Trois retrouvailles cette semaine. Des hommes dont j'ai déjà parlé ici.
- Renaud, le caissier du samedi chez Casino, étudiant en Histoire/Géographie. Retrouvé devant chez moi alors que je partais chez le kiné. Toujours aussi mince et pâle. Le baladeur sur les oreilles. C'est lui qui m'a vu le premier. Il est bien exilé à Paris, près de Belleville, partage une chambre avec une fille et l'appartement avec trois autres gars plus quelques cafards. Nous avons été presque gênés de nous retrouver par hasard. Nous étions pressés l'un et l'autre. Nous n'avions pas grand chose à nous dire. Fin d'un chapitre.
- Brice, mon ancien élève, revu il y a un an dans la clinique de ma mère quand il y faisait un stage. Il est maintenant infirmier, il a réussi son concours. Je suis heureux pour lui, d'autant que la réussite donne à ce garçon que j'ai toujours connu stressé et doutant de lui (il en bégayait souvent) la juste dose d'assurance qui lui manquait. Chose admirable: il sait maintenant sourire sans crispation d'une moitié du visage. Et l'on découvre ainsi qu'il est beau quand il sourit.
- Nicolas, mon ancien collègue de français, revu lundi soir pour un resto en commun, qu'il m'a d'ailleurs offert en prévision de mon proche futur anniversaire. Soiré mal commencée dans le bruit excessif du Rouge Tendance du Bachut, bondé ce soir-là, et terminée fort tard chez moi à explorer nos ressemblances et nos différences. Je lui ai redit ma gratitude devant la confiance qu'il m'accorde en me parlant de lui comme il le fait. J'apprécie toujours autant ces soirées qui consolident notre amitié. La prochaine est prévue aux vacances de Noël.
mercredi 4 novembre 2009
mardi 3 novembre 2009
Rituel
J'ai rentré les plantes aujourd'hui. Mes balcons sont vides, à l'exception des peu frileuses qui passeront l'hiver dehors. Un chrysanthème de l'an dernier est en train de fleurir, petits boutons jaunes qui justifient à eux seuls le nom de celle qui les porte. L'escalier et le palier devant ma porte sont un peu plus encombrés mais j'ai la chance d'avoir, jusqu'à présent, des voisins qui apprécient la verdure.
Je me suis résolu à tailler certaines d'entre elles, comme les hibiscus, le laurier rose ou le bougainvillée afin qu'ils tiennent un peu moins de place sur le passage. Autrefois, il n'y avait que des vieux à habiter l'immeuble et tous empruntaient toujours l'ascenseur. Aujourd'hui, proximité de la fac aidant, je croise parfois de nouveaux visages, bien frais et rosés du matin ou le visage comme encore marqué par les traces d'un oreiller sur une peau trop fine. Ces apparitions fugaces mais maintenant fréquentes valent bien le sacrifice de quelques rameaux trop peu disciplinés!
Pour moi, cette "entrée en hiver" est un rituel auquel je tiens. Il implique le renoncement pour de longs mois à un certain nombre de pratiques estivales: dormir la fenêtre ouverte, photographier le bouton prêt à s'ouvrir ou la fleur pleinement épanouie, aller passer l'après-midi sur la plage du lac en compagnie de Stéphane ou simplement d'un livre, écouter le bruit des voisins, tous ces minuscules petits sons qui exsudent la vie et font d'une cour intérieure un grand village de campagne en été.
Adieu donc tous ces plaisirs et bonjour à ceux qui viennent alors, plus feutrés, plus intériorisés, la voracité du gourmand faisant place au savoir-jouir ancestral du gourmet: se blottir sous la couette et ne laisser dépasser qu'un bras pour tenir le livre et tourner les pages, entendre au loin le coucou du voisin qui égrène les heures nocturnes sans réveiller quiconque mais présent aux insomniaques, essayer, en fermant ses volets, de chaparder un moment de la vie des autres, autour de la table de la cuisine ou dans la lumière tamisée d'un salon, se coucher plus tôt juste pour se dire que l'on est dans son lit, que l'on va s'endormir et que c'est bon, la nuit, retrouver au réveil la vieille robe de chambre usée déposée près du lit et qui réchauffe si vite le corps un peu frileux du lever.
