vendredi 12 avril 2019

Un puits sans fond

Je voulais revenir un peu sur les noms de certaines rues lyonnaises, noms qui me plaisent ou me font rêver. Ainsi la rue Jean de Tournes, imprimeur lyonnais du milieu du XVI° siècle. Près de chez moi, il y a aussi la rue Etienne Dolet, autre imprimeur du début XVI° (brulé vif pour "athéisme").

De fil en aiguille, je suis parti sur différents sites où sont référencés les imprimeurs lyonnais, principalement ceux de la Renaissance. Je suis estomaqué par leur nombre, et encore je ne suis pas allé au bout des recherches !

Ainsi, à côté des deux précédents et de Sébastien Gryphe et Barthélémy Buyer (à qui l'on doit la première imprimerie lyonnaise), qui ont également leurs rues, j'ai rencontré des noms moins célèbres, en tout cas moins célébrés, comme François Fradin, Guillaume Rouillé, Macé Bonhomme, Jean Pullon, Jean Frellon, Jacques Roussin, Balthazar Arnoullet, François Juste (dont le père, Aymond Juste, installa la première fonderie de caractères à Lyon), Jean Pillehotte, Horace et Jacques Cardon, Louis Muguet, Jean Molin, Guillaume Testefort, Etienne Brignol, Pierre Roussin, Pierre Gotard, Guichard et Nicolas Jullieron, Louis Tantillon, Jonas Collon, Jean Grand, Claude Larjot.

Je m'arrête là.... pour l'instant. En effet, en 1520, la rue Mercière et les rues voisines abritaient près de 100 ateliers où travaillaient  entre 500 et 600 personnes. A la fin du XV°,  Lyon a produit le tiers des éditions françaises, soit 1140 environ. Au cours des trente premières années du XVI°, les imprimeurs-libraires lyonnais produisent environ 5000 éditions. Sur l'ensemble des éditions d'ouvrages d'avant 1500, Paris et Lyon représentent 80 % de la production, et même 90 % en 1530.

Les nombreux Compagnons imprimeurs (on en compte presque 800 vers le milieu du XVI°) étaient organisés en confrérie dont celle des Griffarins (dont le nom vient peut-être de l'imprimeur Sébastien Gryphe ou, selon d'autres du griffon (emblème de Gryphe) ou d'un vieux mots lyonnais, "golfarins" qui voudrait dire gloutons). Ces Compagnons étaient plus instruits que d'autres corporations car ils devaient connaître le grec et le latin mais vivaient mal, suite à leurs difficiles conditions de travail provoquées par les Maîtres qui employaient, à leur place, des Apprentis sous-payés. Et la ville, en 1529, avait déjà connu, pas seulement chez les Compagnons imprimeurs, la Grande Rebeyne (en lyonnais émeute) à cause du prix trop élevé du blé. Cette révolte se termina par une répression très dure comme celles Canuts : certains meneurs furent pendus, d'autres envoyés aux galères.

Tout un pan de l'histoire de la ville que je connaissais pas et qui me passionne. J'y reviendrai sans doute. Et, après ça, comment voulez-vous que je n'aime pas les livres !

6 commentaires:

Cornus a dit…

Intéressant en effet sacrément impressionnant, je ne me rendais pas compte de l'importance des imprimeries. Et en même temps, c'est logique car on était encore aux débuts de l'imprimerie et il fallait énormément de main d’œuvre, même si on produisait encore bien peu de livres (et d'exemplaires) par rapport à l'heure actuelle.

Calyste a dit…

Cornus : je savais que Lyon était, à l'époque, une des capitales de l'imprimerie, mais à ce point, je n'aurais pas imaginé.

Pipo aka Mamy Grand a dit…

Oui, comme dit Cornus, époustouflant le nombre d'imprimeurs-libraires. Mais à cette époque que mettaient-ils surtout sous presse ? Je veux bien parier que la littérature religieuse était très bien représentée, mais encore ?
A propos des rues n'existe-t-il pas de livre sur les rues de Lyon ? Fin 19e, début 20e, des érudits locaux aimaient écrire sur un tel sujet. Personnellement, je me réjouis que mon grand-père maternel ait acquis "Les rues de Liège" (et on devinera aisément où son exemplaire se trouve aujourd'hui).
Cordialement.

Calyste a dit…

Pipo : bien sûr, mais pas seulement. C'est à Lyon que Rabelais a publié Pantagruel (1535) puis Gargantua (1542) et Le Tiers Livre (1536). Et ce n'est pas pour des livres religieux qu’Étienne Dolet a été condamné et brûlé !!! Il existe de très anciens ouvrages sur les rues de Lyon mais rien de récent, à ma connaissance. Mais je cherche...
Amicalement

Pipo aka Mamy Grand a dit…

Merci pour ta réponse, cher Calyste.
Rabelais ! Alors, au risque de confirmer ma réputation de cuistrerie, je voudrais partager avec toi une surprise que m'a réservée une petite recherche sur le Quodlibet, BWV 524, faite il y a quelques mois. Eh bien, notre vénéré et saint Sébastien Bach connaissait Pantagruel ! Dans le galimatias qu'il a mis en musique pour un mariage, on lit "Pantagruel war ein sehr lustiger Mann" ("Pantagruel était un homme très drôle"). Je ne m'attendais pas à rencontrer le héros de Rabelais en Allemagne centrale au début du 18e siècle. Sources :
https://en.wikipedia.org/wiki/Quodlibet,_BWV_524
http://www.bach-cantatas.com/Texts/BWV524-Fre6.htm
Cordialement.

Calyste a dit…

Pipo : je suis allé sur les sites, mais j'ai du mal à trouver. Je réessaierai demain. En tout cas, c'est une belle (à tous les sens du mot) surprise pour moi aussi. Merci.
De plus,il semble que je t'ai dit une bêtise : c'est plutôt le Quart livre et non le Tiers qui aurait été publié à Lyon. Là aussi, je vais approfondir.