une carte avec des mots simples, tout bêtes, de ceux qui font plaisir, qui touchent.

Rempotage

Pas de billet hier, je n'étais pas là. Pas de billet demain, je pars pour une petite semaine, en montagne, dans cette Savoie que je n'ai pas vue depuis longtemps. Peut-être un petit tour en Italie du nord aussi.

Mardi soir, j'ai pris la route du sud. Le mari de Kicou, Georges, m'avait demandé de l'aider à transplanter dans le jardin, en pleine terre, les immenses compositions florales que nous avions offertes lors de la sépulture. J'ai été très touché de cette demande, mais c'est sur la route que l'émotion, un moment, m'a submergé: de ce côté-là, autrefois, j'avais mes amis, aujourd'hui ni Amédé ni Kicou ne sont là pour en matérialiser le but heureux. Cette route était vide, uniquement emplie de passé. Et puis je me suis repris: et Jean-marc, et Gilles, et Danielle, et Denis, et Roger, qu'en faisais-je dans ma mélancolie?

Pourtant, je redoutais de me retrouver dans cette maison sans elle. J'y suis allé si souvent, elle m'y a organisé tant de fêtes, mes quarante ans quasi orgiaques où, avant l'arrivée des invités, nous avions composé tous les deux des bouquets de chrysanthèmes et d'érables, mes cinquante, plus doux, peu après l'annonce du cancer de Pierre, pleins de tendresse avec un cercle restreint d'amis proches, d'autres fêtes, tant d'autres où elle n'oubliait rien, organisée jusqu'à en paraître maniaque.

Les dernières fois, j'étais descendu seul. Le jour où je devais venir avec J., qu'elle tenait à connaître, elle n'a pas pu nous recevoir tant la fatigue était grande. Je l'ai vue sur sa méridienne, devant la fenêtre qui donne sur le jardin, nous avions fait la sieste côte à côte, moi sur le fauteuil proche. Je l'ai vue, la dernière fois, alitée dans la chambre bleue, celle qui m'était réservée, au rez-de-chaussée. Elle pensait encore à organiser l'avenir. J'étais enfin venu une dernière fois lors de l'enterrement, dans cette maison envahie par des gens, dont certains que je ne connaissais pas.

Après la route en lacets qui gravit les premiers contreforts du Pilat, je me suis arrêté au sommet, sans doute plus pour gagner encore quelques minutes avant l'arrivée que pour admirer la vue splendide sur la vallée du Rhône et photographier quelques meules de foin isolées dans un champ. Je savais que son dernier fils, sa belle-fille et leur petit garçon seraient là aussi et cela me gênait encore davantage: je ne voulais pas d'une visite de convenance agrémentée d'une conversation empreinte seulement de politesse.

Et ce ne fut pas ça. Le soir de mardi, je pus être seul un moment avec Georges. Nous avons parlé de Kicou et de la vie sans elle. Je redis encore la surprise que j'ai chaque fois à voir ce vieil ours, craint de beaucoup et à juste titre, se montrer à moi dans sa vérité de vieil homme vulnérable et sensible. Puis, une fois Georges couché, nous avons longuement bavardé avec Jean-Clause et Sandrine, là aussi mais pour la première fois d'une manière vraie et touchante. Le lendemain, nous pouvions entamer la vie quotidienne dans sa banalité: les bases de l'essentiel avaient été assurées la veille.

Jean-Claude m'a confié que, lorsqu'il était petit, il s'étonnait toujours de voir, à un endroit ou un autre de la ville, des grues souvent nombreuses dépasser des toits ou strier l'horizon. " Mais quand va-t-elle être finie, cette ville?". C'était la question à laquelle il ne pouvait s'imaginer ne pas avoir de réponse. Dans la soirée, il a rajouté: "Finalement, nous sommes un peu comme des villes."

J'ai rapporté de la campagne deux plantes qu'ils m'ont offert: un petit camélia et cette grande plante grimpante ressemblant à un dipladenia aux proportions plus volumineuses dont l'exemplaire que j'avais après la mort de Pierre n'avait pas résisté à l'attaque d'un parasite. Les deux ont trouvé ce matin leur place naturelle sur mon balcon.