Voilà tout ce qu'implique pour moi la fin de mes forêts extérieures qui, après avoir prospéré comme elles l'ont voulu pendant les mois chauds, sans jamais la blessure d'un coup de sécateur ou le carcan d'un tuteur trop rigide, doivent se préparer aux heures sombres et froides et s'aligner, tranquilles, le long des murs du palier pour s'endormir jusqu'au beau jour où apparaîtra, sans que l'on s'y attende, parce qu'on a oublié entre temps, la minuscule tache d'un vert trop tendre de la première feuille nouvelle.
Je me suis résolu à tailler certaines d'entre elles, comme les hibiscus, le laurier rose ou le bougainvillée afin qu'ils tiennent un peu moins de place sur le passage. Autrefois, il n'y avait que des vieux à habiter l'immeuble et tous empruntaient toujours l'ascenseur. Aujourd'hui, proximité de la fac aidant, je croise parfois de nouveaux visages, bien frais et rosés du matin ou le visage comme encore marqué par les traces d'un oreiller sur une peau trop fine. Ces apparitions fugaces mais maintenant fréquentes valent bien le sacrifice de quelques rameaux trop peu disciplinés!
Pour moi, cette "entrée en hiver" est un rituel auquel je tiens. Il implique le renoncement pour de longs mois à un certain nombre de pratiques estivales: dormir la fenêtre ouverte, photographier le bouton prêt à s'ouvrir ou la fleur pleinement épanouie, aller passer l'après-midi sur la plage du lac en compagnie de Stéphane ou simplement d'un livre, écouter le bruit des voisins, tous ces minuscules petits sons qui exsudent la vie et font d'une cour intérieure un grand village de campagne en été.
Adieu donc tous ces plaisirs et bonjour à ceux qui viennent alors, plus feutrés, plus intériorisés, la voracité du gourmand faisant place au savoir-jouir ancestral du gourmet: se blottir sous la couette et ne laisser dépasser qu'un bras pour tenir le livre et tourner les pages, entendre au loin le coucou du voisin qui égrène les heures nocturnes sans réveiller quiconque mais présent aux insomniaques, essayer, en fermant ses volets, de chaparder un moment de la vie des autres, autour de la table de la cuisine ou dans la lumière tamisée d'un salon, se coucher plus tôt juste pour se dire que l'on est dans son lit, que l'on va s'endormir et que c'est bon, la nuit, retrouver au réveil la vieille robe de chambre usée déposée près du lit et qui réchauffe si vite le corps un peu frileux du lever.
Voilà tout ce qu'implique pour moi la fin de mes forêts extérieures qui, après avoir prospéré comme elles l'ont voulu pendant les mois chauds, sans jamais la blessure d'un coup de sécateur ou le carcan d'un tuteur trop rigide, doivent se préparer aux heures sombres et froides et s'aligner, tranquilles, le long des murs du palier pour s'endormir jusqu'au beau jour où apparaîtra, sans que l'on s'y attende, parce qu'on a oublié entre temps, la minuscule tache d'un vert trop tendre de la première feuille nouvelle.
Mal de pierres
Qui connaît Milena Agus, cette jeune sarde auteur de ce roman Mal de pierres? Il paraît, selon l'éditeur, que son livre a, en France, enthousiasmé la presse et les libraires aussi bien que le public avant de la faire reconnaître en Italie. Mais qui croit encore à des louanges d'éditeur?
Le livre lui-même n'est pas inintéressant: une petite-fille évoque sa grand-mère et les hommes qui gravitèrent autour de l'aïeule, puis, de façon plus succincte, les figures de sa père et de sa mère. Mais c'est la vieille dame qui l'intéresse, dans ce qu'elle a de fou, de hors-norme, de moderne en elle alors qu'elle vit dans la société très figée de la Sardaigne du début du XX° siècle. Au travers de l'histoire de ces deux générations, on voit se profiler l'histoire d'un pays qui ne parvient toujours pas aujourd'hui à être totalement une nation et la pauvreté de cette île pourtant si belle.
Mais que me restera-t-il de cette lecture dans un mois ou deux? Probablement rien, si ce n'est un peu du plaisir d'avoir vu revivre devant moi quelques images de ces contrées désolées du centre de l'île que nous avions visitée avec Pierre en 81. Moi qui venais de passer plus d'un mois dans l'écrin sublime de l'Ombrie et de la Toscane, j'avais trouvé le contraste rugueux, et la langue tout autant. Pourtant le pays avait fini par l'emporter et par m'intéresser pour ce qu'il était: un endroit où ce n'est pas la richesse artistique qui importe mais bien plutôt l'âpre générosité de ces habitants, îliens des côtes ou des plateaux, si bien montrés dans un film aujourd'hui un peu oublié: Padre Padrone, des frères Taviani (1977), d'après le roman de Gavino Leddda.
