samedi 12 juillet 2008

La forge.

(Écrit hier soir)

22h30. Je rejoins l'endroit où je dors. Étrangement j'ai déjà sommeil. L'air de la Creuse.

Noëlle était sur le quai de la gare de Guéret, à m'attendre. Elle a renoncé à se teindre les cheveux et les laisse comme ils poussent, blancs. Cela la change. Je l'aime ainsi. Heureux de se revoir, ainsi que Gérard qui attend dans la voiture. Tous deux trouvent que j'ai vraiment "décollé" et qu'il faut que je reprenne encore quelques kilos. Gérard me parle sans presque bégayer, preuve qu'il est à l'aise avec moi. Il l'était encore davantage avec Pierre: en fin de soirée, l'un, Gérard, jouait de la guitare, l'autre, Pierre, chantait. Comme, en général, le repas avait été bien arrosée, le tout, plutôt cacophonique, ne faisait guère honneur aux qualités de l'un ni de l'autre.

Il y a déjà de nombreuses années, Gérard et Noëlle ont acheté une ruine, une ancienne forge, couverte de ronces et d'arbustes qui finissaient de disloquer les murs. Ils s'en sont fait une petite, toute petite, maison de campagne, avec une pièce en bas, la cuisine-salon, et une pièce en haut, la chambre. (Douche sous l'escalier: il valait mieux ne pas être trop grand.) Des prés tout autour, à la sortie du village. Puis ils ont rajouté en bas une pièce, un vrai salon, et une vraie salle de bains.

Pierre n'a pas connu ces dernières transformations. Nous logions, comme je l'ai dit, dans le presbytère voisin, prêté par des amis à qui il appartenait et qui comptaient l'aménager pour y installer une de leurs filles, ce qui est fait aujourd'hui.( C'est d'ailleurs dans la cuisine de ce presbytère que je suis assis en ce moment pour taper ces messages. Note de ce soir) Quand le presbytère fut indisponible, Noëlle et Gérard n'ont pas voulu fermer leur maison aux amis à cause du manque de place. Alors ils ont acheté un petit bout de verger en face de la forge et y ont bâti le chalet, une construction en bois avec une partie atelier pour Gérard et une grande pièce avec toilette où Noëlle dort quand ils n'ont pas d'invités.

C'est là que j'écris ce soir, sur la dernière feuille jaune. Un vieil ordinateur, un dinosaure, trône sur une table, tout près de moi, inutile. Je m'étais mis au lit, décidé à regarder la télévision ou à lire. Mais l'inhabituel de la situation m'a fait me relever, prendre cette feuille, mon stylo (et pas de gomme, Oceania) et écrire. Le contact avec l'écran me manque, c'est sûr. Je peux écrire et taper ensuite, mais je ne peux joindre tel ou tel. Je me sens, en exagérant un peu, comme un enfant seul, en colonie, qui sait que sa famille réunie fait la fête ailleurs.

Bien sûr, nous avons parlé de nos collègues, bien sûr nous avons évoqué bien des souvenirs. Cela fait douze ans que Noëlle a cessé d'enseigner (maladie de longue durée, invalidité puis retraite). Nous avons particulièrement retracé nos itinéraires en Alsace, lors de nos classes européennes, les visites, les repas, les veillées, le jour où nous avons été invités, collègues et enfants, à déjeuner à la cantine du Conseil de l'Europe. On nous y avait distribué à chacun un T-shirt bleu avec les douze étoiles en jaune. Pour rappeler ces moments à Noëlle, j'ai justement apporté ce T-shirt en Creuse pour m'en servir de pyjama. Quand je le lui dis, elle se met à rire et, de la salle de bains, sort la même relique qu'elle utilise comme chemise de nuit. A elle, il arrive aux genoux.

Perrine, la jeune voisine, est passée ce soir pour cueillir un peu de menthe dans le jardin. Noëlle m'a dit, dès que nous nous sommes installés dans la voiture, à Guéret, que le couple était d'accord pour me prêter leur ordinateur. Perrine n'en a pas parlé ce soir. Je ne peux tout de même pas avoir l'air de m'imposer en abordant la question le premier. Et puis, ce soir, c'était conversation entre vieux amis.

Maintenant je suis seul au chalet et je vais me coucher, cette fois-ci pour de bon, plus tôt que dans l'année scolaire. Je n'entends aucun bruit. Tout à l'heure, un chien a aboyé, maintenant plus rien. J'avais pourtant le souvenir des eaux de la rivière, mais il n'en est rien. Reconstruction onirique. Après le vin blanc accompagnant la fondue savoyarde de ce soir, j'espère pouvoir dormir. Nous verrons bien. Bonne nuit. A domani.

Aucun commentaire: