lundi 10 mars 2008

Trézène.

Un mot que j'aurais pu inscrire dans l'Abécédaire, tant sa forme et sa sonorité sont évocatrices pour moi.

C'est sur le monologue de Théramène (Phèdre,V,6) que j'ai planché à l'oral du bac. J'ai encore dans les mains la moiteur d'angoisse de ce jour-là, je revois l'examinatrice, une femme "terriblement" enceinte, la salle du lycée où un autre passait pendant que je préparais. Et puis l'épreuve elle-même, devant cette femme fatiguée, et, peu à peu, l'oubli du contexte, la fin de la peur, simplement la joie d'expliquer un beau texte à quelqu'un qui avait l'air d'y prendre plaisir. (A dire sans fausse modestie, je récoltai ce jour-là la meilleure note de tout l'établissement. J'en suis encore assez fier aujourd'hui.)

C'est aussi un des endroits que je tins à visiter lors de mon premier voyage en Grèce. Heureusement, je fus appuyé dans mon désir par E., qui convainquit les autres en leur faisant miroiter les plages toutes proches. Las pour tous: les plages étaient sordides, recouvertes de déchets apportés par la houle depuis Athènes, et le site n'avait rien d'exceptionnel.

Pourtant il se produisit là une scène que je n'ai jamais oubliée. Alors que nous traversions à pied le village, une femme grecque nous interpella (E. parle très bien le grec moderne.) et nous proposa de remplir nos gourdes d'eau fraîche. C'était déjà un don du ciel, vue la température ambiante, mais cette bonne samaritaine ne s'en arrêta pas là: à E. et à moi (pourquoi nous deux, qui étions justement les plus émus par les réminiscences culturelles?), elle offrit une branche de fleurs blanches au parfum merveilleux de suavité que l'un et l'autre nous rapportâmes précieusement en France (protégée au milieu d'un rouleau de papier hygiénique!) et conservâmes durant de longues années avant que la poussière et le dessèchement n'en viennent définitivement à bout.

Pourquoi ce geste gratuit? Nous prenait-elle pour ces dieux antiques qui se métamorphosaient en humains, en mendiants, pour mettre à l'épreuve les hommes qui croisaient leur chemin et, selon leur conduite, les récompenser ou les punir des pires malédictions? C'est en tout cas un moment cher à mon coeur, même si, ce jour-là, les manes de Phèdre, d'Hippolyte et de Thésée avaient depuis longtemps déserté ces rivages du Péloponnèse.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ose pas mettre un commentaire sous les vers de Racine, surtout ceux que vous avez choisis (sourire). Un peu silencieuse en ce moment, mais toujours sensible. (Anna)

Anonyme a dit…

C'est marrant, à L'oral du Bac, je suis également tombé sur Phédre, mais acte III :)
Coïncidence, coïncidence.

Calyste a dit…

Phèdre reste pour moi l'absolu. Je n'ose pas le relire, de peur d'être déçu. Pourtant, ayant ressenti violemment cette passion à l'adolescence, je devrais encore mieux la comprendre aujourd'hui. Mais sans doute comprendre n'est-il pas ressentir, est-il ne plus ressentir?

Anonyme a dit…

La découverte d'une œuvre quelle qu'elle soit comporte sa part d'inédit, même en sensation :) Je pense que la compréhension n'a rien à voir la dedans, à moins que de s'identifier. :) Enfin ce n'est que mon avis :)
Mieux vaut donc ne pas relire :)


Pour moi cette pièce c'était un calvaire ; j'ai toujours été fâché avec certains courants littéraires, en particulier le classicisme et le romantisme (sauf noir)