Mal de pierres n'est pas un mauvais livre, il se lit même avec plaisir. Mais il en existe tant d'autres comme lui et je suis en manque, en littérature, d'un coup de poing au ventre, d'une émotion si forte qu'elle me cloue au fauteuil ou au lit jusqu'au livre fini. Il y a, hélas, bien longtemps que je n'ai plus ressenti quelque chose d'aussi fort.
Le texte de fiction est suivi d'une postface intitulée Comme une funambule. C''est de ces quelques pages que j'extrais les lignes suivantes, où je me reconnais assez:
Avant, j'écrivais des nouvelles, et maintenant des romans. De plus en plus courts. Car j'ai hâte d'arriver à la fin. J'écris comme je mange: j'avale à toute vitesse, et puis je regrette que mon assiette soit vide. Pareil pour les provisions dans le frigo. Mais je n'arrive pas à être patiente. J'aimerais énormément écrire patiemment un long roman.
(Trad. de Dominique Vittoz)
Le livre lui-même n'est pas inintéressant: une petite-fille évoque sa grand-mère et les hommes qui gravitèrent autour de l'aïeule, puis, de façon plus succincte, les figures de sa père et de sa mère. Mais c'est la vieille dame qui l'intéresse, dans ce qu'elle a de fou, de hors-norme, de moderne en elle alors qu'elle vit dans la société très figée de la Sardaigne du début du XX° siècle. Au travers de l'histoire de ces deux générations, on voit se profiler l'histoire d'un pays qui ne parvient toujours pas aujourd'hui à être totalement une nation et la pauvreté de cette île pourtant si belle.
Mais que me restera-t-il de cette lecture dans un mois ou deux? Probablement rien, si ce n'est un peu du plaisir d'avoir vu revivre devant moi quelques images de ces contrées désolées du centre de l'île que nous avions visitée avec Pierre en 81. Moi qui venais de passer plus d'un mois dans l'écrin sublime de l'Ombrie et de la Toscane, j'avais trouvé le contraste rugueux, et la langue tout autant. Pourtant le pays avait fini par l'emporter et par m'intéresser pour ce qu'il était: un endroit où ce n'est pas la richesse artistique qui importe mais bien plutôt l'âpre générosité de ces habitants, îliens des côtes ou des plateaux, si bien montrés dans un film aujourd'hui un peu oublié: Padre Padrone, des frères Taviani (1977), d'après le roman de Gavino Leddda.
Mal de pierres n'est pas un mauvais livre, il se lit même avec plaisir. Mais il en existe tant d'autres comme lui et je suis en manque, en littérature, d'un coup de poing au ventre, d'une émotion si forte qu'elle me cloue au fauteuil ou au lit jusqu'au livre fini. Il y a, hélas, bien longtemps que je n'ai plus ressenti quelque chose d'aussi fort.
Le texte de fiction est suivi d'une postface intitulée Comme une funambule. C''est de ces quelques pages que j'extrais les lignes suivantes, où je me reconnais assez:
Avant, j'écrivais des nouvelles, et maintenant des romans. De plus en plus courts. Car j'ai hâte d'arriver à la fin. J'écris comme je mange: j'avale à toute vitesse, et puis je regrette que mon assiette soit vide. Pareil pour les provisions dans le frigo. Mais je n'arrive pas à être patiente. J'aimerais énormément écrire patiemment un long roman.
(Trad. de Dominique Vittoz)
lundi 2 novembre 2009
Femmes de prix
J'ai entendu tout à l'heure que le prix Goncourt avait, cette année, été attribué à Marie Ndiaye pour son roman Trois Femmes puissantes, publié chez Gallimard.
Je ne connais pas cet auteur (on me pardonnera de rester, pour la langue française, d'un classicisme exacerbé! Je n'ai rien contre la création de nouveaux mots mais, alors, que cette création respecte la langue: disons "auteuse" à ce moment-là, si cela peut en satisfaire quelques-unes, et non pas cette abomination de "auteure"! Pensons aux problèmes d'orthographe à venir de nos enfants, de vos enfants!). Je l'ai entendu dernièrement à la radio présenter justement ce livre, à L'Humeur vagabonde peut-être. J'avais écouté, intéressé par le thème, et je ne suis guère surpris qu'elle obtienne le prix aujourd'hui.
