Ou comme un coup de poing dans l'estomac hier soir en découvrant la vidéo que ma sœur avait trouvée par hasard sur Internet.
Un retour de près de quarante ans dans le temps. J'allais souvent, à l'époque, en vacances en Corse. Le frère de Pierre y habitait avec sa femme d'origine insulaire. J'y ai vu naître leurs deux enfants, le garçon d'abord, la fille après. Je me sentais bien avec eux et Éliane, la grand-mère, tantôt en ville, tantôt au village même si, un jour, j'avais découvert un scorpion qui logeait dans le faux plafond au-dessus de mon lit.
La belle-sœur de Pierre était prof de danse. Nous étions très complices. Je la trouvais très belle avec sa taille cambrée et sa façon de se tenir sur ses deux pieds élégamment écartés, dans la pose d'une danseuse, toujours. J'aimais ses éclats de rire et son visage soudain redevenu sévère. Aucune ambiguïté dans tout cela. Mais son mari ne le vivait pas ainsi et j'en fis un jour les frais. Suite à une colère aussi idiote que soudaine de sa part, je ne remis plus les pieds en Corse.
Ils divorcèrent bientôt. Elle, je ne la revis jamais. Lui quelques années seulement après la mort de Pierre. Puis le silence. Leur fille a pris le large avec moi, elle aussi. Seul le fils m'appelle régulièrement, une fois par an. Il est devenu un homme formidable, et fidèle.
Sue cette vidéo, j'ai revu le studio de danse, en ville, la maison du village avec son balcon donnant sur la petite place où les vieilles s'asseyaient sur une chaise, le soir, pour parler de la journée ou de leurs souvenirs, la cheminée de la salle, près de la porte d'entrée, avec ses sentons sur la tablette, le clocher de l'église qui se détachait sur le ciel à la tombée du soir. Rien n'a changé. J'ai cru même, à un moment, ressentir l'odeur du maquis et entendre le vieil âne qui me saluait à chaque passage de son braiment rauque et chaleureux. C'était l'âne du berger, je crois.
Le fils a fait cette vidéo professionnelle où il pose des questions à sa mère, où il confie parfois aussi ses manques et ses interrogations. Et les voir tous les deux, elle vieillie (elle a mon âge) mais toujours gracile, lui devenu un bel homme à la recherche de son identité. De l'émotion, du bonheur, du regret, de la nostalgie, je ne sait pas ce qui a pris le dessus hier soir.
vendredi 26 avril 2019
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2 commentaires:
Le regret m'étonnerait fort. Ce n'est pas vraiment ton genre, non? La nostalgie pas trop non plus. Sans doute un mélange de tristesse de ce qui n'est plus avec la joie se retrouver des souvenirs que tu aimais et la joie des sens qui remontent à la surface des de ces souvenirs.
... désolé de faire mon psy ;-) mais J'ai eu l'impression de "voir" ces images.
Jérôme : Si, regret d'avoir laissé le silence s'installer entre nous. Mais tu as raison, je suis un nostalgique qui va de l'avant (enfin, j'essaie).
Mes images internes revenaient au fur et à mesure de la vidéo. J'ai même, en allant me coucher, retrouver le nom du berger : il s'appelait Baptiste.
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