Il est toutefois possible que ce nom désigne un commanditaire ou une personnalité locale impliquée dans la mise en œuvre de l’édifice. Dans ce cas, le nom du maître du tympan resterait inconnu. C'est la thèse défendue par plusieurs chercheurs, dont Linda Seidel qui se livre à une analyse de la signification que le Moyen Âge donne à la commémoration du nom. Elle conclut que l’inscription " Gislebertus Hoc Fecit " renvoie sans doute à un important personnage engagé dans la mise en valeur des reliques de saint Lazare, reliques pour lesquelles la cathédrale a été construite.Selon elle, Gislebertus, ou Gilbert, était en fait un noble local ayant vécu bien avant l’édification de la cathédrale saint Lazare. D'après elle, il aurait été comte d’Avallon, comte de Chalon (vers 938), comte d'Autun (vers 942) et enfin comte principal des Bourguignons (de 952 à 956)5. Elle lui attribue, sans le définir vraiment, un rôle dans l’acquisition des reliques de saint Lazare.
Selon Pierre Alain Mariaux, professeur ordinaire d’histoire de l’art du Moyen Âge et de muséologie, cette hypothèse est plausible. Il y apporte cependant quelques nuances. Se fondant sur le Corpus des inscriptions de la France médiévale, il constate que les signatures d’artistes, si elles sont rares au Moyen Âge, sont quand même bien présentes et connaissent même une forte progression à la fin du XIe siècle. Mais, en général, l’artiste signe " Me fecit ", plutôt que "Hoc fecit " qui est surtout utilisé pour les commanditaires et donateurs. Cette observation semble donc accréditer la thèse de Linda Seidel, qui voit en Gislebertus un donateur ancien dont on a voulu honorer l'histoire et la mémoire.
Toutefois, Pierre Alain Mariaux remarque que dans certains cas, "Hoc fecit " pourrait aussi désigner l’artiste. Il n’exclut donc pas que Gislebertus soit bien le nom du sculpteur du tympan de la cathédrale saint-Lazare, et qu'il aurait gravé " Hoc fecit " en raison de l’ampleur du travail réalisé par lui. Mariaux précise : « Dès lors, en modifiant une formule consacrée (hoc fecit à la place de l’habituel me fecit), le sculpteur Gislebertus montrerait, une fois le travail accompli, une fierté légitime, justifiée par l’ampleur de la tâche.
(On lui attribue aussi la sculpture du linteau qui figurait sur un portail latéral (aujourd'hui au musée Rolin) : la Tentation d'Eve (vers 1130).
4 commentaires:
C'est la première fois que j'entends parler de ces thèses alternatives. Enfin, cela ne change rien à l'intérêt de la sculpture. Et sinon, j'ai entendu dire que la salle capitulaire ne rouvrirait que dans un an. Autrefois, c'était accessible depuis la chapelle devant laquelle se trouve Pierre Jeannin et sa femme (dont les sculptures ont changé de niches - on le voit bien sur la vidéo).
Cornus : j'ai appris la différence entre "hoc fecit" et "me fecit", que je ne connaissais pas.
Heureusement, j'avais déjà visiter la salle capitulaire mais j'ai été déçu pour ma sœur qui ne la connait pas.
N'oublions pas que le premier architecte mentionné est Robert de Luzarches, l'un des concepteurs de la cathédrale d'Amiens, excusez du peu. Bref, il faut attendre ce paroxysme architectural pour que l'architecte soit nommé. Les prédécesseurs appartenaient déjà forcément à l'élite intellectuelle de la société, mais ce silence sur leur identité est troublant et intéressant...
Karagar : on n'oublie pas !
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