mercredi 20 juillet 2022

Brise marine

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. 

Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres 

D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! 

Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux 

Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe 

Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe 

Sur le vide papier que la blancheur défend 

Et ni la jeune femme allaitant son enfant. 

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture, 

Lève l’ancre pour une exotique nature ! 

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs, 

Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs ! 

Et, peut-être, les mâts, invitant les orages, 

Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages 

Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots … 

Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

  Stéphane Mallarmé (1842-1898)
Œuvres Poétiques I

2 commentaires:

Cornus a dit…

Ah, cela faisait longtemps que je n'avais pas lu ou entendu parler de cet auteur.

Calyste a dit…

Cornus : il est sans doute un peu oublié aujourd'hui mais le premier vers de ce poème est très connu.