Mais s'il y a quelque chose qui m'exaspère, c'est le commentaire, aux accents triomphalistes de la journaliste, qui a suivi: "C'est la première fois que le lauréat est une femme depuis 1998." Et alors? A-ton entendu, en 1998, un (ou une) journaliste dire, lorsque ce même prix fut raflé par Paule Constant que c'était la deuxième fois en trois ans (Pascale Roze l'avait obtenu en 1996)? Pourquoi n'a-t-elle pas rajouté, pour surenchérir dans l'imbécillité, que c'était pour la première fois (il me semble) une femme d'origine africaine, ou mieux: une femme de couleur?
Je suis très sensible à ce genre de paroles qui, pour moi, sont une manifestation de racisme inversé. Qu'est-ce que cela change à la qualité du roman que son auteur soit un homme ou une femme? Un livre est bon ou il ne l'est pas, quel que soit le sexe de son auteur, il me semble! Que ce sexe ait un impact sur l'écriture ou la façon de raconter, sans doute, mais pas plus important que le vécu de l'écrivain, ses obsessions, ses peurs, son imaginaire personnel. Je sens lorsqu'une écriture est féminine ou masculine, mais cela n'a très souvent rien à voir avec le sexe de celui ou de celle qui écrit: un homme peut avoir une écriture que je trouverai féminine, une femme peut avoir une écriture masculine. Je ne saurais d'ailleurs préciser davantage ce que j'entends par "masculine" ou "féminine": je le ressens à la lecture, c'est tout. Et je n'établis pas de hiérarchie de l'un à l'autre.
Au-delà de ces simples mots, c'est un rapport au monde, à la relation interpersonnelle qui est en cause. A quoi cela sert-il de faire sans cesse la différence entre un homme et une femme, où veut-on aller en les opposant constamment? Je ne nie pas que certains combats féminins aient été utiles et le soient encore aujourd'hui. Mais il ne faut pas se tromper de cible: l'ennemi de la femme, ce n'est pas l'homme. Il faut chercher à transformer une société inégalitaire, pas à abattre l'autre partie de l'humanité.
Personnellement (et je crois l'avoir déjà écrit ici), lorsque je rencontre un être nouveau, peu m'importe (sauf si projet sexuel) que ce soit un homme ou une femme, un gros ou un maigre, un vieux ou un jeune, un noir ou un blanc. Je rencontrerais même un bleu à pois verts, je ne sais pas si je m'en rendrais compte immédiatement tant c'est autre chose qui m'intéresse dans la relation.
Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Karregwenn avait, il y a quelque temps, écrit un billet un peu dans le même sens lors d'une rencontre avec des femmes écrivains bretonnes, il me semble. Sur cet écran même, nous nouons des liens, par blogs interposés, sans avoir la plupart du temps la moindre idée de l'apparence physique de l'autre: c'est ce qui est écrit qui nous retient ou pas et nous fait revenir à cette adresse. Et les pseudonymes aident à effacer la différence des sexes: comment savoir d'entrée de jeu si KarregWenn est un pseudo de femme et Karagar un pseudo d'homme? Que veulent dire ces mots de nous inconnus? Est-ce pour eux que nous lisons ou parce que, quelque part, ce qui est écrit nous touche?
Tiens,par exemple, qui vous dit que Calyste n'est pas une femme peau rouge? Qui? Son blog ne s'intitule-t-il pas Potomac, nom indien d'un fleuve d'Amérique du nord? Bien sûr, Lancelot l'a vu en chair et en os mais qu'est-ce que cela prouve? Il peut mentir, ou être lui-même une femme! Franchement, on n'en a rien à faire. Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'autre, mot qui convient aussi bien au masculin qu'au féminin.
Je ne connais pas cet auteur (on me pardonnera de rester, pour la langue française, d'un classicisme exacerbé! Je n'ai rien contre la création de nouveaux mots mais, alors, que cette création respecte la langue: disons "auteuse" à ce moment-là, si cela peut en satisfaire quelques-unes, et non pas cette abomination de "auteure"! Pensons aux problèmes d'orthographe à venir de nos enfants, de vos enfants!). Je l'ai entendu dernièrement à la radio présenter justement ce livre, à L'Humeur vagabonde peut-être. J'avais écouté, intéressé par le thème, et je ne suis guère surpris qu'elle obtienne le prix aujourd'hui.
