mardi 20 mai 2008

Au temps jadis.

Le fait de voir quelque chose changer dans la salle des profs a provoqué chez moi une drôle de réaction, à laquelle je ne m'attendais pas. En fait, cela a cristallisé des sentiments ressentis plus ou moins consciemment depuis quelque temps mais pas suffisamment clairs pour qu'ils puissent être mis en lumière.

Aujourd'hui,les dernières brumes se sont levées. Voilà: je crois que ce lieu qui m'a tenu à coeur pendant presque trois dizaines d'années, où j'ai passé le plus clair de mes journées et parfois une partie de mes nuits, où j'ai eu tant d'émotions, de plaisir et de colères, où j'ai cogité, débattu, controversé, où nous avons tenté de refaire le monde, où des projets sont nés et ont été réalisés, où des amitiés se sont nouées, où des générations d'élèves ont dû se plier à mes habitudes, à ma façon de faire, à mes manies parfois, ce lieu m'est aujourd'hui presque indifférent.

Je ne fais plus partie de la famille. Bien sûr, je n'y vais pas à reculons, mais je n'en attends plus grand chose. Je ne fais que peu l'effort de rencontrer les nouveaux arrivants (alors que, parait-il, j'en ai aidé beaucoup autrefois), les jeunes profs, dans leur grande majorité, m'ennuient: des femmes qui, tôt ou tard, se mettent en congé maternité (et c'est bien leur droit), des mères qui doivent récupérer leur progéniture à la garderie et ainsi ne s'attardent pas une fois la journée terminée, des enseignantes absentes pour un rhume du dernier ou une mauvaise nuit de l'avant-dernier. Et les hommes, ce n'est pas mieux.

D'accord, d'accord. Mais j'ai eu autrefois des collègues qui avaient des enfants, dont les enfants étaient parfois malades, et qui pourtant venaient assurer leurs cours, s'investissaient dans des projets lourds, prenaient le temps, le soir, d'échanger, de parler des élèves, des joies, des ras-le-bol de la journée. Tout cela formait un univers tendre, parfois tendu, mais comme une famille. D'ailleurs, nous mangions nombreux à la cantine à midi. Ensuite, nous nous réunissions dans la salle des profs et nous amusions avec des jeux de société ou des gadgets plus ou moins débiles mais qui nous faisaient rire.

Aujourd'hui, plus de rire, des gens fatigués, qui rouspètent, qui font la gueule et plus rien de cette famille. J'ai gardé quelques amitiés à l'extérieur, d'anciens collègues à la retraite. De ceux que je fréquente aujourd'hui, peu me sont chers et la plupart auront sans doute définitivement disparu de ma vie dans six ou sept ans.

Oui, tout cela fait un peu ancien combattant, de ceux qui disent: c'était tellement mieux à mon époque! Pourtant je ne crois pas être de cette race-là. Je pense qu'effectivement en ce moment le travail n'est plus un plaisir ni une source d'épanouissement personnel, mais un simple moyen de gagner sa vie sans (et ça c'est mon avis personnel) trop forcer ni s'investir avec les autres. L'autre, pourquoi faire? Soyons plus cruel encore: l'élève en tant qu'individu unique existe-t-il encore pour ces néo-enseignants? Pas sûr!

4 commentaires:

Tef69 a dit…

Je reconnais bien dans ton analyse le portrait de certains collègues. Tu m'as devancé dans l'article que je veux faire... Mais le recul du "sage" me sera fort utile.
Ceci dit, ne te presse surtout pas pour prendre ta retraite !!!

Anonyme a dit…

je ressens la même chose ds mon entreprise qui n'a rien a voir avec l'éducation, c'est bien l'argent qui est la motivation première

Anonyme a dit…

Je suis passée (oui, on ne sait jamais, si votre compteur était encore en panne). Dommage, sur mon bref et pas très respectueux commentaire, il n'y a ni air, ni musique. Impossible d'entendre mon humeur badine. Mais non, je n'ai pas "fumé la moquette", juste envie de rire. Pourquoi vous n'avez pas, comme Charly le Prof, un "écrivez moi discrètement". Soupir. Bonsoir cher Calyste.
PS : Chez 69, c'est la classe. On a même droit à une traduction. L'anglaise pas terrible. J'espérais que les commentaires seraient peut-être aussi traduits, et lire enfin Priape à la place de sexe.
Ce soir je suis moqueuse, mais très bienveillante. Je vous embrasse. Promis j'arrête. Je pars.
Je ne me relis pas et je vous laisse le soin de corriger la copie.

Calyste a dit…

Mais chère Anna, j'ai une adresse mails pour ce blog. Ainsi vos soupirs ne seront que par moi connus (Moi aussi, je ris!), si vous le désirez. Pour la copie, ne vous inquiétez pas, un sans fautes. Et merci de m'avoir fait remarquer la traduction chez ce snob de 69. Pffff...