Ben voyons!

Je prends ce soir connaissance, par le biais du dernier billet du Chasse-clou, d'une affaire remontant à novembre dernier et révélée plus récemment par NouvelObs.com.

Une enseignante de CM1 ayant demandé à ses élèves de collecter des photos et des images pour illustrer des sentiments comme la colère, la joie, la peur, la fatigue, aurait affiché ces photos dans l'école, dans un lieu non public. Or, un parent d'élève n'aurait rien trouvé de mieux que d'écrire à l'Elysée pour dénoncer une atteinte à l'image du chef de l'Etat. Pourquoi? Parce qu'un des enfants, sans doute en toute innocence, avait fourni une photo de Nicolas Sarkozy pour illustrer.... la méchanceté. C'est vrai: la photo choisie, que l'on peut voir dans le billet du Chasse-clou, n'a rien pour attirer les petits enfants sur les genoux du monsieur.

Je ne veux pas polémiquer là-dessus. Ce qui m'intéresse tout autant, c'est la réaction de l'inspecteur de l'Académie Midi-Pyrénées. Je cite Nouvelobs. com qui semble citer l'inspecteur: "L'enseignante aurait dû être plus attentive à l'utilisation de ces images (...) Elle aurait dû profiter de l'occasion pour faire une leçon d'instruction civique pour expliquer la démocratie et le rôle du président de la République et des personnalités du monde politique."

Et c'est là que je dis: ben voyons! D'abord, un enseignant n'a, me semble-t-il, aucune leçon à faire sur "des personnalités du monde politique". La personnalité, on s'en fout. Ce qui compte, c'est le rôle, la fonction, la charge. Ministre, ça veut dire serviteur, ne l'oublions pas. Tout le reste est littérature pipeule et compagnie.

D'autre part, en voilà encore un pour dire à un enseignant ce qu'il a à faire. Remarquez, en tant qu'inspecteur, c'est un peu son rôle tout de même. Mais aux autres, à tous ceux qui n'arrêtent pas de taper sur l'éducation, sur les enseignants, les sommant d'apprendre à leurs enfants la politesse, la propreté, les vertus du travail,(jusque là pas de problème) mais aussi la sécurité routière, les fondements (si j'ose dire) de la sexualité, le bien manger, les pratiques à risque (violence, tabac, drogue,...), et je ne sais quoi encore, je dis stop.

Je dis qu'un enseignant, s'il doit bien sûr éduquer, ne peut être seul à le faire. Tous ces charmants enfants ont en général des parents à qui incombe aussi cette tâche. La société d'autre part pourrait faciliter le travail de tout le monde en montrant un autre visage que celui habituellement affiché.

Enfin, nous sommes un certain nombre à demander instamment, en particulier dans des matières "ouvertes", comme le français ou l'histoire, que l'on nous laisse faire notre travail, que nous avons une matière à enseigner, moi par exemple l'orthographe, la grammaire, la syntaxe et le goût de la lecture (en dépassant si faire se peut le niveau assez plat de la littérature pour la jeunesse d'aujourd'hui, largement "sponsorosée" par une ou deux maisons d'édition) et de l'écriture. Ce travail-là pour lequel nous sommes payés, pour lequel nous avons choisi ce métier, qui a toujours été une passion avant même d'entrer dans l'éducation, ce travail-là, par exemple faire aimer la littérature comme nous l'avons aimée à l'âge de nos élèves et comme nous continuons à l'aimer, aujourd'hui nous avons à peine le temps de nous y consacrer.