samedi 6 novembre 2010

Contre-jour

Aujourd'hui, je triche un peu: je n'ai pas eu l'occasion de prendre de photos. Celle-ci date du 20 Octobre, lorsque je suis descendu sur Bellecour pour me rendre compte par moi-même de l'état d'effervescence de la ville pendant les échauffourées.



Pourquoi celle-ci? Parce qu'elle me plaît. Parce que, en la prenant (elle n'est pas en noir et blanc), je ne m'attendais pas du tout à ce résultat. Je pensais même qu'elle serait à jeter, ayant été prise à contre-jour.

L'homme est penché sous le fardeau, l'eau jaillit près de lui. Il longe un garde-fou, comme chacun sa vie durant. Son ombre est mouillée, lui aussi peut-être mais la lumière irise la scène. Elle a lieu là, maintenant, et semble presque un souvenir nimbé d'irréalité.

J'aime surprendre ainsi des inconnus dans ce qu'ils ont de plus humain. Ensuite, quand, beaucoup plus tard, je regarde à nouveau la photo, je me demande toujours ce que sont devenus ces gens, ce qu'ils font au moment précis où je pense à eux. Comme ces deux jeunes hommes, image de mon blog, le noir et le blanc, bavardant au bord de la Saône et qui ne savent pas que j'ai surpris ainsi un moment de leur intimité.

vendredi 5 novembre 2010

Trente ans après

Non, ce n'est pas un remake approximatif d'un roman d'Alexandre Dumas: c'est le temps qu'il m'a fallu pour remettre les pieds dans ce bâtiment. La dernière fois, c'était en 1981, alors qu'il venait d'être construit, pour m'inscrire au concours national du CAPES de Lettres Classiques. C'est d'ailleurs cette fois-là que j'ai fini par l'avoir, après plusieurs tentatives infructueuses, alors que j'avais failli rebroussé chemin au milieu du hall et abandonner l'idée d'être enseignant.


Ce bâtiment, c'est le Rectorat. J'y avais rendez-vous pour valider trois années d'IPES faites au cours de mes études en fac et dépendant du régime fonctionnaires et pour les transférer au régime général de retraite dont je dépends puisque enseignant dans le privé sous contrat. Mon dossier attendait chez moi, sur un petit meuble près de mon bureau depuis 2007. Peut-être, cette année, ai-je admis l'idée de prendre cette retraite (en 2014, d'après mes calculs).

Alors que j'y entrais autrefois avec une légère appréhension, comme si j'étais coupable de quelque méfait, avec la honte, ravalée ou camouflée en une certaine révolte, de n'être que maître auxiliaire, aujourd'hui, je n'ai rien éprouvé de tel. La jeune femme qui m'a reçu était calme et humaine et avait l'air de connaître son affaire. Théoriquement, en janvier, ces trois années manquantes devraient apparaître sur mon relevé de carrière.

En sortant, j'ai eu une seconde la sensation d'être vieux. Alors je suis allé jusqu'à Bellecour, chez Decitre, pour m'acheter deux livres: Avec Bastien, de Mathieu Riboulet, que m'a conseillé Merbel, et Le Maître de Ballantrae, de Stevenson, parce que j'ai toujours aimé Stevenson (passion que je partage apparemment avec Antoine de Caunes, entendu hier soir dans La Grande Librairie sur TV5). Rien de tel que de traîner dans les rayons d'une librairie pour redonner le moral.

jeudi 4 novembre 2010

Biutiful

Il faut bien que je finisse par en parler. Mardi, je suis allé au cinéma, voir Biutiful, de Alejandro Gonzalez Inarritu, avec Javier Bardem dans le rôle principal, celui de Uxbal. (A noter que cet acteur est le neveu de Juan Antonio Bardem, le réalisateur du fameux Mort d'un cycliste, en 1955 avec Lucia Bose). je suis sorti de la séance assommé comme rarement auparavant, et pas seulement parce que le niveau sonore était très élevé.

