vendredi 12 février 2021

Le Geste auguste du semeur

Saison des semailles le soir.

C'est le moment crépusculaire.
J'admire, assis sous un portail,
Ce reste de jour dont s'éclaire
La dernière heure du travail.

Dans les terres, de nuit baignées,
Je contemple, ému, les haillons
D'un vieillard qui jette à poignées
La moisson future aux sillons.

Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.

Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin,
Rouvre sa main, et recommence,
Et je médite, obscur témoin,

Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.

(Les Chansons des rues et des bois)

4 commentaires:

Cornus a dit…

Le geste auguste du semeur, en partie l'image que ma mère a longtemps eu de son père. Je pense que cela devait être à voir... comme lorsqu'il fauchait les prés les plus en pente avec son immense faux. Moi, cela m'émeut d'y penser d'autant ces gestes n'existent plus. Les reconstitutions folkloriques ne parviennent pas à reconstituer la chose : gestes maladroits. Il faut se faire une raison, cela n'existe plus.

Calyste a dit…

Cornus : chez nous, tous les prés étaient en pente et je revois mon père avec sa faux travailler toute la journée, en "marcel", tout couvert de sueur. Ce qui me plaisait beaucoup, c'était la pierre à aiguiser, noire, et son étui en fer accroché à la ceinture. Et puis les odeurs !

Cornus a dit…

Calyste> Tous les prés étaient en pente aussi chez mes grands-parents, mais certains l'étaient de manière épouvantable, rendant impossible le passage d'une faucheuse à sections tirée par des bœufs ou le cheval. Et le plus souvent, il travaillait seul. Je n'ai jamais vu mon grand-père manier sa grande faux, mais uniquement la "normale" pour couper de l'herbe pour les lapins. La pierre à aiguiser, oui... et mon grand-père était un maniaque de l'affutage. Moi, ce qui m'a le plus marqué, c'est quand il battait sa faux sur une enclume spéciale.

Calyste a dit…

Cornus : oui, je me souviens de l'enclume aussi. Et puis de la bouteille d'eau dans le ruisseau pour la conserver fraîche, et des séries de cabrioles dans la grange pour tasser le foin, et des parties de cache-cache toujours dans le foin...