samedi 28 mars 2020

Lumières

Au réveil, étrangement plus matinal en ces temps particuliers, un rai de lumière filtre à travers les volets entrebâillés.  Il fait beau. Le printemps pointe son nez un peu frais, la vie continue. Première cigarette sur le balcon, le soleil en face, le ciel d'un bleu encore un peu timide. Il monte peu à peu et arrive bientôt sur ma grille de mots croisés, dans la cuisine. Dans la chambre aérée, il s'accroche aux quelques moutons que je balaierai plus tard. Les fenêtres s'ouvrent une à une, ceux qui se réveillent regardent le ciel, comme moi.

A midi, il disparaît au-dessus de l'immeuble : il doit faire beau là-haut, sur la terrasse à l'angle de la rue, où de jeunes voisins sont montés l'autre jour, délogés bientôt par des policiers parce qu'on les avait confondus avec des cambrioleurs. En début d'après-midi, alors que la lumière s'est réfugiée sur le petit jardin, deux fillettes s'en donnent à cœur joie avec leurs trottinettes pendant qu'un étudiant se défoule sur sa corde à sauter.

Début d'après-midi, il pointe son nez à la fenêtre de la rue. Il lui faudra encore un peu de temps avant de venir frôler mon canapé. Je sais que je peux lire et faire la sieste avant qu'il n'atteigne ma corbeille de fruits où les petits morceaux de mosaïque projetteront alors des paillettes de lumière sur le mur derrière moi.

Il est temps de sortir ? Demain peut-être. Aujourd'hui, ce sera sans. Ma joie sera la cigarette à la fenêtre du salon. La pierre est chaude sous mes mains. Personne en bas dans la rue, ni voitures. Pas de bruit. Seuls deux moineaux qui se poursuivent dans l'arbre solitaire en face.
Bientôt il disparaît derrière les toits de l'autre trottoir. Je sais qu'il est en train de se coucher au-delà de la colline de Fourrière. Le Cours Gambetta, dans l'axe, doit encore en être inondé, en sépia.

Et tout à l'heure, alors qu'il aura complètement disparu, les fenêtres de la cour s'ouvriront et des silhouettes sombres apparaîtront pour applaudir, un moment. Et, demain, ce sera la même chose.
Je repense à Proust et à ces belles pages sur la lumière touchant la commode de sa tante Léonie.

2 commentaires:

Cornus a dit…

C'est bien joli ce texte sur la course de la lumière du soleil. Mais non, demain, ce ne sera pas pareil, il y aura des innovations, aussi faibles soient elles.

Calyste a dit…

Cornus : à côté du pssage cité de Proust, c'est du pipi de chat. Tu as raison : aujourd'hui, le ciel est bien différent, en beaucoup moins bien.