Mais s'il y a quelque chose qui m'exaspère, c'est le commentaire, aux accents triomphalistes de la journaliste, qui a suivi: "C'est la première fois que le lauréat est une femme depuis 1998." Et alors? A-ton entendu, en 1998, un (ou une) journaliste dire, lorsque ce même prix fut raflé par Paule Constant que c'était la deuxième fois en trois ans (Pascale Roze l'avait obtenu en 1996)? Pourquoi n'a-t-elle pas rajouté, pour surenchérir dans l'imbécillité, que c'était pour la première fois (il me semble) une femme d'origine africaine, ou mieux: une femme de couleur?
Je suis très sensible à ce genre de paroles qui, pour moi, sont une manifestation de racisme inversé. Qu'est-ce que cela change à la qualité du roman que son auteur soit un homme ou une femme? Un livre est bon ou il ne l'est pas, quel que soit le sexe de son auteur, il me semble! Que ce sexe ait un impact sur l'écriture ou la façon de raconter, sans doute, mais pas plus important que le vécu de l'écrivain, ses obsessions, ses peurs, son imaginaire personnel. Je sens lorsqu'une écriture est féminine ou masculine, mais cela n'a très souvent rien à voir avec le sexe de celui ou de celle qui écrit: un homme peut avoir une écriture que je trouverai féminine, une femme peut avoir une écriture masculine. Je ne saurais d'ailleurs préciser davantage ce que j'entends par "masculine" ou "féminine": je le ressens à la lecture, c'est tout. Et je n'établis pas de hiérarchie de l'un à l'autre.
Au-delà de ces simples mots, c'est un rapport au monde, à la relation interpersonnelle qui est en cause. A quoi cela sert-il de faire sans cesse la différence entre un homme et une femme, où veut-on aller en les opposant constamment? Je ne nie pas que certains combats féminins aient été utiles et le soient encore aujourd'hui. Mais il ne faut pas se tromper de cible: l'ennemi de la femme, ce n'est pas l'homme. Il faut chercher à transformer une société inégalitaire, pas à abattre l'autre partie de l'humanité.
Personnellement (et je crois l'avoir déjà écrit ici), lorsque je rencontre un être nouveau, peu m'importe (sauf si projet sexuel) que ce soit un homme ou une femme, un gros ou un maigre, un vieux ou un jeune, un noir ou un blanc. Je rencontrerais même un bleu à pois verts, je ne sais pas si je m'en rendrais compte immédiatement tant c'est autre chose qui m'intéresse dans la relation.
Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Karregwenn avait, il y a quelque temps, écrit un billet un peu dans le même sens lors d'une rencontre avec des femmes écrivains bretonnes, il me semble. Sur cet écran même, nous nouons des liens, par blogs interposés, sans avoir la plupart du temps la moindre idée de l'apparence physique de l'autre: c'est ce qui est écrit qui nous retient ou pas et nous fait revenir à cette adresse. Et les pseudonymes aident à effacer la différence des sexes: comment savoir d'entrée de jeu si KarregWenn est un pseudo de femme et Karagar un pseudo d'homme? Que veulent dire ces mots de nous inconnus? Est-ce pour eux que nous lisons ou parce que, quelque part, ce qui est écrit nous touche?
Tiens,par exemple, qui vous dit que Calyste n'est pas une femme peau rouge? Qui? Son blog ne s'intitule-t-il pas Potomac, nom indien d'un fleuve d'Amérique du nord? Bien sûr, Lancelot l'a vu en chair et en os mais qu'est-ce que cela prouve? Il peut mentir, ou être lui-même une femme! Franchement, on n'en a rien à faire. Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'autre, mot qui convient aussi bien au masculin qu'au féminin.
La fille à la voix d'or
Je dois dire que voir Marie Laforêt dans le rôle de Maria Callas ne m'enchantait pas. J'aime beaucoup Marie Laforêt comme chanteuse de variétés, je la trouve très belle dans le film Plein Soleil (avec Delon et Ronet!) mais de là à l'imaginer en diva finissante donnant des cours de chant à des élèves subjugués, il y a un pas que je ne pensais pas franchir. Je dois aussi préciser que Callas est, avec Ferrier et Deller, dans des registres différents bien sûr, une de mes voix préférée, une de celles, rares, qui me transpercent.
