jeudi 16 mai 2019

Syndrome de Stendhal

 http://miriampanigel.blog.lemonde.fr/files/2011/05/Piero-della-Francesca-The-Arezzo-Cycle-Adoration-of-the-Holy-Wood-and-the-Meeting-of-Solomon-and-the-Queen-of-Sheba.jpg

"J'étais arrivé à ce point d'émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j'avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber."
(Stendhal, Rome, Naples et Florence)

Ainsi s'exprimait l'écrivain suite à l'expérience qu'il vécut lors de son étape à Florence en 1817.

Parfois il m'arrive de me poser la question : suis-je, moi aussi, atteint de ce syndrome. Quelqu'un, un jour, dans un  commentaire, l'avait évoqué. Peut-être ce quelqu'un avait-il raison.

Mais pas tout à fait comme le décrit en 1979 la psychiatre italienne Graziella Magherini : pas d'hystérie, pas de suffocations ni d'hallucinations.

Pas de crainte de tomber non plus, comme chez Stendhal qui, pour y échapper, s'assit sur un banc de la place et se mit à lire un poème, ce qui empira son état face au poids de la culture ambiante.

Mais une accélération du rythme cardiaque, c'est certain. Un léger vertige, agréable, aussi, et des picotements, comme lorsqu'on est resté trop longtemps assis, un besoin de téléportation sans même avoir à faire une valise. Une immense émotion qui mouille les yeux au point que l'on n'entend plus ce qui se dit, émotion vive qui unit à l'artiste et va au-delà des images et du sujet de l’œuvre d'art.

C'est ce qu'encore une fois, j'ai ressenti hier soir devant les images de la Toscane, émotion créée par ce que je voyais et, encore davantage, par ce dont je me souvenais : la découverte, par exemple, des fresques de Piero della Francesca à Arezzo, dans la basilique Saint-François. Fresques à peine aperçues dans le documentaire mais je me suis revu dans cette ville des Apennins, en 1981, j'ai senti la chaleur du soleil, entendu le parler italien, ressenti la même stupeur devant la beauté de ces fresques, l'Annonciation, la rencontre de la reine de Saba et du roi Salomon, le songe de Constantin, que j'ai retrouvé ensuite en couverture d'un des écrits de Jean-Bertrand Pontalis.

Alors, malade ? En tout cas, comme Stendhal, je n'ai nulle envie de me guérir !

7 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Je pense que ce syndrome existe souvent et sous cette forme, lorsque quelqu'un dit : " -il y a trop de beautés, trop de créations" et qu'il se détourne volontairement des richesses humaines et naturelles !

CHROUM-BADABAN a dit…

En plus explicite, quelqu'un m'a dit récemment, je n'ai plus envie de lire, il y a trop de livres !
J'ai eu envie de lui en coller deux ... !

Cornus a dit…

Je ressens des choses qui ressemblent à ça des fois, mais c'est rare et ce ne sont pas forcément des œuvres d'art.

Pipo aka Mamy Grand a dit…

Ton billet appelle le partage. Merci.
Oui, la beauté me submerge parfois, souvent, passionnément. Elle peut me faire mal. Que l'on ne me prescrive aucun traitement, aucun anti-douleur !
(Stendhal me semble s'exprimer comme Berlioz aurait pu le faire, genre "mes dents claquaient" ; style d'époque ? mais quelle époque !)

Calyste a dit…

Chroum : moi, ça aurait plutôt tendance à m'ancrer dans l'humanité. Pour les deux à coller, tu aurais bien fait !

Cornus : la musique aussi, mais moins fréquemment.

Pipo : oui, sans doute style d'époque. J'ai voulu noter la citation complète, mais j'étais prêt à supprimer le mot "célestes".


Cornus a dit…

Calyste> Oui, la musique aussi. Et la cuisine et le vin !

Calyste a dit…

Cornus : pour moi, cuisine et vin, un peu moins tout de même. Ça reste au niveau des papilles.