vendredi 24 mai 2019

Et pourquoi pas la peinture ? (54)

Otto Dix : La Guerre / Wikipédia

Otto Dix (1891-1969) : La Guerre (Der Krieg), triptyque réalisé entre 1929 et 1932 (Stadtmuseum de Dresde).

J'ai découvert ce peintre grâce à Mireille, lors de l'un de nos cours en commun. Ce tableau, exposé une seule fois à Berlin en 1938, fut ensuite considéré par les nazis comme de "l'art dégénéré" mais heureusement caché pour éviter sa destruction. Il évoque les horreurs de la première guerre mondiale.

J'ai été fasciné par la façon dont Otto Dix a utilisé le support du triptyque, support longtemps utilisé pour la peinture religieuse. Inspiré du Christ mort de Hans Holbein, il présente les victimes de la guerre comme des martyrs. Mais Dix a inversé les codes du triptyque religieux traditionnel, présentant généralement  le paradis sur les trois panneaux du haut et l'enfer en bas : ici, l'enfer est sur terre et la paix dans la mort reléguée dans le panneau du bas, la prédelle.

4 commentaires:

Pipo aka Mamy Grand a dit…

Des œuvres d'Otto Dix révèlent la guerre de 1914 dans son plein désastre. Elles font vraiment peur. D'autres sont caricaturales, comme si ce peintre voulait se délivrer de ses cauchemars.
Dans le triptyque présenté par Calyste, un volet montre des soldats de la Grande Guerre. Le panneau central fait penser à Jérôme Bosch et à la Dulle Griet de Pierre Brueghel l'Ancien ; Cornus les connaît mieux que moi.
Et voilà le paradoxe : cet activiste de l'art moderne allemand a éprouvé le besoin de renouer avec des grands maîtres du passé. Alors que les nazis ont persécuté ce "bolchévique de la culture", celui-ci magnifiait aussi le Passé, comme le faisaient à son époque en Belgique (en préférant cependant la spiritualité à la violence) certains peintres des Écoles de Laethem-Saint-Martin ou du groupe Nervia - ou même des artistes officiels du Troisième Reich, volontiers médiévalisants (un seul exemple : "Der Führer spricht", de Paul Mathias Padua, qui évoque une vertueuse Sainte-Famille ...
nombreuse).
Chez Otto Dix, la coupe de l'horreur déborde. Comme Arnold Schönberg, il désole notre monde. Toujours aujourd'hui.

Calyste a dit…

Pipo : oui, le jour où je l'ai découvert grâce à ma collègue, j'ai été choqué, c'est à dire j'ai eu un choc. J'ai immédiatement pensé aussi à certains tableaux de Goya.
A part les flamands, je ne connais pas ceux qu tu cites dans ton commentaire. Encore pour moi d'intéressants sujets de recherche. Merci.

Mimians a dit…

Dans ce polyptyque, Otto Dix fait référence au retable d'Issenheim de Matthias Grünewald, exposé à Colmar.
Le panneau central: on y trouve un crucifié, mais penché au dessus des tranchées, avec les mains crispées comme celles du Christ du retable.
On aperçois aussi 2 jambes criblées de blessures comme tout le corps du Christ martyrisé.
La prédelle représente une mise au tombeau, chez Dix: le tombeau à même la terre d'une rangée de soldats morts

Effectivement,Calyste, gros choc devant ces deux extraordinaires polyptyques

Calyste a dit…

Mimians : je connaissais la référence mais ne savais pas les détails que tu me donnes ici (crucifié, jambes et mise au tombeau). A Issenheim, j'étais resté sonné devant le retable et la manifestation réaliste de tant de souffrance.