Eh bien mes craintes étaient vaines. J'ai eu très peur pendant les dix premières minutes: j'avais en face de moi Marie Laforêt, même avec des lunettes noires, et pas La Diva absolue. Je trouvais l'actrice hésitante, froide, pas lancée ni dans son texte ni dans son rôle. Et puis, très vite ensuite la magie a opéré, si bien parfois que l'on oubliait que l'on n'était pas sur la scène de la Scala ou à l'opéra Garnier. Marie Laforêt a un "abattage" extraordinaire (et toujours de très beaux yeux!). Elle fait vivre de façon intense ces trois leçons de chants données à un ténor un peu infatué de lui-même et deux soprani dont l'une, pour finir, lui crachera sa haine au visage avant de claquer la porte.
Puis la lumière devenait rare sur la scène, la voix sublime de Callas se superposait à celle de Laforêt évoquant l'enfance de Maria, sa pauvreté, ses rondeurs mais aussi sa rage de vaincre, de parvenir à la célébrité, ses cours chez Elvira de Hildago. Évocation aussi de ses amours et de ses mariages qui, hélas, n'ont jamais coïncidé, de la vulgarité d'Ari, l'armateur Aristote Onassis qu'elle aimait follement et qui finit par l'abandonner.
Le plus fascinant est, à mon avis, l'intelligence du texte: pendant plus de deux heures, on écoute des conseils d'une professionnelle du chant à de jeunes artistes débutants et jamais on ne s'ennuie. Les répliques sont souvent émaillées de beaucoup d'humour mais bien souvent elles provoquent une grande émotion face à la souffrance de cette femme si profondément humaine, dans ses qualités comme dans ses défauts. Il y a bien longtemps que je n'étais pas retourné au théâtre. Ce soir, je n'y ai pas boudé mon plaisir!
dimanche 1 novembre 2009
Making-of et la suite
Soleil de Toussaint. Dans la cour, les fenêtres s'ouvrent un peu, une des dernières fois. On met encore à sécher un torchon ou de lourds draps blancs. L'atmosphère est comme endormie. Un jour de fête, de tous les saints. Pierre, Paul, Jacques, Juliette, Amandine. Et Marie-Luce, pourquoi pas Marie-Luce qui a occupé mes soirées une semaine presque entière?
Je n'ai pas dit le plaisir que j'ai trouvé à écrire cette histoire un peu loufoque, sorte de conte moderne romantico-acide. Plaisir de me mettre en danger, d'abord, car je ne savais rien du scénario d'un jour sur l'autre, d'une phrase à l'autre. Je m'asseyais et ça venait. En tapant le traditionnel "à suivre", j'espérais simplement que le lendemain ne serait pas stérile, sans en être totalement certain.
Plaisir ensuite de me jouer des lecteurs, comme le chat qui chahute la souris avant le coup de patte final. Quand j'ai compris que certains mordaient à l'hameçon, j'ai éprouvé comme une joie un peu sadique (bien que l'adjectif soit trop fort) à faire traîner les choses, à m'étendre plus qu'il n'aurait fallu sur le dégoût de Marie-Luce face au crapaud, à accentuer les interrogations sur le prénom du prince, à entretenir le doute sur la réponse à la question principale: le batracien se transformerait-il en Prince Charmant?
Lancelot, un de mes exégètes assidus, relève une légère incohérence dans la conclusion de ce conte et m'en fait part dans un long commentaire. L'idée ne m'en était pas venue, mais il a raison: si la bague est découverte sur le bord de la route, alors c'est que le Prince s'était finalement décidé à apparaître. Mais dans ce cas, comment expliquer que le conducteur du bus ait pu l'écraser sans le voir devant lui et surtout comment est-il possible que ce soit une peau de grenouille que l'on trouve aplatie sur la route? Je m'en tirerais par une belle pirouette, en disant que dans un conte, tout est possible, même l'impossible: a-t-on reproché aux frères Grimm de rajouter, à la fin du Petit Chaperon Rouge, le personnage du bûcheron (ou du chasseur, je ne me souviens plus très bien) qui n'existe pas chez Perrault et qui ouvre le ventre du loup pour en sortir intactes l'enfant désobéissante et sa fragile grand-mère? Et Chronos, que Zeus, le petit dernier, oblige à recracher ses cinq frères et sœurs, eux aussi intacts, alors que l'estomac divin aurait dû les avoir digérés depuis belle lurette? Alors? Pourquoi pas moi?