Ce film m'a littéralement collé à mon siège, tant il est non pas volent mais dur. Quelque chose comme de la pierre que rien ne viendra émoussé et qui, à la fin, malgré les efforts de l'homme, présentera toujours une surface intacte et froide. Pas de rédemption dans ce film. Pourtant, comme Uxbal la recherche, cette rédemption! Apprenant qu'il est atteint d'un cancer de la prostate en phase terminale, cet homme, séparé de sa femme qui souffre de bipolarité et essaie de s'amuser par le sexe, ce père de deux enfants dont il a la charge, trempant vaguement dans diverses affaires louches avec des amis africains ou asiatiques, va essayer de se rattraper, d'effacer le malheur dont il est plus ou moins directement la cause en ne faisant que le bien autour de lui.

Tout cela pourrait être bien mièvre, sauf que, sauf que rien ne fonctionne dans cet univers définitivement pourri, dans cette ville de Barcelone hystérique et violente, dans la société des humains dont elle est l'archétype, dirait-on. Les quelques répits que l'on trouve entre deux deux désespérances sont immédiatement détruits par le hasard, par la maladie, par la bêtise. La seule caresse, c'est celle à la joue d'un mort, le père de Uxbal, parti au Mexique trop tôt pour qu'il le connaisse, décédé là-bas peu de temps après et dont, des décennies plus tard, on renvoie le corps à Barcelone pour qu'il y soit incinéré.

Tout cela pourrait passer pour du délire à mi chemin d'un onirisme volontiers racoleur. On pourrait se dire, en sortant de la salle, que l'on vient de voir une bonne histoire de science-fiction. Or, c'est l'inverse: rien n'est racoleur dans ce film, tout, ou presque, est filmé de façon quasi documentaire. Ce qui rend encore plus grand (et plus insupportable) l'impact des images, des idées et d'une musique (de l'argentin Gustavo Santaolalla) extraordinairement présente et intelligemment utilisée non comme simple accompagnement que l'on remarque à peine, mais comme actant elle-même du drame de Uxbal.

Seul avec elle

Petit instant, comment dire, de tendresse (je sais, c'est un peu ridicule) ce matin en entrant dans la cours du collège. Beaucoup étaient déjà là, en avance. Moi aussi. Machinalement, parce que je connais son numéro, je cherche comme chaque matin la voiture de Stéphane. Je ne sais pas pourquoi, la voir garée, le long du grillage, me rassure.



Ma salle avait été nettoyée pendant les vacances. J'y passe huit heures par semaine, avec les cinquièmes. La première fois qu'on me l'a attribuée, après le départ du primaire dans un autre bâtiment, je l'ai trouvée très laide: une sorte de couloir, de wagon de métro, tout en longueur et impersonnel. Les fenêtres donnent sur un immeuble qui ressemble à une HLM et la domine de l'autre côté de la rue.

Comme d'habitude, mais seul ce matin, j'ai posé mon cartable sur la deuxième chaise devant le deuxième bureau que je rajoute toujours à celui devant lequel je suis assis: envie d'espace, de pouvoir m'étaler. Comme d'habitude, je suis allé au fond ouvrir le placard, mon placard puisqu'il n'a qu'une seule clé et que c'est moi qui la possède. A l'intérieur, des manuels, actuels ou de plus anciens dont je me sers encore parfois, des dictionnaires, de français et de latin, des pochettes cartonnées de rangement et quelques livres de bibliothèque que je prête parfois à qui en veut. Toute en bas, une ou deux craies blanches, en provision, et une vieille carte du monde à laquelle plus personne ne s'intéresse.


Revenu à mon bureau, j'ai pris la photo, en me mettant bien au milieu de l'allée, avec un grand sérieux, comme si cela avait une importance. En fait, je me cachais ainsi à moi même mon dépaysement à voir cette salle vide et en ordre, avant que la horde n'arrive, à penser bêtement qu'elle avait eu sa vie propre pendant dix jours, sans moi, sans eux, les élèves qui y passent encore plus de temps. à la sentir me guetter, se tapir pour redevenir, quelques instants plus tard, une bête salle de cours jonchée de papiers, à l'ordonnance détruite des chaises et des bureaux, aux relents de sueurs un peu aigres.

Et puis la sonnerie, trop forte, a retenti dans le couloir et, dans l'escalier, j'ai entendu les premiers chocs des souliers et les premières conversations que l'on se dépêche d'achever avant de rentrer en classe. Mais l'on a tellement de choses à se dire après les vacances.

mercredi 3 novembre 2010

La der des der

Enfin, je pense. Je l'avais déjà annoncée il y a à peu près une semaine, et puis, finalement, nous sommes retournés aux champignons aujourd'hui. Toujours aux Echarmeaux. Toujours des chanterelles grises. Toujours belle récolte. Toujours repas à l'Auberge des Tilleuls avec, cette fois-ci, le menu du jour: tarte au thon et au gruyère, épaule de veau braisée et tagliatelle, plateau de fromage, crème brûlée (un régal, le dessert!). Le tout pour 12,50 euros, vin compris. Quand je vous dis qu'il faut y aller si vous passez par là!




