lundi 5 janvier 2015

Violence et passion

Je viens de revoir, sur Arte, le film que l'on considère comme le testament de son réalisateur Lucchino Visconti : Violence et passion, avec Burt Lancaster, Helmut Berger, Silvana Mangano et, pour de courtes apparitions, Romolo Valli, Claudia Cardinale et Dominique Sanda.

A sa sortie, en 1974, j'avais 22 ans. Étrange comme le regard intime peut changer en quarante ans. A l'époque, l'aspect politique du film m'avait totalement échappé. Bien sûr, j'avais été fasciné par la beauté de Berger, alors à l'apogée de sa carrière. Aujourd'hui, (comme pour un autre film, Mort à Venise) c'est le personnage du vieux professeur un peu ours qui m'intéresse davantage. L'explication est facile à trouver...

Et surtout, j'ai remarqué ce soir le titre original du film : Gruppo di famiglia in un interno, que l'on pourrait plus fidèlement traduire par "Portrait de famille en intérieur". D'ailleurs les murs du splendide appartement du professeur sont tapissés de tableaux du XVIII° siècle, tous représentant des familles bourgeoises anglaises. Ainsi suis-je passé, en quarante ans, du titre français (où la touche homosexuelle est déjà présente) au titre italien qui met davantage l'accent sur la véritable interrogation du film : peut-on vivre seul ? et quel prix doit-on payer pour cela, ou pour l'inverse.

Banlieue est

Ma sœur, en congé pour quelques jours, voulait s'acheter deux étagères pour ranger ses livres qui, comme chez moi, débordent un peu partout. Pour le transport, mon Berlingo est bien pratique. Elle m'a demandé de l'accompagner. Direction la banlieue est de Lyon où, le long de la route de Grenoble, s'alignent les magasins de meubles.

C'est de loin la banlieue la plus laide de Lyon, avec autoroute, bretelles, périphérique, nouvelle rocade, platitude absolue du relief, horizon masqué par des centaines de panneaux publicitaires, quelques champs de colza, tristes à mourir en cette saison, et une nationale droite comme la justice où les seuls accidents sont les giratoires qui y ont prospéré en quelques années.

Visiblement, les étagères sont passées de mode. Nous avons fait plusieurs magasins sans en voir l'ombre d'une. Nous en avons enfin trouvé à Ikea, un des premiers magasins en sortant de Lyon (donc un des derniers en revenant !). Et je déteste ce lieu : je ne supporte pas que l'on m'oblige à faire le tour entier des salles d'expositions pour parvenir aux caisses. Lors d'un de mes rares passages chez eux, j'avais décidé de couper court en empruntant des portes battantes considérées comme issues de secours et m'étais fait sèchement rabrouer par un des responsables. Il faut vraiment que j'aime ma sœur pour avoir accepté d'y remettre les pieds...

dimanche 4 janvier 2015

Fiction (27)



Je ne compris pas tout de suite. Le bébé dormait dans les bras de Dorée. En m’approchant d’elle, je vis qu’il ne devait être âgé que de quelques mois, six tout au plus. Son visage chiffonné dépassait à peine du lange dans lequel on l’avait emmailloté. Malgré cela, je constatai que l’enfant paraissait particulièrement maigre.

- Il est beau, n’est-ce pas, me dit Dorée et caressant doucement son front de l’index.

Que pouvais-je répondre, moi qui ai toujours trouvé que tous les bébés se ressemblent et que rien en eux ne laissent présager la beauté qui sera éventuellement la leur plus tard ? Je m’en tirai par une pirouette.

- Il a l’air fatigué. Vous ne devriez pas le laisser trop au soleil. 

Et, heureux de m’occuper à autre chose, je leur tournai le dos pour déplier le grand parasol de ma terrasse. Dorée s’assit à l’ombre sur la chaise que je lui avais avancée et continuait à bercer doucement le bébé. Tom aussi se rapprocha, visiblement incapable de savoir ce qu’il devait faire. De tous, c’était Valeria qui semblait la plus naturelle. Elle alluma une cigarette et me demanda si je voulais bien leur offrir quelque chose de frais à boire.

Quand je revins sur la terrasse avec des verres d’orangeade, Tom s’était assis lui aussi et tenait maintenant le bébé. Curieux comme les hommes sont mal à l’aise dans ces moments-là ! On aurait qu’il n’osait plus  faire un seul geste, c’est à peine s’il se permettait de respirer. Cela me fit sourire intérieurement mais je savais qu’à sa place, j’aurais réagi exactement de la même façon. Lorsqu’une de mes amies me confiait un instant son bébé, j’étais terrorisé. Ce corps minuscule me semblait si fragile que j’avais toujours peur de le briser avec mes grosses mains d’homme.

