dimanche 6 novembre 2011

Anonyme

Je m'appelle Quintus Purinus Apro. Mon nom n'a pas laissé de trace dans l'histoire. La sublime épopée de la conquête romaine a oublié de le mentionner. Aucun de ces grands historiens qui ont tant chanté la grandeur de l'Empire n'a cru bon de le citer. Je resterai à jamais un anonyme. Et pourtant.

Le siège a été long devant Syracuse. Il nous fallait cette île triangulaire qui sépare à peine l'Afrique de notre péninsule. Nous ne pouvions supporter la puissance de ces Carthaginois qui narguaient notre orgueil latin. La ville, isolée, affamée, tenait devant les aigles de nos légions et les bateaux de notre flotte. Peu à peu le découragement gagnait les soldats. Et si nous avions à subir un nouvel échec devant cet ennemi redoutable?

Un jour, notre flotte fut incendiée par un rayon solaire détourné sur nos navires. L'ennemi, ces grecs à l'esprit retors, avait réussi à capter l'astre du matin et à en faire une arme contre nous. Plusieurs bâtiments furent la proie des flammes. Beaucoup des nôtres se jetèrent à la mer pour échapper au brasier. La plupart moururent, emportés au fond des flots par le poids de leur cuirasse. Notre général, Marcus Claudius Marcellus, réussit cependant, dans les jours suivants, à redonner courage et vaillance à nos troupes fort affectées par ces pertes. Il fit tant et si bien que la ville finit par être investie. C'était en la cinq cent quarante et unième année après la fondation de notre Ville.

Le carnage et le pillage furent à la hauteur des souffrances et des affronts que nous avions endurés. Marcus Claudius Marcellus n'avait donné qu'un ordre: épargner un certain mathématicien grec qu'il estimait par dessus tout. Alors qu'avec mes compagnons, nous arpentions la ville à la recherche de quelque butin qui nous revenait de droit, je vis un homme penché vers la terre où je découvris, en m'approchant , qu'il traçait des figures géométriques. J'aurais volontiers laissé la vie à ce vieillard à l'allure bien inoffensive pour un rude soldat comme moi s'il s'était comporté comme le vaincu qu'il était. Mais le vieil homme, sourd à mes injonctions, continuait imperturbablement son jeu d'enfant sur le sol.

Alors que je m'approchais pour le rudoyer un peu (quel temps ne me faisait-il pas perdre dans la recherche de trésors plus substantiels!), ce fou sembla sortir un moment de sa stupide concentration et me lança dans la langue de son peuple: " Ne dérange pas mes cercles!", avant de se replonger dans son occupation infantile. Alors mon sang ne fit qu'un tour et je lui plongeai mon épée au travers du corps avant de repartir vers d'autres conquêtes.

Marcellus me fit convoquer dans sa tente quelques jours plus tard, après avoir organisé de couteuses funérailles en l'honneur du grand mathématicien qu'il avait voulu épargner et dont on avait retrouvé le corps, quelque part dans le chaos de la ville. C'en fut fini de ma carrière sous les armes. Je venais de découvrir qui j'avais tué. J'étais l'assassin d'Archimède.

6 commentaires:

laplumequivole a dit…

Quel fumier ce Purino !

Calyste a dit…

La Plume: Pur Purino ou les mystères de Syracuse !!!!

Cornus a dit…

Le vilain !

zeus_antares a dit…

Les "Barbares" n'étaient pas ceux qu'on croyait!
L'histoire des miroirs enflammant les navires romains ne semble être qu'une légende. D'une part parce qu'il était impossible construire de grands miroirs à l'époque (et ils étaient en bronze poli), d'autre pat, une reconstitution récente a montré que cela ne marchait pas sur des navires en mouvement qui plus est dont la coque était en bois humide! Sans parler du foyer des miroir à focaliser sur des voiles agitées par le vent...
Il semble que la prise de Syracuse se soit faite de nuit après trois jours de bombance des habitants en l'honneur de la déesse Diane voir Wikipedia). Marcellus a donc triomphé sans gloire!

zeus_antares a dit…

Désolé pour les quelques fautes d'orthographe!

Calyste a dit…

Cornus: à ce point ? Il ne faut pas "poussée", comme aurait dit Archimède lui même!

Zeus: oui, j'ai lu tout ça sur Wikipedia. Mais les légendes ont la vie dure, et tant mieux!