lundi 28 juillet 2008

Train de nuit pour Lisbonne.

Un train un peu lent, à mon avis, comme tous les trains de nuit, d'ailleurs. Le roman de Pascal Mercier est, à ce détail près, fort intéressant.

Un professeur de lettres classiques de Berne, le modèle du genre (je sais de quoi je parle!), sérieux et immensément cultivé mais réfractaire au monde moderne, empêche une femme de se suicider en se jetant d'un pont. Cet élément profondément modificateur dans sa vie va l'emmener au Portugal, à Lisbonne, sur les traces d'un médecin mort trente ans plus tôt mais qui a semé les lieux où il a vécu d'écrits sur sur sa vie ou de pensées sur la mort, la confiance, la loyauté, et dont les amis ou la famille encore en vie aideront à reconstituer le portrait en même temps que l'énigme.

Bien sûr, au fur et à mesure de l'évolution de sa quête, le professeur quinquagénaire verra en filigrane apparaître son propre portrait, celui qu'il est réellement une fois ôté tout le vernis social et culturel.

Tout cela fort bien écrit, mais en 500 pages. Je ne sais d'ailleurs pas comment l'auteur aurait pu faire moins, tant son propos est vaste, puisqu'on se promène aussi dans les langues grecque, latine et hébraïque, et, de façon plus contemporaine, dans le Portugais, le Français et le patois bernois.

Sur mille expériences que nous faisons, nous en traduisons tout au plus une par des mots, et même celle-là simplement par hasard et sans le soin qu'elle mériterait. Parmi toutes les expériences muettes sont cachées celles qui donnent secrètement à notre vie sa forme, sa couleur et sa mélodie. Si ensuite, en archéologue de l'âme, nous nous tournons vers ses trésors, nous découvrons à quel point ils sont déconcertants. L'objet de l'observation refuse de s'immobiliser, les mots glissent le long du vécu et à la fin il ne reste sur le papier que des contradictions. Longtemps, j'ai cru que c'était un manque qu'il fallait pallier. Aujourd'hui, je pense qu'il en va autrement: que la reconnaissance du désarroi est la voie royale qui mène à la compréhension de ces expériences familières et pourtant énigmatiques. Cela paraît étrange et même bizarre, je sais. Mais depuis que je l'ai compris, j'ai le sentiment d'être pour la première fois vraiment éveillé et en vie.
(Trad. de Nicole Casanova.)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et c'est ainsi que d'archéologue de l'âme on passe à arpenteur de l'âme.

Calyste a dit…

Si ce petit arpent est celui du Bon Dieu....