- Vous devez être surpris ? me demanda Valeria. 

L’italienne, dans nos correspondances lors de la location, m’avait précisé qu’elle n’était pas mariée. Mais elle pouvait fort bien avoir un bébé, même noir. Ce n’était pas la première mère célibataire que je rencontrerais.

- Surpris est un bien grand mot, mais je ne savais pas que vous aviez des enfants. J’en suis ravi pour vous.

Alors, s’étant rapprochée des deux hollandais assis, elle se tint droite derrière leurs chaises, une main sur l’épaules de chacun d’eux, comme si elle les protégeait. La scène me fit penser à ces tableaux de la Renaissance où la Vierge recouvre de son manteau ouvert les pauvres mortels qui lui ont demandé son aide.

- Mais je n’en ai pas !




En mer

Un peu déçu par ce roman que je viens de terminer. L'allusion, en quatrième de couverture, à Sukkwan Island m'avait beaucoup alléché mais j'ai assez vite déchanté, même si ce livre n'est pas totalement inintéressant.

Pour être plus précis, je le trouve très mal construit ou peut-être trop savamment construit. Un homme part en mer avec sa toute jeune fille et s'aperçoit qu'elle a disparu une nuit de sa couchette. Vient ensuite un long retour en arrière sur la vie à bord d'un voilier en mer du Nord, partie qui ne m'a pas enthousiasmé. Le récit reprend un peu de vigueur dans les derniers chapitres avec la surprise finale. Mais je reste très tiède pour le recommander.
( Toine Heijmans, En Mer. Ed. Ch. Bourgeois. Trad. de Danielle Losman)

samedi 3 janvier 2015

Que vont mes voisins devenir ?

Le matin du 1er janvier, à peine mes volets ouverts, je reçois un coup de fil de mon voisin du dessus qui m'apprend la mort de celui du sixième, à 98 ans.

Ce monsieur, je le connaissais bien : ce fut, avec sa femme, le premier à nous avoir accueillis, Pierre et moi, lorsque nous avons déménagé. Il y a 24 ans, il était très actif et s'occupait beaucoup de l'immeuble. Et puis, il a vieilli et s'est peu à peu retiré, au point de ne plus venir aux assemblées générales. Je le croisais parfois dans la rue, avec son épouse, mais la conversation était devenue difficile à cause de leur surdité grandissante.

Cette mort, en soi, n'est pas traumatisante. Pourtant, peu à peu, tous mes anciens voisins disparaissent ou sont atteints: le vieux couple du dessous, des gens charmants, morts l'un et l'autre. Les deux dames du cinquième (l'une en clinique pour Alzheimer, l'autre en maison de retraite). Une autre demoiselle dont la prothèse de hanche s'est subitement brisée et qui ne se déplace plus qu'avec des béquilles. Mon amie du cinquième dont les vertèbres se fêlent les une après les autres.

Bientôt, je ne connaîtrai plus grand monde, car les nouveaux arrivants ne sont, pour la plupart, pas très communicatifs. Je regretterai l'ambiance de cet immeuble, conviviale sans que personne ne songe à être envahissant.

Le Champ du potier

Camilleri, c'est parfois irrégulier. Il écrit tellement que certains de ces romans me semblent légèrement bâclés. Le Champ du potier, dernier sorti en poches, fait partie des grands crus.

On y retrouve bien sûr Salvo Montalbano, le flic de Vigàta et ses collègues, Livia, son amie "exilée" dans le nord, à Milan et tout le peuple sicilien, de basse ou de haute extraction.

Mais c'est l'intrigue qui est, cette fois-ci, très bien ficelée. Enquête autour de la découverte d'un cadavre découpé en morceaux et défiguré avant d'être jeté dans un terrain argileux. Camilleri (mais il l'a fait déjà d'autres fois) joue avec l'ombre omniprésente de la mafia, sa participation (ou non) à ce crime et c'est un régal. D'autant plus que, dans ce roman, un de ses hommes semble compromis. Heureusement, Saint Matthieu s'en mêle...
(Andrea Camilleri, Le Champ du potier. Ed. Fleuve noir. Trad. de Serge Quadruppani.)

jeudi 1 janvier 2015

2015

Bonne et heureuse année à tous, à ceux que j'ai rencontrés, à ceux que je ne connais que virtuellement et à tous ceux que je ne connais pas encore.