Il y a quelques années, dans la rue, j'ai senti le parfum qu'avait l'habitude de mettre une de mes institutrices. Je n'ai jamais su ce que c'était. Un parfum légèrement musqué dont ses habits étaient imprégnés. Le visage de cette femme m'est revenu (je devais avoir six ou set ans), de même que la salle de classe dans cette cabane tout près d'un crassier. Tout au fond, le seau d'eau pour se laver les mains et celui de l'eau à boire. Peut-être nous rompions-nous parfois ... Aujourd'hui, ce parfum ne doit plus être en vente, car je ne l'ai plus jamais senti.
Une autre odeur qui me fait chaque rêver, l'est celle du sui n des moutons. J'aimais, avant qu'il ne soit tondus, fourrer mon visage dans la laine et respirer longuement cette chaleur. Là, me reviennent le pré de ma grand-mère, avec sa boutasse et son puits tout en bas, le crassier que le bornait, les chélidoines et leur suc jaune que s'échappait lorsqu'on en brisait la tige, et, bien sûr, les livres que j'emportais, cachés dans mon pantalon, et que je lisais lorsque j'étais hors de vue de mon père. Je me souviens en particulier des Enfants du Capitaine Grant.
L'autre odeur est plus récente : celle de la salle de clase où j'enseignais. A la fin des grandes vacances, alors qu'elle était encore vide, j'y entrais par plaisir. Malgré les produits d'entretien de celui qui l'avait nettoyée, j'arrivais encore à y percevoir, subtile, l'odeur de la craie et du tableau noir que je n'ai jamais voulu échanger pour un autre tableau plus "moderne". Alors me revenaient les frimousses des élèves de l'année précédente, la place de chacun, décidée par moi, les raclements des chaises sur le carrelage et la sonnerie stridente qui annonçait la fin du cours. Et le brouhaha de ceux qu'on libérait.
Et je ne peux sentir les roses (hélas, elles ne sentent plus guère) sans me revoir, enfant, sous la tonnelle au fond de notre jardin. Elle était couverte de vieilles roses foisonnantes que butinaient les insectes au plus fort de l'été. Quand j'étais en vacances et qu'on ne m'avait pas attribué d'une tâche, le m'y installais sur un banc de fonte un peu bancal et me plongeais dans la lecture. Ici, c'est Les Trois Mousquetaires qui remonte. Et puis, en face de moi, il y avait le vieil acacia sur lequel il était interdit de monter pour ne pas se blesser, et, lorsque j'en avais assez des roses, je m'en rapprochais pour m'enivrer du parfum de ses fleurs. Un jour, je me suis même endormi à son ombre et je suis rentré à la maison d'un pas d'homme saoul.
Ma jeunesse est passé depuis longtemps mais, en évoquant tout cela, comme je me sens jeune ...
2 commentaires:
Je pense que sans y être insensible, les odeurs me touchent quand même bien moins que ça.
Et sinon, boutasse, nom bien connu de moi, mais totalement inconnu de pas mal de régions !
Pour moi c'est l'odeur des escaliers et planchers lavés à l'eau de Javel mélée à celle du sable, le mélange gazole / poisson quand T était encore un port de pêche, le parfum du linge savonné mis sur l'herbe à blanchir, les mûres macérant dans le sucre...De la banlieue aucun souvenir olfactif vraiment resté, curieux, n'est-il pas ? 🤔
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