Le même Lancelot suggère une suite à l'histoire: les amours agrestes du Prince et du paysan, une sorte de Maurice exilé d'une plus fameuses universités anglaises pour batifoler dans les meules de foin de la Beauce ou les champs de maïs de la plaine de l'Ain. D'accord, mais je propose que ce soit lui qui s'y colle! N'a-t-il pas, il y a de cela de nombreuses semaines, promis un soir dans son blog de nous régaler avec une nouvelle érotique? S'il le faut, je rechercherai le jour exact de cette promesse. Alors, il est temps de la tenir, preux chevalier. De tenir la promesse, veux-je dire bien sûr! Il me plairait assez, et je suis sûr que ce n'est pas Karregwenn qui dira le contraire, de vibrer aux évocations lascives et aux dialogues pleins de fougue et de désirs entre un rustre s'ouvrant à la concupiscence et un prince à jamais adonné au stupre et à la fornication, car, vous l'avez sans doute remarqué, l'un ne va jamais sans l'autre, au moins dans l'expression consacrée .
Alors, promis. Juste après la fin de l'histoire inter galactique déjà amorcée? Bon, d'accord. Nous nous préparons donc à vibrer. Mais ne nous fais pas trop attendre, car, même si comme l'écrivait, paraît-il, Corneille: "Le désir s'accroît quand l'effet se recule", on ne peut éternellement entretenir une turgescence, pardon un désir à assouvir, au chaud!
PS: le contenu de ce billet a complètement dérapé après les premières phrases. Je n'avais pas du tout l'intention d'écrire sur ce que je viens d'écrire. Ah! Muse! Que de surprises tu nous réserves!
Je n'ai pas dit le plaisir que j'ai trouvé à écrire cette histoire un peu loufoque, sorte de conte moderne romantico-acide. Plaisir de me mettre en danger, d'abord, car je ne savais rien du scénario d'un jour sur l'autre, d'une phrase à l'autre. Je m'asseyais et ça venait. En tapant le traditionnel "à suivre", j'espérais simplement que le lendemain ne serait pas stérile, sans en être totalement certain.
Plaisir ensuite de me jouer des lecteurs, comme le chat qui chahute la souris avant le coup de patte final. Quand j'ai compris que certains mordaient à l'hameçon, j'ai éprouvé comme une joie un peu sadique (bien que l'adjectif soit trop fort) à faire traîner les choses, à m'étendre plus qu'il n'aurait fallu sur le dégoût de Marie-Luce face au crapaud, à accentuer les interrogations sur le prénom du prince, à entretenir le doute sur la réponse à la question principale: le batracien se transformerait-il en Prince Charmant?
Lancelot, un de mes exégètes assidus, relève une légère incohérence dans la conclusion de ce conte et m'en fait part dans un long commentaire. L'idée ne m'en était pas venue, mais il a raison: si la bague est découverte sur le bord de la route, alors c'est que le Prince s'était finalement décidé à apparaître. Mais dans ce cas, comment expliquer que le conducteur du bus ait pu l'écraser sans le voir devant lui et surtout comment est-il possible que ce soit une peau de grenouille que l'on trouve aplatie sur la route? Je m'en tirerais par une belle pirouette, en disant que dans un conte, tout est possible, même l'impossible: a-t-on reproché aux frères Grimm de rajouter, à la fin du Petit Chaperon Rouge, le personnage du bûcheron (ou du chasseur, je ne me souviens plus très bien) qui n'existe pas chez Perrault et qui ouvre le ventre du loup pour en sortir intactes l'enfant désobéissante et sa fragile grand-mère? Et Chronos, que Zeus, le petit dernier, oblige à recracher ses cinq frères et sœurs, eux aussi intacts, alors que l'estomac divin aurait dû les avoir digérés depuis belle lurette? Alors? Pourquoi pas moi?
Le même Lancelot suggère une suite à l'histoire: les amours agrestes du Prince et du paysan, une sorte de Maurice exilé d'une plus fameuses universités anglaises pour batifoler dans les meules de foin de la Beauce ou les champs de maïs de la plaine de l'Ain. D'accord, mais je propose que ce soit lui qui s'y colle! N'a-t-il pas, il y a de cela de nombreuses semaines, promis un soir dans son blog de nous régaler avec une nouvelle érotique? S'il le faut, je rechercherai le jour exact de cette promesse. Alors, il est temps de la tenir, preux chevalier. De tenir la promesse, veux-je dire bien sûr! Il me plairait assez, et je suis sûr que ce n'est pas Karregwenn qui dira le contraire, de vibrer aux évocations lascives et aux dialogues pleins de fougue et de désirs entre un rustre s'ouvrant à la concupiscence et un prince à jamais adonné au stupre et à la fornication, car, vous l'avez sans doute remarqué, l'un ne va jamais sans l'autre, au moins dans l'expression consacrée .
