mardi 8 juillet 2008

Puisque vous êtes sages.

Puisque vous êtes tous sages, je vais vous faire profiter du cadeau que m'ont offert en fin d'année deux mères d'élèves de sixième réputées difficiles (oui: -ées, des mères difficiles, pas leurs enfants).

Comme elles insistaient beaucoup pour obtenir un rendez-vous afin de procéder au bilan de l'année écoulée et que je louvoyais pour éviter ce rendez-vous, puisque les résultats avaient été bons pour ces deux bambins, je dus bien au final céder. Je m'arrangeai donc pour choisir un moment coincé entre deux autres obligations, de façon à ne pas passer ma vie avec ces dames.

Finalement une seule d'entre elles vint, l'autre travaillait à cette heure-là. Passons sur les détails: en fin d'entretien, j'avais dans les mains un très gros ouvrage édité par les Musées de Strasbourg (2006) dont le contenu s'attache à traquer la présence des antiquités (égyptienne, grecque, romaine, ...) dans les images ou les slogans publicitaires du 20°siècle. Son titre: Archéopub, La Survie de l'Antiquité dans les objets publicitaires.

Choix judicieux et intelligent des mamans, ce livre m'a beaucoup fait plaisir car nous avons, avec les 6°, procédé au fil des trimestres à des recherches sur le sujet, recherches qui se sont soldées en fin d'années par une petite exposition dans les couloirs du collège. Délicate attention donc.

J'ai parcouru l'ouvrage qui me semble très intéressant, très bien documenté et très bien illustré. Alors, voilà mon idée. De temps en temps, mais il faudra être sages, vous aurez droit, comme à leur histoire les enfants le soir, à un petit extrait revu par mes soins, sur tel ou tel produit connu de tous. Attention: à la fin, il y aura interrogation écrite!

La pub retenue aujourd'hui est celle qui ouvre le chapitre 5 intitulé Parlons grec et latin: la première affiche de Michelin, datant de 1899 et vantant à travers le bonhomme Bibendum son célèbre pneu.( Non, non, je ne veux vexer personne à l'approche de l'été et des séances plage!) L'artiste créateur en était O'Galop, pseudonyme de Marius Rossillon (notez au passage que, à l'époque, certains possédaient déjà le même humour ravageur que moi!). L'image représente le gros monsieur fait de pneus entre deux autres convives à l'air fort dépité. Tous trois sont à table, Bibendum est debout et porte un toast, un cigare allumé à la main gauche qui repose sur la table, une coupe levée à la main droite. Le texte se divise en deux bandeaux. Celui du haut est en latin et a donné naissance au surnom du bonhomme Michelin: NUNC EST BIBENDUM. (Maintenant il faut boire.). Sur la nappe encombrée de différents outils mécaniques, on peut lire: "A votre santé." Enfin le bandeau du bas explique le message: LE PNEU MICHELIN BOIT L'OBSTACLE.

Comme le dit l'ouvrage, que je cite: L'emploi de cette formule latine est révélatrice (...) de la vitalité de la culture classique au début du 20° siècle, où le choix d'une formule latine est fait pour s'adresser à tous, en une affiche qui allie subtilement "la technique et les humanités".

Heureux temps! Qu'est-ce qui changerait aujourd'hui? Le cigare disparaîtrait, suivant en cela le même chemin que la cigarette du Lucky Luke. Le latin serait bien évidemment remplacé par l'anglais, probablement pas davantage compréhensible que la langue ancienne pour la majorité de la population. Et surtout l'appel à célébrer la fiabilité du produit par une libation alcoolisée, ou un clin d'oeil à cette libation, serait bien évidemment hors de question. En résumé, une affiche à détruire sur le bûcher des infamies. Et tant pis si, par un surcroît de morale, on empeste l'atmosphère d'une odeur de caoutchouc brûlé.

J'ai l'impression qu'à l'époque, on faisait davantage confiance à la maturité des gens, à leur intelligence pour décrypter les messages. Mais peut-être aussi pouvait-on davantage compter sur ces qualités d'un être humain, à qui, par exemple, on n'était pas obligé de préciser sur la notice d'utilisation d'une poussette pour bébé, que le bébé doit impérativement être retiré de la poussette avant de replier celle-ci.
O tempora, o mores!

6 commentaires:

Anonyme a dit…

On aurait viré tout le bon en somme! Le gros cigare et la boisson. Triste époque en fait qui croit encore qu'il suffit de casser le thermomètre pour endiguer la fièvre !

Anonyme a dit…

Et si nous ne sommes pas sages ? parce que tu sais, je ne le suis pas toujours :)

Calyste a dit…

C'est exactement ce que je voulais dire sur cette "triste époque". Pour le cigare, je suis plus réservé: je déteste cette odeur et ne supporte pas quelqu'un qui en fume un à côté de moi. Pour la boisson, ok, à certains moments, dans certains contextes.

Anonyme a dit…

J'ai toujours regretté que le latin ne soit pas obligatoirement enseigné comme les autres matières.

Anonyme a dit…

Très intéressant. Mais c'est quoi exactement "mère difficile" ??
(Je ne tiendrai compte que de la réponse de Calyste dit-elle en souriant).

Calyste a dit…

Je crois effectivement que quelques connaissances en latin ne feraient de mal à personne pour connaître davantage la langue française.
Une mère "difficile"? Très ardu à décrire car il y en a de plusieurs modèles. Il faudra que je vous invite un jour, pour que vous vous fassiez une idée de visu.