jugements des autres ne s'accordent pas avec les miens et que je les ai trouvés le plus souvent faux, je ne regrette pas ma peine : j'ai appris que ce qu'on disait n'y est pas.
J'ai une constitution physique qui se plie à tout et un gout qui accepte tout, autant qu'homme au monde. La diversité des usages d'un peuple à l'autre ne m'affecte que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison [d'être]. (...) Quand je me suis trouvé ailleurs qu'en France et que, pour me faire une politesse, on m'a demandé si je voulais être servi à la française, je
m'en suis moqué et je me suis toujours précipité vers les tables les plus garnies d'étrangers.
J'ai honte de voir nos compatriotes enivrés de cette sotte manie [qui les porte à] s'effaroucher des manières contraires aux leurs: il leur semble qu'ils sont hors de leur élément s'ils sont hors de leur village. Où qu'ils aillent, ils restent attachés à leurs façons [de vivre] et abominent celles des étrangers. Retrouvent-ils un Français en Hongrie ? ils fêtent cette aventure : les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble, à condamner tant de mœurs barbares qu'ils
voient. Pourquoi ne seraient-elles pas barbares puisqu'elles ne sont pas françaises ? Et encore ce sont les plus intelligents qui les ont remarquées, pour en médire. La plupart d'entre eux ne partent en voyage que pour faire le retour. Ils voyagent cachés et renfermés en eux-mêmes, avec une prudence taciturne et peu communicative, en se défendant contre la contagion d'un air inconnu.(...)
Montaigne, Sur la vanité, Les Essais, Livre III, chapitre IX.
3 commentaires:
Bon, si Montaigne et toi acceptez ma compagnie, je suis partante sur cette façon de voyager.
Une indéniable forme de modernité incroyable pour un gars du XVI° s.
Plume : allez vines, je t"emmène ...
Cornus : ce type m'a toujours épaté, au point de faire un long périple juste pour voir sa tour d'ivoire.
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