Alors, promis. Juste après la fin de l'histoire inter galactique déjà amorcée? Bon, d'accord. Nous nous préparons donc à vibrer. Mais ne nous fais pas trop attendre, car, même si comme l'écrivait, paraît-il, Corneille: "Le désir s'accroît quand l'effet se recule", on ne peut éternellement entretenir une turgescence, pardon un désir à assouvir, au chaud!
PS: le contenu de ce billet a complètement dérapé après les premières phrases. Je n'avais pas du tout l'intention d'écrire sur ce que je viens d'écrire. Ah! Muse! Que de surprises tu nous réserves!
samedi 31 octobre 2009
Comment dire?
Comment dire à quelqu'un qu'il vous a touché, profondément par ses mots, par les clins d'œil délicats, les situations évoquées dans son écrit, par tout ce qu'il a compris sans qu'il soit besoin du langage. Comment le dire sans paraître mièvre ou sentimental?
Comment dire à quelqu'un qu'il vous a touché par le plaisir évident qu'il avait à manger votre premier gratin de pommes de terre et votre premier rôti de porc, parce qu'on a trouvé ce repas excellent et que vous aviez peur de ne pas être à la hauteur? Comment le dire sans paraître prétentieux ou quémandeur de compliments?
Comment dire qu'un coup de téléphone juste pour un salut, un bonsoir plein de sourire, une main agitée depuis la rue, quelques mots vrais que rythme le souffle dans l'effort, vous émeuvent par le goût unique qu'ont les choses simples?
Comment dire merci pour une invitation au voyage, au restaurant, sur les tombes de gens inconnus mais qui comptent pour les autres, pour l'acceptation d'une famille face à un étranger, pour la gentillesse d'une nièce? Comment le dire simplement, sans cérémonie parce qu'on veut que les autres le sachent?
Qu'il est donc difficile de dire que l'on est bien! Comme les mots viennent plus facilement pour parler du malheur ou de la peine! Je me retrouve seul ce soir dans mon appartement, à mon bureau, face à l'écran éclairé, avec, dans le coin de l'œil gauche, une photo encadrée de quelqu'un qui me sourit, dont le sourire ne me quitte plus depuis quatre ans. Je suis bien. Les jours passés, aujourd'hui encore, ont été riches de rencontres, d'échanges, d'enrichissement d'amitiés établies. J'étais bien. Je tenais à le dire, à tous et à moi-même. La vie, c'est beau.
Comment dire à quelqu'un qu'il vous a touché par le plaisir évident qu'il avait à manger votre premier gratin de pommes de terre et votre premier rôti de porc, parce qu'on a trouvé ce repas excellent et que vous aviez peur de ne pas être à la hauteur? Comment le dire sans paraître prétentieux ou quémandeur de compliments?
Comment dire qu'un coup de téléphone juste pour un salut, un bonsoir plein de sourire, une main agitée depuis la rue, quelques mots vrais que rythme le souffle dans l'effort, vous émeuvent par le goût unique qu'ont les choses simples?
Comment dire merci pour une invitation au voyage, au restaurant, sur les tombes de gens inconnus mais qui comptent pour les autres, pour l'acceptation d'une famille face à un étranger, pour la gentillesse d'une nièce? Comment le dire simplement, sans cérémonie parce qu'on veut que les autres le sachent?
Qu'il est donc difficile de dire que l'on est bien! Comme les mots viennent plus facilement pour parler du malheur ou de la peine! Je me retrouve seul ce soir dans mon appartement, à mon bureau, face à l'écran éclairé, avec, dans le coin de l'œil gauche, une photo encadrée de quelqu'un qui me sourit, dont le sourire ne me quitte plus depuis quatre ans. Je suis bien. Les jours passés, aujourd'hui encore, ont été riches de rencontres, d'échanges, d'enrichissement d'amitiés établies. J'étais bien. Je tenais à le dire, à tous et à moi-même. La vie, c'est beau.
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