Au retour, un petit crochet par le chef-lieu de la commune de Poule les Echarmeaux, que nous ne connaissions pas, puis par le bourg médiéval de Ternand, dans la vallée de l'Azergue, qui possède, entre autres intérêts, celui d'avoir gardé, sur le flanc de son église, sa galonnière du XV° sicle: il s'agit d'un porche réservé autrefois aux funérailles des pauvres. (Il en existe de similaires dans deux autres villages du Beaujolais: Chessy-les-mines et St Laurent d'Oingt).

Pourquoi cette photo pour illustrer ce billet? Juste parce que cette inscription sur le monument aux morts m'a beaucoup fait rire. Pardon!

mardi 2 novembre 2010

Avalanche

D'habitude, c'est le lundi matin. Mais là, comme le lundi, c'était etc.etc., l'avalanche a eu lieu le mardi. Une tonne de publicités dans chacune des boîtes à lettres de mon immeuble, en tout cas dans celles qui n'ont pas précisé qu'elles n'en voulaient plus.



C'est chaque semaine la même chose et, comme la poubelle que j'avais installée pour se débarrasser de toute cette paperasse a disparu depuis une quinzaine de jours, on entasse dans un coin du hall d'entrée, en essayant de ne pas trop s'étendre. Mais le tas s'accroît de semaine en semaine, au fur et à mesure que l'on s'approche des fêtes de fin d'année. Déjà, au supermarché, les chocolats sont là. Alors dans les boîtes (à lettres, vous suivez, n'est-ce pas, pas de chocolats!), outre les habituelles publicités de victuailles avec leurs promotions des deux produits pour le prix d'un, on a aussi droit aux vêtements (sportifs ou de soirée), à la hi fi, à l'électroménager, parfois aux croisières, et surtout, surtout, aux catalogues de jouets.

D'une tristesse à pleurer: reflets flamboyants de cette société de l'inutile et de l'éphémère. Autrefois, je feuilletais ces catalogues en m'imaginant la joie que j'aurais éprouvée à recevoir tel ou tel objet présenté dans ces pages de papier glacé. Aujourd'hui, rien ne m'y fait plus rêver. Tant pis pour moi!

lundi 1 novembre 2010

Hommages

Valérie a conduit octobre à son terme, j'entreprends donc novembre en espérant mener à bien une tache qui paraît aisée à première vue mais ne l'est peut-être pas autant qu'on le croit: prendre une photo par jour comme support d'un billet lui aussi quotidien. Aujourd'hui, bien sûr, c'était assez facile!



Toussaint, et non fête des morts, comme beaucoup le croient. Il faisait beau sur Lyon. Le vrai temps de Toussaint, c'était hier, pluie froide et brume. Aujourd'hui, soleil, en assez bonne quantité. J'ai déjà dit ce que je pensais de ce cérémonial des plantes à déposer une fois par an sur les tombes. Le reste de l'année, les cimetières sont étrangement vides. Pour ma part, je ne vois qu'un seul avantage à ce rituel hypocrite: embraser les lieux de couleurs éclatantes. J'aime cette fleur d'or (étymologie de "chrysanthème"), particulièrement les anciennes variétés à grosses boules jaunes ou mordorées qui se font bien rares maintenant. Mais les pomponnettes et les tokyos, selon leur coloris, me plaisent aussi beaucoup.

Ce soir, à la télévision, j'ai voulu voir une émission de variétés sur les idoles de la chanson des années soixante à quatre-vingt: Jeane Manson, Alain Barrière, Leny Escudéro, Jaïro, Marie-Paule Bayle, Fabienne Thibeault, Pascal Danel, Frédéric François, Marie-Myriam, etc. Occasion de réentendre des chansons cultes, dont certaines ont cinquante ans, chantées (mal?) hélas par des chanteurs dont la plupart ont beaucoup plus. Quel rapport avec les chrysanthèmes? Cherchez bien.